Revu sur MUBI : Le Ballon rouge (Cm)

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© 1956 Les Films Montsouris / Film Distribution / Gébéka Films / Shellac Tous droits réservés

Aussi inconcevable cela peut-il paraître aujourd’hui, il fut un temps où des films français gagnaient l’Oscar du Meilleur scénario à Hollywood. Certes, le pluriel ne se justifie ici que par son strict minimum, c’est-à-dire deux, ce film-ci en 1957 et Un homme et une femme de Claude Lelouch dix ans plus tard. Mais c’est toujours le double des autres pays non-anglophones honorés de la sorte, la Suisse, l’Italie, l’Espagne et tout récemment la Corée du Sud. Encore plus étonnant, Le Ballon rouge est le seul et unique court-métrage oscarisé dans une catégorie a priori réservée aux longs-métrages. Il a surtout marqué des générations entières de jeunes spectateurs. Parmi eux figurent – osons le supposer – le réalisateur chinois Hou Hsiao-Hsien qui lui a rendu hommage en 2007 à travers Le Voyage du ballon rouge, ainsi que les scénaristes du film d’animation Pixar Là-haut à la première partie elle aussi très rondement aérienne.

Disponible jusqu’à ce soir au moins sur la plateforme MUBI, Le Ballon rouge accomplit avant tout un exploit considérable, hélas pas à la portée de tous les courts. On s’explique. En à peine une demi-heure, il agence un formidable conte, en mesure de ravir à la fois les gamins, qui ont malheureusement un peu perdu de nos jours leur capacité d’émerveillement face à un jouet aussi simple qu’un ballon, et un public adulte aux exigences divergentes. Pour les premiers, l’identification est assurée d’une manière prodigieuse par des situations aussi simples qu’ingénieuses. Et pour les deuxièmes, l’amitié improbable entre un petit garçon et son ballon rouge, décroché en mode ninja urbain des années 1950 d’un lampadaire du côté de la butte de Ménilmontant, se prête à une multitude de pistes d’interprétation.

Cependant, le réalisateur Albert Lamorisse maîtrise parfaitement la poésie cinématographique nécessaire pour conter une telle fable à l’envergure universelle. Il trouve avec une aisance remarquable l’équilibre juste entre une technique impressionnante et un fil narratif qui assemble habilement les passages obligés d’une vie d’écolier de cette époque-là. Comme c’était alors déjà le cas dans les deux premiers films de Jacques Tati sortis auparavant, la parole y figure au mieux parmi d’autres outils employés pour créer une bande-son inventive. La même chose vaut pour la musique de Maurice Leroux, plutôt discrète dans son accompagnement des aventures rocambolesques du jeune protagoniste. Celui-ci occupe tour à tour les rôles de chenapan et de confident, d’exclu du cercle bruyant, voire sauvage de ses camarades de classe et d’élu des dieux de l’hélium, embarqué en guise de conclusion magistrale dans un voyage enchanté sur les toits de Paris.

© 1956 Les Films Montsouris / Film Distribution / Gébéka Films / Shellac Tous droits réservés

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