Berlinale 2016 : Quand on a 17 ans

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Quand on a 17 ans

France, 2016
Titre original : –
Réalisateur : André Téchiné
Scénario : Céline Sciamma et André Téchiné
Acteurs : Sandrine Kiberlain, Kacey Mottet Klein, Corentin Fila, Alexis Loret
Distribution : Wild Bunch Distribution
Durée : 1h54
Genre : Drame d’adolescents
Date de sortie : 30 mars 2016

Note : 3,5/5

Téchiné restera toujours Téchiné. Le nouveau film du réalisateur, présenté en compétition au 66ème Festival de Berlin, s’apparente à un magnifique retour en arrière, à un déjà-vu cinématographique dont l’aspect a changé alors que l’essence est restée identique. André Téchiné a beau avoir travaillé avec les plus grands noms du cinéma français, l’œuvre la plus personnelle de sa deuxième partie de carrière est Les Roseaux sauvages de 1994 avec des acteurs comme Gaël Morel, Elodie Bouchez et Stéphane Rideau, à la carrière peu durable ou cantonnés aux mêmes types de rôles. Il tente en quelque sorte de renouveler l’exploit à travers Quand on a 17 ans, une histoire d’amour gay qui doit traverser bon nombre de tribulations avant le premier baiser entre mecs. Ce conte à l’eau de rose épouse étroitement la structure narrative des histoires de coming out à l’adolescence, qui pullulent depuis un quart de siècle dans les films destinés aux jeunes gays et lesbiennes en quête de figures d’identification positives. Mais il le fait avec une poésie filmique dont le réalisateur détient le secret et grâce à laquelle nous sommes chaque fois de nouveau profondément touchés par ses histoires et sa sensibilité à fleur de peau.

Synopsis : Thomas, le fils adoptif d’un couple d’éleveurs de vaches dans les montagnes, met chaque jour plusieurs heures pour se rendre à pied et en bus au lycée, où il tente de passer son bac scientifique. C’est un adolescent solitaire qui reste à l’écart des autres élèves et qui voue une haine profonde à Damien, dont la mère est médecin et le père pilote militaire. Les deux garçons ne ratent pas une occasion de se provoquer mutuellement, voire de se bagarrer. Quand la mère de Thomas tombe enceinte après plusieurs fausses couches, Marianne, la mère de Damien, invite son fils à s’installer quelques semaines chez elle, le temps de se préparer tranquillement aux épreuves du bac. Thomas accepte à contre-cœur cette offre généreuse, parce qu’elle l’obligera de fréquenter de plus près son ennemi juré.

La vie, l’amour … les vaches

André Téchiné est pour nous le saint patron de la cause gaie dans le contexte pas si militant et tolérant du cinéma français. Dans pratiquement chacun de ses films, il glisse au moins une référence valorisante à ce style de vie alternatif, sans en faire une source de polémique tendancieuse. Son univers montre l’expérience d’être homosexuel avec ses joies et ses peines, tout en incluant cette thématique de l’exclusion plus ou moins virulente dans une réflexion plus globale sur la condition humaine. Car chez lui, un personnage gay est toujours plus qu’un cliché ambulant. Il a tout à fait le droit d’éprouver les mêmes choses que le commun des mortels, sans que ses préférences sexuelles ne réduisent son champ affectif. L’appartenance à la communauté gaie n’y a rien de sectaire, puisque le fait d’être homosexuel signifie en premier lieu ici de s’accepter soi-même, d’oser franchir le pas seul avant de partager avec les autres cette découverte plus ou moins honteuse de la différence. La mécanique de l’idéal romantique gay s’articule dans Quand on a 17 ans selon un principe peut-être pas très réaliste, avec ces deux jeunes mecs beaux et sans défauts apparents qui se retrouvent comme par miracle dans une petite communauté rurale. Tout l’art de la mise en scène consiste alors à nous faire croire en cette relation de moins en moins conflictuelle, qui ressemble à un rêve taché tout de même de quelques éléments tenaces de cauchemar.

Il n’y a pas de faux enfants

Cependant, la question de l’orientation sexuelle n’est pas la seule à turlupiner les deux personnages au cœur du film. Il se passe un tas de choses autour d’eux, qui les obligent à prendre plusieurs décisions potentiellement lourdes de conséquences pour le reste de leur vie. Et puis, il y a tout le volet militaire du film qui s’inscrit étroitement dans le domaine plus large de la famille et du milieu social. Entre des mains moins délicates que celles de André Téchiné, pareil éventail de sujets ordinaires aurait pu border à la surcharge désordonnée. Or, le réalisateur aime depuis toujours cultiver la digression pour mieux revenir aux parties du film qui lui tiennent à cœur. Un mouvement d’échange permanent s’installe ainsi entre la tension érotiquement chargée qui transforme Damien et Thomas en fauves d’un côté et le regard d’une lucidité transcendante sur la vie à la campagne de l’autre. Le réalisme épuré du quotidien est en effet le deuxième pilier sur lequel trône le cinéma de André Téchiné, avec cette fois-ci des personnages authentiquement touchants comme les parents de Damien, interprétés par Sandrine Kiberlain et Alexis Loret. C’est grâce à cet appui plus terre-à-terre que la fantaisie romantique entre les deux garçons ne bascule jamais dans le registre du fantasme abstrait et inaccessible. En cela, Quand on a 17 ans figure parmi les films les plus réussis de son réalisateur, à la fois vibrant de sympathie pour le dilemme sentimental de ses protagonistes au seuil de l’âge adulte et nullement oublieux de l’évidence que la vie continue autour d’eux.

Conclusion

Nous avons beau être la cible de choix pour ce genre de film, sans détour en faveur de la cause gaie dans ce qu’elle a de plus naturel, nous avons particulièrement aimé le nouveau film de André Téchiné, un cinéaste qui persévère courageusement dans son style sophistiqué et pourtant si proche de la simplicité de la vie. Chapeau bas donc au vieux maître pour cette très belle histoire d’un amour supposé impossible !

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