C’est l’une de nos plus grandes ambitions de modeste bloggeur cinéma : faire partie un jour du jury du prix littéraire du Syndicat Français de la Critique de Cinéma ! Hélas, comme le résume si justement notre cher rédacteur en chef Pascal, pour pouvoir y prétendre, il faudra lire, voire lire énormément. En attendant que le déclic intellectuel se fasse, nous voici réduits à relayer l’admirable travail de nos confrères jurés. Soyez rassurés, nous le faisons avec le plus grand plaisir.
C’est hier que les nominations pour les trois prix littéraires ont été annoncées sur les réseaux sociaux du syndicat. Comme cela fut déjà le cas l’année dernière, une remise exceptionnelle de 5 % est accordée pour l’achat des livres nommés à la Librairie du Cinéma du Panthéon à Paris, ainsi qu’à la librairie de la Cinémathèque Française – restée fermée début 2021 pour cause de semi-confinement –, sur présentation du code promotionnel #PrixSFCC2020 ! Verdict sur les trois lauréats, de même que ceux des éditions vidéo, des productions télé et des films de cinéma le lundi 21 février, a priori à la Cinémathèque Française pour la 76ème cérémonie des prix du syndicat.
Pour rappel, ces prix seront votés, tout comme l’ont été les nominations, par le jury littéraire du syndicat. Renouvelé chaque année sur décision du conseil d’administration, il était composé cette année de cinq journalistes membres du syndicat, l’éminent Michel Ciment occupant cette année le simple poste de consultant. Alors que les prix cinéma du Syndicat Français de la Critique de Cinéma existent depuis l’immédiat après-guerre, ceux dédiés à la littérature cinéma ne sont attribués que depuis 1978.
Après le triple hommage rendu aux maîtres du cinéma français par les nommés du Meilleur livre français l’année dernière, un fil rouge impossible à ignorer relie également les trois ouvrages en lice en 2022. Sans exception, ils s’intéressent à un film en particulier, traité selon la sensibilité et les objectifs éditoriaux de leurs auteurs respectifs. Même sans avoir mis le nez dans ces trois futurs livres de référence, on peut en apprécier la complémentarité historique. En effet, il y est question, tour à tour, de l’un des films à scandale les plus célèbres des années 1970 – L’Empire des sens de Nagisa Oshima –, de la réception en France de l’un des premiers films marquants de Cecil B. DeMille, l’épopée du muet Forfaiture, ainsi que de la longue et tortueuse production de Outrages de Brian De Palma et son regard profondément désenchanteur sur la guerre du Vietnam, dix à vingt ans après les faits.
Les biographies ont toujours autant la cote parmi les Meilleurs livres étrangers. Tandis que le gros pavé du journaliste américain Sam Wasson sur le tournage de Chinatown de Roman Polanski au début des années 1970 fait plutôt le lien avec les livres français, les deux autres candidats sont entièrement voués à la personne soit de l’éternel Stanley Kubrick, soit du toujours aussi surprenant Matthew McConaughey. Pour le premier, les Éditions Séguier ont enfin rendu accessible aux lecteurs non-anglophones le portrait dressé par son collaborateur sur Full Metal Jacket Michael Herr, plus de vingt ans après sa sortie dans les librairies américaines et près de cinq ans après la disparition de son auteur. Quant à l’acteur oscarisé pour Dallas Buyers Club, il est encore tout à fait de ce monde, même si l’on a pu le voir pour la dernière fois sur grand écran juste avant la pandémie, en février 2020 dans The Gentlemen de Guy Ritchie. Qu’a-t-il bien pu faire depuis ? Relire ses journaux intimes dans le désert et en tirer un livre plein de sagesse.
La sélection la plus éclectique et formellement aventureuse, on la retrouve du côté des heureux élus au prix du Meilleur album sur le cinéma. Cela commence très fort avec un plongeon écrit à une quarantaine de mains sur une époque globalement peu explorée par la littérature de cinéma : cette Belle époque qui constitue, rétrospectivement, un moment charnier pour le loisir cinématographique en France. Puis, le changement de ton est prodigieux à la lecture des deux autres beaux tomes choisis par le jury du syndicat. Libres et décapants, les neuf films réalisés par Benoît Delépine et Gustave Kervern le sont assurément. Le livre d’entretiens que leur consacre le premier titre de la collection CinéComédies paraît tout à fait à la hauteur de leur univers délirant. Enfin, l’amitié née entre le dessinateur et réalisateur Riad Sattouf et l’acteur alors débutant Vincent Lacoste lors du tournage de Les Beaux gosses en 2009 trouve une déclinaison saisissante dans l’album édité par son auteur.
Meilleur livre français sur le cinéma
Cérémonies Au cœur de L’Empire des sens de Stéphane De Mesnildot, Éditions Le Lézard Noir
Forfaiture de Cecil B. DeMille de Laurent Véray, Éditions Presses Universitaires de Lyon
Outrages De Daniel Lang à Brian De Palma de Nathan Réra, Éditions Rouge Profond
Le lauréat pour l’année 2020 était Le Spectateur zéro Conversation sur le montage de Julien Suaudeau, Éditions POL.
Meilleur livre étranger sur le cinéma
The Big Goodbye Chinatown et les dernières années d’Hollywood de Sam Wasson, Éditions Carlotta Films
C’était Kubrick de Michael Herr, Éditions Séguier
Greenlights de Matthew McConaughey, Éditions du Seuil
Le lauréat pour l’année 2020 était A la recherche de la lumière de Oliver Stone, traduit de l’anglais par Diniz Galhos, Éditions de l’Observatoire.
Meilleur album sur le cinéma
Ils y viennent tous … au cinéma ! L’Essor d’un spectacle populaire (1908-1919) sous la direction de Laurent Véray, Éditions Le Passage
Le Cinéma de Benoît Delépine et Gustave Kervern de Christophe Geudin et Jérémie Imbert, Éditions La Tengo
Le Jeune acteur 1 Aventures de Vincent Lacoste au cinéma de Riad Sattouf, Éditions Les Livres du futur
Le lauréat pour l’année 2020 était Cassavetes par Cassavetes de Ray Carney, Capricci Éditions.