Critique : No escape

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No escape

Etats-Unis, 2014
Titre original : No escape
Réalisateur : John Erick Dowdle
Scénario : John Erick et Drew Dowdle
Acteurs : Owen Wilson, Lake Bell, Pierce Brosnan
Distribution : SND
Durée : 1h42
Genre : Thriller / Interdit aux moins de 12 ans
Date de sortie : 2 septembre 2015

Note : 2/5

Tous les préjugés imaginables sur l’étranger, vu depuis le point de vue américain, deviennent réalité dans ce thriller prévisible. En même temps, avec une prémisse aussi tendancieuse que celle de No escape, il aurait été quasiment impossible de créer un film nuancé, qui ferait appel à autre chose qu’aux instincts les plus élémentaires. L’appel récurrent aux ressorts du film d’horreur est par conséquent ce qui sauve le nouveau film des frères Dowdle du désastre complet. Or, une sensation durable d’effroi ne réussit pas réellement à s’installer, à cause du besoin manifeste du scénario d’y intégrer quelques passages obligés de tout conte moral sur fond de film d’action. C’est en fin de compte cet état constant d’indécision entre les tripes et le cœur qui condamne cette propagande larvée à l’échec, bien plus que ses aspects formels sans le moindre éclat.

Synopsis : En compagnie de sa femme Annie et de ses deux filles, le Texan Jack Dwyer est en route pour la Thaïlande, où il doit commencer son nouveau travail pour l’entreprise d’assainissement des eaux Cardiff. A son arrivée à l’aéroport, il n’est attendu par personne. Pour son trajet jusqu’à l’hôtel, il devra compter sur l’assistance de Hammond, un Anglais rencontré dans l’avion qui connaît bien le pays. Le lendemain matin, Jack s’aventure dans le centre-ville pour chercher le journal, quand il devient le témoin d’un affrontement violent entre la police et des civils insurgés. Affolé, il se réfugie dans son hôtel, qui est d’ores et déjà assiégé par les rebelles. Ceux-ci y exécutent sommairement les étrangers. Jack tentera dès lors par tous les moyens de mettre sa famille à l’abri.

Encore une dizaine de pas

Quelle peut bien être l’utilité, voire la finalité d’un film au ton grossier comme celui-ci, si ce n’est de colporter des clichés immondes sur des questions géopolitiques, aux tenants et aboutissants infiniment plus complexes que ne le laisse supposer la trame trop sommaire de son scénario ? Il faudra en effet attendre longtemps, avant qu’une parenthèse artificiellement explicative mette tant soit peu en perspective le chaos sécuritaire dans lequel cette pauvre famille d’Américains moyens est propulsée malgré elle. Et puisque le temps de repos est hautement précieux en temps de guerre civile, la narration en profite pour une expression convenue des sentiments sur lesquels se base l’instinct de survie des Dwyer. Car avant et après cette séquence de répit, les expatriés doivent affronter héroïquement une série d’épreuves, qui confirment à la fois leurs idées préconçues sur les civilisations différentes de leur microcosme américain préservé – cuiseur de riz inclus – et notre perte d’espoir face à un cinéma hollywoodien creux et particulièrement lâche dans ses rares prises de position. L’affrontement des cultures s’opère d’une façon si caricaturale ici, que l’on serait tenté de croire en une satire, si le fond n’était pas si sérieux et si le message patriotique omniprésent n’était pas transmis avec autant de ferveur.

Sauvé par James Bond

L’ironie finement agencée ne compte pas plus parmi les talents de John Erick Dowdle et de son frère Drew – responsables ensemble ou séparément de la réalisation, du scénario et de la production de No escape – qu’un flair pour la justesse et la sincérité du ton. La réalité crue de la guerre peine ainsi à se frayer un chemin à travers la jungle de l’aventure haletante. Et si elle y parvient malgré tout, comme lors du basculement de Jack dans le camp des assassins ou quand la tentative d’intervention de sa femme se solde par un début de viol, il est sûr et certain que pareil crime contre le recul propre à la fiction rassurante est suivi par un renforcement des dispositifs héroïques à l’ancienne, par exemple en la personne du vieux baroudeur interprété avec une autodérision appréciable par Pierce Brosnan. Contrairement au jeu transparent de Owen Wilson dans le rôle du père de famille dépassé par les événements, celui du James Bond des années 1990 dégage une nonchalance désabusée, qui constitue peut-être la seule attitude envisageable face à un tel spectacle. Car même le refuge improbable du Vietnam, substitué in extremis au leurre de l’ambassade américaine, y tombe victime du discours sirupeux sur l’unité familiale, soi-disant plus forte et redoutable que toute la violence de la terre réunie.

Conclusion

Avec une narration plus adepte du second degré et une surenchère sans regrets des moments écœurants, cette épopée à la gloire des Américains coriaces aurait au moins pu intégrer le camp de l’horreur viscérale, si prisée par l’école dont Eli Roth doit être considéré comme le chef de file par défaut. Hélas, les frères Dowdle n’en tirent qu’un navet fade sans autre ambition que de réconforter toutes les angoisses existentielles que leur peuple nombriliste se complaît de cultiver depuis des siècles. En somme, il s’agit d’une version du pauvre de Taken, sans Liam Neeson et sans une mise en valeur quelconque du décor exotique de la Thaïlande, qui a pourtant amplement contribué au tournage du film.

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