Décès du scénariste Jean-Claude Carrière

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Cet obscur objet du désir © 1977 Jean Distinghi / Les Films Galaxie / Greenwich Film Productions / Carlotta Films
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Le scénariste français Jean-Claude Carrière est décédé le 8 février à Paris. Il était âgé de 89 ans. Un homme de lettres hors pair, Carrière était pendant plus de dix ans le formidable complice du réalisateur espagnol Luis Buñuel. Mais son immense carrière ne se résume nullement à cette collaboration privilégiée qui avait vu naître des œuvres majeures comme Belle de jour, Le Charme discret de la bourgeoisie et Cet obscur objet du désir. Au rythme soutenu de près de cent films en soixante ans d’activité pour le cinéma, ses scénarios ont de même grandement contribué au travail de Pierre Étaix, Louis Malle, Jacques Deray, Milos Forman, Volker Schlöndorff et Philippe Garrel.

Le Grand amour © 1969 Roger Forster / Les Productions de la Guéville / Madeleine Films / Carlotta Films
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Après avoir publié son premier roman à la fin des années 1950 et procédé à la novélisation des films de Jacques Tati de cette époque, Jean-Claude Carrière avait d’abord fait équipe avec le réalisateur Pierre Étaix à partir de 1961. Ensemble, ils réalisent deux courts-métrages, Rupture et Heureux anniversaire, puis Carrière écrira les scénarios de Le Soupirant, Yoyo, Tant qu’on a la santé et Le Grand amour.

Dans la continuité directe de cette première rencontre artistique couronnée de succès, il fait la connaissance de Luis Buñuel. Celui-ci l’engage pour son adaptation d’Octave Mirbeau Le Journal d’une femme de chambre. Ils se retrouveront trois ans plus tard pour le sulfureux Belle de jour – Lion d’or au Festival de Venise en 1967 –, puis encore pour La Voie lactée, Le Charme discret de la bourgeoisie – Oscar du Meilleur Film étranger en 1973 –, Le Fantôme de la liberté et Cet obscur objet du désir, le dernier film du maître sorti en 1977.

La Piscine © 1969 Société Nouvelle de Cinématographie / Tritone Cinematografica / Warner Bros. France
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En parallèle, le talent exceptionnel de conteur de Jean-Claude Carrière n’avait point chômé, bien au contraire ! Jusqu’à la fin des années ’70, on lui doit ainsi les histoires de Viva Maria et Le Voleur de Louis Malle, Cartes sur table de Jess Franco, Paradiso Hôtel de libre échange de Peter Glenville, La Piscine, Borsalino, Un peu de soleil dans l’eau froide, Un homme est mort, Le Gang et Un papillon sur l’épaule de Jacques Deray, L’Alliance de Christian De Challonge, Taking off de Milos Forman, Liza de Marco Ferreri, France société anonyme de Alain Corneau, Grandeur nature de Luis Garcia Berlanga, La Chair de l’orchidée de Patrice Chéreau, La Faille de Peter Fleischmann, Julie pot-de-colle de Philippe De Broca, L’Homme en colère de Claude Pinoteau et Le Tambour de Volker Schlöndorff – Palme d’or au Festival de Cannes en 1979 et Oscar du Meilleur Film étranger l’année suivante.

Milou en mai © 1990 Jeanne-Louise Bulliard / Nouvelles Éditions de Films / TF1 Films Production / Pyramide Distribution
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Au cours des années ’80, Carrière avait continué de participer de façon déterminante aux scénarios co-écrits avec des réalisateurs tels que Jean-Luc Godard (Sauve qui peut [la vie]), Volker Schlöndorff (Le Faussaire et Un amour de Swann), Daniel Vigne (Le Retour de Martin Guerre), Carlos Saura (Antonieta), Andrzej Wajda (Danton et Les Possédés), Peter Brook (La Tragédie de Carmen), Nagisa Oshima (Max mon amour), Philip Kaufman (L’Insoutenable légèreté de l’être), Nicolas Klotz (La Nuit Bengali) et Milos Forman (Valmont).

De même pour les année ’90 avec, entre autres, Louis Malle (Milou en mai), Peter Brook (Le Mahâbhârata), Jean-Paul Rappeneau (Cyrano De Bergerac – César du Meilleur Film en 1991 – et Le Hussard sur le toit), Hector Babenco (En liberté dans les champs du seigneur), Volker Schlöndorff encore (Le Roi des aulnes) et Wayne Wang (Chinese Box).

L’Ombre des femmes © 2015 Guy Ferrandis / SBS Productions / arte France Cinéma / Close Up Films / SBS Distribution
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Jean-Claude Carrière était resté aussi prolifique tout au long des vingt premières années du siècle, puisque on lui doit Rien voilà l’ordre de Jacques Baratier, Birth de Jonathan Glazer, Les Fantômes de Goya de Milos Forman, Ulzhan de Volker Schlöndorff, Syngué Sabour Pierre de patience de Atiq Rahimi, L’Artiste et son modèle de Fernando Trueba, L’Ombre des femmes, L’Amant d’un jour et Le Sel des larmes de Philippe Garrel, ainsi que At Eternity’s Gate de Julian Schnabel et L’Homme fidèle de Louis Garrel. Tout récemment, il avait de même participé à l’écriture du troisième long-métrage de Louis Garrel, La Croisade.

En plus de ses multiples activités annexes d’écrivain et de parolier, Jean-Claude Carrière avait eu l’occasion de passer de temps en temps devant la caméra en tant qu’acteur. Le plus souvent dans des films dont il avait écrit le scénario, mais également chez Yannick Bellon (L’Amour nu), Benoît Delépine et Gustave Kervern (Avida) et Abbas Kiarostami (Copie conforme). En 2019, il avait prêté sa voix grave et posée au personnage du vieil ours dans le film d’animation La Fameuse invasion des ours en Sicile de Lorenzo Mattotti.

Le Retour de Martin Guerre © 1982 Georges Pierre / Production Marcel Dassault / France 3 Cinéma Tous droits réservés

Jean-Claude Carrière a été nommé à quatre reprises à l’Oscar, pour le Meilleur court-métrage de fiction Heureux anniversaire, ainsi que dans la catégorie du Meilleurs scénario adapté pour Le Charme discret de la bourgeoisie, Cet obscur objet du désir et L’Insoutenable légèreté de l’être. Il l’avait gagné pour sa première nomination en 1963 aux côtés de Pierre Étaix. En 2014, il avait reçu un Oscar d’honneur pour l’ensemble de son œuvre des mains du réalisateur Philip Kaufman. Il a été nommé quatre fois au César du Meilleur scénario pour Cet obscur objet du désir, Danton, Le Retour de Martin Guerre et Cyrano De Bergerac. Il l’avait gagné en 1983 aux côtés de Daniel Vigne. L’Académie du cinéma européen lui avait attribué son prix honorifique en 2016.

Jean-Claude Carrière a été le président de la Fémis, l’école nationale supérieure du cinéma, de 1986 à ’96. L’année passée, la Cinémathèque Française avait commencé à lui rendre hommage début octobre, avant que le deuxième confinement n’en décide autrement.

Le Tambour © 1979 Franz Seitz Filmproduktion / Bioskop Film / Artemis Film / Tamasa Distribution Tous droits réservés

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