De rouille et d’os

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De rouille et d'os

De rouille et d'osDe rouille et d’os

Français : 2011
Titre original : De rouille et d’os
Réalisateur : Jacques Audiard
Scénario : Thomas Bidegain , Jacques Audiard
Acteurs : Marion Cotillard, Bouli Lanners, Matthias Schoenaerts
Distribution : UGC Distribution
Durée : 1h55
Genre : Drame
Date de sortie : 17 mai 2012

Globale : [rating:4][five-star-rating]

Véritable film coup de poing, De Rouille et d’Os est le nouveau long métrage de Jacques Audiard. Alors qu’il avait déjà affolé les critiques avec son Prophète, le réalisateur réitère l’opération pour recevoir une pluie d’applaudissements et une ovation au Festival de Cannes. Reconnaissance justifiée de son talent, le film n’en demeure pas moins imparfait.

Synopsis : Sans domicile, Ali et son fils de 5 ans trouvent refuge chez la sœur d’Ali à Antibes. A la suite d’une bagarre dans une boite de nuit, Ali rencontre Stéphanie, une dresseuse d’orques au Marineland. Mais c’est un drame qui fera se retrouver les deux protagonistes. Seulement cette fois, Stéphanie n’a plus de jambes et a perdu le goût de la vie.

De rouille et d'os

Équilibre et réalisme social

De rouille et d’os est un film impressionnant, souvent bouleversant. On en ressort ému, grâce au brio d’une mise en scène à la fois sobre et imaginative d’abord mais aussi et surtout grâce à un scénario limpide et poignant qui rend hommage à la complexité humaine.

Jamais sans doute les mouvements de caméra voluptueux si caractéristiques d’Audiard n’auront été au service d’une histoire aussi poignante.  Bien plus proche de Sur mes lèvres que d’Un prophète, le réalisateur le plus en vogue du cinéma Français nous livre ici un mélodrame à la fois sensuel et viril dans lequel il démontre l’étendue de son talent.  Ce film donne envie de s’arrêter sur l’une de ses composante essentielle : l’obsession de l’équilibre et son corolaire, le réalisme.

Cette histoire aux enjeux multiples marche en permanence sur un fil.  Toute l’ambivalence du film se retrouve ainsi contenue dans la scène de l’accident.  Quand Stéphanie, encore valide, dresse des orques au Marineland, nous percevons aussi bien l’aspect pathétique de ce show pratiqué sur fond de Katy Perry agrémenté de chorégraphie de Pom Pom girl que la majestuosité de ces animaux et  l’intensité du plaisir que ressent notre dresseuse en action.

Quand celle-ci perd ses jambes, on se dit que le récit basculera immanquablement dans le pathos, mais le film  choisira pourtant de mettre presque plus l’accent sur les progrès de la médecine que sur la mélancolie de son héroïne. Sa trajectoire en forme de rédemption rapprochera avec originalité sa trajectoire de celle d’un cow boy dont la blessure l’obligerait à se réinventer pour prendre sa revanche sur la vie.

Ce sens du contraste et de l’ambigüité est encore plus prégnant en ce qui concerne l’étrange personnage d’Ali. Dans les premiers moments du film, sa spontanéité instinctive le rend bon et délicat, elle le mènera ensuite vers une muflerie et une violence quasi animale. Si le regard du réalisateur demeure empathique à son égard, il évite néanmoins l’écueil de la complaisance. Audiard se plait simplement à creuser les failles morales de ses personnages, leur incapacité à s’exprimer, à canaliser leur violence, à s’excuser, et bien sûr ici à s’autoriser à aimer. La question du jugement moral est ainsi intelligemment laissée au spectateur.

Ce faisant De rouille et d’os traduit met en lumière la volonté jamais démentie du fils de Michel Audiard d’ancrer son cinéma dans le réel. Un monde complexe où les bons sont aussi méchants, où les tourments de la crise ne sont jamais loin. La précarité sociale des personnages ne sert pas simplement ici de toile de fond, elle est partie intégrante de l’histoire.

C’est sans doute dans le traitement de celle-ci que les reproches qui ne manqueront pas d’être fait au film seront les plus fondés. Il semble effet que ce désir d’authenticité,  laisse parfois place à une volonté d’exhaustivité misérabiliste et un brin caricaturale. A vouloir trop dire du monde qui l’entoure, les scénaristes ont forcé le trait et rajoutés des coïncidences malvenues qui donnent par instant une allure de démonstration idéologique à l’intrigue.

Fort heureusement les évènements de la dernière partie, dont nous dirons simplement qu’ils constituent une belle métaphore du cheminement psychologique d’Ali, se recentre sur l’exploration des sentiments humains et nous surprend autant qu’ils nous bouleversent.

De rouille et d'os

Une mise en scène au service des comédiens

L’une des forces première de Jacques Audiard est de tirer le meilleur de ses comédiens. De Matthieu Kassovitz à Vincent Cassel, d’Emmanuel Devos  à Tahar Rahim, tous ont révélé une facette qu’on ne leur connaissait pas face à la caméra du réalisateur d’Un héros très discret.

Dans ce film,  la tâche était pour le moins ardue pour les comédiens, un simple coup de vent nous fait passer d’une scène à une autre, les regards disent souvent plus que la plupart des dialogues lesquels s’en tiennent au strict au minimum et font souvent dire aux personnages l’inverse de ce qu’ils pensent. De plus Audiard s’attache à montrer les errances morales et sentimentales de ses protagonistes, et prend soin de ne pas lâcher des corps qu’il n’a jamais filmé d’aussi près. La direction d’acteur et les qualités de ces derniers ont permis à ces partis pris artistiques d’être payants.

Matthias Shoenaerts,  révélé par le film belge Bullhead fait ici étalage de sa prestance et de son charisme. Tout en retenu et en faute de français, il parvient à donner profondeur et  humanité à ce personnage de boxeur paumé et bourru. L’authenticité de la performance de Cotillard à la fois solaire et éthérée est peut-être plus impressionnante encore et laisse penser que celle-ci s’est enfin débarrassée de la tendance qui était la sienne à trop en faire. Il ne faut pas oublier les seconds rôles qui sont eux aussi campés avec sobriété et justesse et qui donnent corps à cette histoire.

Résumé

Le festival Cannes commence fort avec ce film poignant dont on peut déjà dire qu’il est un candidat sérieux au palmarès. Certains y verront un torrent d’émotion pure au service d’une idéologie convenue mais ce serait oublier qu’il est si agréable de se laisser transporter par une histoire d’amour aussi magistralement construite. Audiard, par sa capacité à filmer l’indicible doublé de son sens inégalé du détail, nous bouleverse autant qu’il nous fait réfléchir sur les nuances de la condition humaine.

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=xWbeNcscfsI[/youtube]

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