Critique : Paris pieds nus

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Paris pieds nus

France, Belgique : 2016
Titre original : –
Réalisation : Fiona Gordon, Dominique Abel
Scénario : Fiona Gordon, Dominique Abel
Acteurs : Fiona Gordon, Dominique Abel, Emmanuelle Riva
Distribution : Potemkine Films
Durée : 1h23
Genre : Comédie
Date de sortie : 8 mars 2017

4.5/5

C’est au début des années 80 que la canadienne Fiona Gordon et le belge Dominique Abel se sont rencontrés à Paris. C’est en Belgique et par le spectacle vivant qu’a commencé leur collaboration, laquelle s’est poursuivie au cinéma avec la réalisation de 3 court-métrages. L’Iceberg, leur premier long métrage, a vu le jour en 2005, suivi de Rumba en 2008 et de La fée en 2011. Paris pieds nus est donc leur 4ème long métrage et, comme diraient certains, c’est vraiment le film de la maturité, arrivant à marier poésie et comique avec un brio hors du commun.

Synopsis : Fiona, bibliothécaire canadienne, débarque à Paris pour venir en aide à sa vieille tante en détresse. Mais Fiona se perd et tante Martha a disparu. C’est le début d’une course-poursuite dans Paris à laquelle s’invite Dom, SDF égoïste, aussi séducteur que collant.

Une nièce attentionnée

Quand on est une nièce attentionnée et que sa vieille tante, quand bien même on ne l’a pas vue depuis 40 ans, vous appelle à l’aide par des moyens détournés, les services sociaux voulant la placer dans une maison de retraite, eh bien, on n’hésite pas à quitter son petit village situé au fin fond du Canada pour s’envoler vers Paris. Fiona, la nièce attentionnée, n’a qu’une faible connaissance du français, tant pis ! Il est difficile de se déplacer dans le métro parisien avec un sac à dos volumineux, tant pis ! Lorsque Fiona arrive à l’adresse indiquée, Martha, la tante de 88 ans, est absente de son domicile, tant pis ! En plus, elle fait tout pour fuir toute personne qui pourrait, selon elle, faire partie de ces services sociaux qui veulent la chasser de chez elle, tant pis ! Une maladresse au moment de se faire photographier devant la Tour Eiffel fait tout perdre à Fiona, papiers, argent, téléphone, vêtements de rechange, tant pis ! L’ambassade du Canada ne peut pas grand chose pour elle, tant pis ! Dom, un SDF hirsute et crasseux, se colle à ses basques et la poursuit de ses assiduités, tant pis ! Beaucoup de tant pis pour Fiona, mais, à l’inverse, beaucoup de tant mieux pour les spectateurs car, de ces situations, jaillissent les scènes les plus drôles que le cinéma nous ait offertes depuis longtemps.

 


Un film burlesque quasiment parfait

On commence à savoir que Fiona Gordon et Dominique Abel ont un grand talent burlesque et un sens aigu du comique poétique et jamais vulgaire. On connaissait aussi la qualité de leur gestuelle. En clair, on ne pouvait qu’être persuadé qu’il y avait en eux du Buster Keaton, du Charlie Chaplin, du Jacques Tati et du Pierre Etaix. Toutefois, dans chacun de leurs films précédents, il y avait certes beaucoup de bon mais on ne pouvait s’empêcher de remarquer un petit défaut par ci, une petite scorie par là et on sortait des projections avec l’espoir, qu’un jour, Fiona et Dominique nous offrent une œuvre où il n’y aurait que du bon.

Eh bien, avec Paris pieds nus, on le tient, ce film burlesque quasiment parfait. Un film qui se déroule le plus souvent au bord de la Seine (voire dedans !), en particulier du côté de l’Île aux Cygnes avec sa réplique de la Statue de la Liberté, au pied de laquelle « loge », dans sa tente, Dom le SDF. la Liberté, le titre du film, Paris pieds nus, un SDF, le refus, pour une vieille dame, d’être enfermée dans une maison de retraite : on se réjouit et on s’amuse de sentir chez Fiona et Dominique un rejet des contraintes inutiles, voire nuisibles, un rejet qui les a d’ailleurs poussés à tourner pour la première fois en numérique, afin de gagner en mobilité et en spontanéité.

Paris et les acteurs

C’est en partant de leur propre découverte de Paris au début des années 80, alors que Fiona débarquait du Canada en ne maîtrisant pas du tout le français, que Fiona Gordon et Dominique Abel ont commencé à écrire le scénario de Paris pieds nus. Le Paris qu’ils nous présentent est multiple, à la fois celui des touristes, avec les bords de Seine et la Tour Eiffel, celui des marginaux, avec Dom le SDF, celui du métro, avec les rencontres qu’on peut y faire, celui des personnes âgées, avec Martha et Norman. De toute façon, avec ce duo, n’importe quel lieu peut être source de gag, même un cimetière.

Aux côtés des 3 délectables acteurs que sont Paris, Fiona Gordon et Dominique Abel, on est ému de retrouver, interprétant Martha, une étonnante Emmanuelle Riva dans un de ses derniers rôles et on se prend à regretter qu’elle n’ait pas été choisie plus souvent pour incarner des personnages comiques. On retrouve aussi Pierre Richard dans un petit rôle, celui de Norman, un vieil ami de Martha, et Philippe Martz, comme dans tous les films de Fiona et Dominique. Quant à la musique, comme toujours avec Abel et Gordon, elle s’écarte avec bonheur de la banalité avec, par exemple, la Jazz Suite n°1 de Chostakovitch, une Gymnopédie d’Erik Satie et « Swimming Song », la très belle chanson écrite par le canadien Loudon Wainwright pour ses compatriotes Kate & Anna McGarrigle.

Conclusion

Si l’époque vous parait morose, si, comme le montre une étude récente, vous ne passez plus, en moyenne, qu’une minute par jour à rire, alors que 10 à 15 minutes de rire par jour vous permettraient de vous maintenir en bonne santé, il y a une solution dont on se demande pourquoi elle n’est pas remboursée par la Sécurité Sociale : se précipiter vers la salle de cinéma la plus proche de chez vous ayant Paris pieds nus à l’affiche. Non seulement, il vous sera impossible de ne pas éclater de rire à intervalles réguliers, mais en plus vous serez touché par la poésie et le charme que dégage ce film ainsi que par la magnifique prestation d’Emmanuelle Riva dans un de ses derniers rôles.

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