Critique : Norte, la fin de l’histoire

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Norte, la fin de l’histoire

Norte affichePhilippines : 2013
Titre original :  Norte, Hangganan Ng Kasaysayan
Réalisateur : Lav Diaz
Scénario : Lav Diaz, Rody Vera
Acteurs : Sid Lucero, Archie Alemania, Angeli Bayani, Mailes Kanapi
Distribution : Shellac
Durée : 4h10
Genre : Drame
Date de sortie : 4 novembre 2015

Note : 4.5/5

A bientôt 57 ans, Lav Diaz est un réalisateur qui fait partie de ces cinéastes importants dont aucun film, jusqu’à ce Norte, la fin de l’histoire, n’a eu l’honneur de sortir dans les salles de notre pays. Il faut dire que Lav Diaz n’est vraiment pas coopératif en la matière. Tout d’abord, il est philippin. Certes, il n’y peut rien, mais, malgré les cent millions d’habitants qui peuplent les Philippines, malgré l’importance de sa production cinématographique, seuls quelques spécialistes pointus seront capables de citer plus de deux noms de réalisateurs philippins : Lino Brocka et Brillante Mendoza. Et puis, surtout, Lav Diaz a pour coupable habitude de faire cadeau au public de films très, très longs : en 2004, Evolution of a Filipino Family, 10 h 43 ; en 2008, Melancholia, 7 h 30 ; 2014, son dernier film, From What is before, Léopard d’Or du Festival de Locarno 2014, 5 h 38. Vous avez certainement lu entre les lignes : présenté dans la sélection Un Certain Regard de Cannes 2013, Norte, la fin de l’histoire est donc l’avant-dernier film de Lav Diaz, il a mis du temps à sortir, mais, coup de chance, il ne dure que 4 heures et 10 minutes. 250 minutes de grand cinéma, 250 minutes de pur régal, un film magnifique que tout cinéphile se doit d’avoir vu.

Synopsis : Joaquin, un homme à la vie simple, est injustement emprisonné pour meurtre alors que le véritable assassin se déplace en toute liberté. Il commence à trouver la vie en prison plus supportable lorsque que lui arrive quelque chose d’étrange et de mystérieux.

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Crime et châtiment

Curieusement, il est possible de n’utiliser que quelques mots pour résumer ce film qui dure 4 heures et 10 minutes : un double crime est commis par un homme, Fabian, et c’est un autre homme, Joaquin, qui est accusé et condamné. Norte commence par nous présenter Fabian, un étudiant en droit brillant, issu d’une famille aisée, un étudiant dont l’occupation principale consiste à palabrer avec ses amis sur la nécessité de changer le monde, sur les différents types de révolution, sur le bien, sur le mal, ce mal qu’il est nécessaire d’éradiquer, de quelque façon que ce soit. Un étudiant brillant mais qui va arrêter ses études alors qu’il pouvait prétendre devenir une vedette du barreau. Joaquin, lui, est un père de famille qui vit chichement en vendant des DVD pirates dans la rue, d’autant plus chichement que les soins nécessaires à la guérison d’une blessure nécessitent des sommes d’argent importantes. Le criminel, c’est donc Fabian qui, un jour, quitte la fougue des discussions pour entrer dans l’action, une action violente qui consiste à poignarder une usurière et une jeune fille, témoin de son acte. Pas de chance pour Joaquin : peu de temps auparavant, il avait menacé physiquement cette usurière, il est le coupable idéal, il est condamné à perpétuité. Dans un mouvement de balancier, trois destins vont dorénavant être dépeints par Lav Diaz : celui de Joachin dans sa prison ; celui de ses enfants, Junior et Sarah, de leur tante et, surtout, d’Eliza, sa femme ; celui, enfin, de Fabian, dont on se demande s’il va, ou non, se repentir.

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Envoûtement

En voyant Norte, la fin de l’histoire, il est difficile de ne pas penser à Dostoïevski : cet assassinat d’une usurière, le combat perpétuel entre le bien et le mal. Il y aussi du Tolstoï dans le personnage de Joaquin, personnage qui représente la bonté et qui est injustement condamné, au même titre qu’Ivan Aksionov dans la nouvelle « Dieu voit la vérité, mais attend ». Une autre lecture est tout à fait possible et ne contredit pas la première : celle dans laquelle on reconnaîtrait dans Fabian la figure du jeune Ferdinand Marcos, ce futur dictateur philippin qui avait été accusé de meurtre à l’âge de 20 ans, alors qu’il était étudiant en droit. Coïncidence ? Certainement pas pour les philippins lorsqu’ils voient le film. Cinématographiquement parlant, Lav Diaz considère que le champ / contre champ est un procédé manipulateur et que le seul moyen de s’approcher de la vérité consiste à réaliser des plans séquence et à connecter entre elles ces séquences. Les plans séquence de Lav Diaz sont en général assez longs et ne mettent en jeu qu’un minimum de mouvements de caméra. Comme un athlète pratiquant un entraînement de type fractionné, il aime insérer des plans de « récupération », de repos, des plans où il ne se passe rien qui, donc, viennent se glisser entre des plans plus intenses, que ce soit en paroles ou en action. Exemple : ce plan où, pendant 5 bonnes minutes, on voit un personnage fumer, sans bouger, sur le pas d’une porte. Magie du cinéma de Lav Diaz, l’envoûtement dans lequel se trouve plongé le spectateur est tel que jamais on a l’impression de s’ennuyer durant ces 5 minutes !

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Vérité et Naturel

Les longs plans séquence que privilégie Lav Diaz exigent beaucoup des comédiens. Parmi eux, on en reconnaîtra (peut-être !) deux : Angeli Bayani, qui interprète le rôle de la femme de Joachim et qui jouait la bonne philippine dans Ilo Ilo, le film coréen de Anthony Chen qui avait obtenu la Caméra d’or au Festival de Cannes de 2013 ; Sid Lucero, qui interprète le rôle de Fabian et qu’on a pu voir dans Captive de Brillante Mendoza. Les autres comédiens ont beaucoup joué pour la télévision ou dans des films restés inédits chez nous. Tous apportent énormément de vérité et de naturel dans les scènes qu’ils interprètent et contribuent grandement à faire de Norte, la fin de l’histoire un film splendide et important.


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Conclusion

 Dans la filmographie de Lav Diaz, Norte, la fin de l’histoire est un film court : il ne dure que 4 heures et 10 minutes ! 250 minutes de grand cinéma, 250 minutes de pur régal, un film magnifique que tout cinéphile se doit d’avoir vu.

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