Critique : Nocturama (2ème avis)

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nocturama afficheNocturama

France, 2016
Titre original : –
Réalisateur : Bertrand Bonello
Scénario : Bertrand Bonello
Acteurs : , ,
Distribution :
Durée : 2h10
Genre : Drame, Thriller
Date de sortie : 31 août 2016

4.5/5

On s’imagine à quel point la production de Nocturama a dû être compliquée. Écrit avant les attentats du 7 janvier, tourné avant ceux du 13 novembre, évoquer le sujet du terrorisme semble très sensible aujourd’hui : Made in France avait été déprogrammé, Salafistes interdit aux moins de 18 ans. Une forme de censure, d’autocensure ? Ce qui est sûr c’est que Nocturama n’en propose pas, et n’a d’ailleurs aucune raison de le faire (si tant est qu’il y ait des raisons valables de censurer, mais c’est un autre débat …). Outre le fait que les événements du film n’ont aucun rapport avec le massacre d’innocents, Nocturama est une œuvre sur la jeunesse plus que sur le terrorisme. 

Synopsis : Paris, un matin. Une poignée de jeunes, de milieux différents.  Chacun de leur côté, ils entament un ballet étrange dans les dédales du métro et les rues de la capitale.  Ils semblent suivre un plan. Leurs gestes sont précis, presque dangereux.  Ils convergent vers un même point, un Grand Magasin, au moment où il ferme ses portes.  La nuit commence.

Jeunes et innocents ?

Il faut dire que le long-métrage de Bonello nous prend aux tripes dès les premières images – et les premières notes. Pendant cette longue introduction, nous n’apercevons la lumière du jour qu’à de brefs intervalles, plongés dans les entrailles de Paris, au cœur de son métro. Des jeunes, adolescents ou jeunes adultes, se croisent, sortent de la rame, tapotent nerveusement sur leurs portables. Ils semblent perdus, et le spectateur aussi : difficile au début de savoir qui est qui, on se laisse emporter par la vitesse des rames parisiennes. Au fur et à mesure, les protagonistes vont sortir du lot, sans pour autant prononcer un seul mot. Et quand on sort de ce serpent d’acier, c’est pour faire face à une société effrayante, où on suit les « héros » tenter de se comporter en adultes. Car c’est de ça dont parle avant tout Nocturama : le passage à l’âge adulte, qui ici passe par un acte initiatique irréparable – littéralement, un baptême du feu.

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Voyage au bout de la nuit

Les jeunes, malgré leur nombre (une dizaine) vont se révéler être tous attachants, grâce à de petits détails, un tremolo dans la voix, un moment d’hésitation. Ils viennent de toutes les classes de la société, parlent normalement, ont chacun leur singularité. On est loin de la vision biaisé que recycle le cinéma français depuis des années de l’ado boudeur et fêtard. Difficile de ne pas ressentir d’empathie envers ces terroristes qui ne se définissent pas comme tels. Il faut dire que ce ne sont pas des tueurs, et si on ne connaît pas leurs intentions, ils ne cherchent pas à semer la panique en tirant dans la foule, « seulement » à déstabiliser des institutions. Ils n’apparaissent pas coupables vis-à-vis de la société, mais au contraire victimes de cette dernière. Il n’y a qu’à les voir, tour à tour euphoriques et terrifiés, à l’intérieur du grand magasin dans lequel ils se réfugient : la société les attire autant qu’elle les dégoûte. Les armes, ce sont des jouets qu’on donne dès la plus jeune enfance, et des mannequins sans visages portent leurs vêtements – à moins que ce ne soit le contraire.

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My way

La réussite du film ne réside pas que dans le portrait que fait Bonello de ce groupe. Tout est fait pour nous emporter avec eux au bout de l’enfer – et c’est réussi. Niveau musique, comme dans L’Apollonide, des morceaux de différentes époques cohabitent, et le réalisateur signe la musique originale. Mais c’est surtout au niveau de l’image que Bonello réussi à emporter le spectateur : outre la très belle photographie de Léo Histin, tout est réglé comme du papier à musique au niveau de la réalisation, et donc du montage. A la mise en place des bombes succède l’attente dans le grand magasin, qui est autant voire plus passionnante. Bonello utilise avec brio tous les recoins, tous les rayons de cet immense magasin, où tous n’évoluent pas ensembles, mais comme dans le métro se croisent.Un lieu d’échanges, de joie, dernier bastion d’innocence dans une ville qu’ils ont affolé. Et que dire de ces géniaux moments de flottement, comme la rencontre avec Adèle Haenel ou les rares flashbacks, qui offrent des courts moments de relâchement pour le spectateur ! Enfin, des scènes de danse, cabaret improvisé ou danse de groupe, ont achevé le processus que m’a faire subir Bonello tout au long du film : me faire respirer, rire, vivre avec ce groupe disparate, qu’on ne voudrait jamais quitter.

Bien sûr difficile de conclure cette critique sans évoquer le contexte dans lequel sort Nocturama. Car selon moi il ne faut faire aucun lien entre les massacres qui ont eu lieu depuis plus d’un an et demi et les actes perpétrés par ce groupe auquel on s’attache. Le traitement que fait Bonello du terrorisme, c’est le même que celui qu’ont fait des artistes comme Fincher dans Fight Club ou Camus dans Les Justes : un fond politique, pour évoquer les problèmes de notre société.

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Conclusion

 Nocturama est un long-métrage qui a le mérite d’être envoûtant. Par ses personnages par son esthétique, par son propos, il constitue une preuve de plus du talent de son réalisateur. Fin de l’enfance, fin de l’innocence et fin d’une ère, voilà de quoi il est question. Le long-métrage, qui devait au départ s’intituler « Paris est une fête », est sans aucun doute un des films français les plus importants de cette année.

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