Critique : Les Choses qu’on dit les choses qu’on fait

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Les Choses qu’on dit les choses qu’on fait

France, 2020

Titre original : –

Réalisateur : Emmanuel Mouret

Scénario : Emmanuel Mouret

Acteurs : Camélia Jordana, Niels Schneider, Vincent Macaigne et Émilie Dequenne

Distributeur : Pyramide Distribution

Genre : Drame romantique

Durée : 2h03

Date de sortie : 16 septembre 2020

3/5

L’amour, l’amour, l’amour toujours. Aucun autre sujet ne paraît préoccuper le cinéma français davantage que les éternels tourments du cœur, accompagnés d’une dose adéquate de battements de la libido, s’il vous plaît. Tout semble déjà avoir été dit sur les coups de foudre et les relations qui se bonifient avec les années, dans des termes soit doucereusement romantiques, soit crûment vulgaires. Bref, il n’y a pas de genre plus prompt au cliché et au propos pénible que le mélodrame autour des couples qui se forment et se défont à loisir. Pourtant, Emmanuel Mouret réussit avec son dixième long-métrage l’exploit assez incroyable de rester juste dans la dissection d’un ensemble d’histoires d’amour, irrémédiablement imbriquées les unes dans les autres.

Il serait en effet facile, voire paresseux de dénoncer la forme narrative plutôt alambiquée de Les Choses qu’on dit les choses qu’on fait. Chaque personnage y a droit à son point de vue subjectif, énoncé progressivement dans le cadre d’un récit s’ouvrant à son tour sur une nouvelle variation de la confusion des attachements. Tôt ou tard, nos repères romantiques habituels volent en éclats, malmenés doucement mais sûrement par une mise en scène très subtile. Car seul l’emploi excessif de la musique classique enfonce inutilement le clou, là où le scénario brille par la finesse de sa construction, à mi-chemin entre l’effort futile d’intellectualiser les sentiments et l’aveu d’impuissance face à une tornade sophistiquée des tentations. Enfin, la distribution est d’une précision prodigieuse, jamais à court de ressources pour donner vie et épaisseur à des personnages, qui auraient pu si aisément devenir les pions d’un marivaudage sans profondeur.

© 2020 Pascal Chantier / Moby Dick Films / Pyramide Distribution Tous droits réservés

Synopsis : Daphné vient chercher Maxime à la gare. Elle voit pour la première fois le cousin de son compagnon François, venu quelques jours en province afin de se remettre d’un chagrin d’amour. Pour mieux faire connaissance, elle lui propose de faire un peu de tourisme ensemble, le temps que François revient d’une urgence professionnelle. Leur sujet de conversation tourne rapidement vers l’histoire malheureuse que Maxime vient de vivre et qui intéresse fortement Daphné. En échange, elle lui raconte comment François et elle se sont rencontrés, presque à l’improviste, mais en tout cas sans aucune préméditation de finir ensemble.

© 2020 Xavier Lambours / Moby Dick Films / Pyramide Distribution Tous droits réservés

Désir, plaisir, amour, infidélité

Les histoires d’amour passionnelles finissent toujours de la même façon, n’est-ce pas ? Aux feux de la passion succède une braise qui mettra plus ou moins longtemps avant de s’éteindre. Ou comme l’explique au début du film Victoire, l’une des conquêtes de Maxime, le mariage et tout ce qui va avec ne doit surtout pas se baser sur un coup de foudre et l’attirance physique. D’ailleurs, tout un chacun y va de sa petite théorie sur ce qui constitue un couple idéal dans Les Choses qu’on dit les choses qu’on fait, sans que ces recettes verbales ne soient suivies de résultats tangibles. Non, la plus grande qualité du film est sans doute qu’il sait préserver une certaine fragilité et une fraîcheur indéniable autour de l’échiquier de l’amour, qu’il alimente constamment de nouvelles pièces.

Ainsi, l’attention glisse doucement du dépit romantique du personnage principal – Niels Schneider parfait dans le rôle du grand mélancolique avec sa tronche de chien battu qui ne s’éclaircit que le temps d’une séquence tardive, quand l’improvisation et la préméditation ne font plus qu’une – vers une perspective plus ouverte. Car qui n’a pas connu l’absence de réciprocité des sentiments, l’ennui affectif ou bien les situations devenues inextricables, à force de vouloir jouer sur les deux tableaux du mari exemplaire et de l’amant fougueux ? En fait, personne n’est sans reproche ici. Mais le comportement de chacun peut s’expliquer avec un minimum de bienveillance par la contradiction douce-amère entre la raison et les sentiments. Une pièce du puzzle dramatique à la fois, les personnages se trouvent donc aimés et abandonnés, face à leurs émois et à leurs peines, avec le spectateur pour seul véritable confident.

© 2020 Pascal Chantier / Moby Dick Films / Pyramide Distribution Tous droits réservés

Des jours où il fait beau, des jours où il pleut

La mise en scène de Emmanuel Mouret privilégie en fait une sorte de confidentialité, basée sur la souffrance en silence, que l’on trouve hélas rarement dans ce genre de film où l’adultère paraît être le maître-mot. Sauf que l’écriture des personnages est si finement ciselée qu’ils deviennent des hommes et des femmes à part entière. Cela commence avec les apparitions trop brèves de Louis-Do De Lencquesaing en réalisateur de documentaires indécrottablement intello et de Émilie Dequenne en épouse mise tragiquement en porte-à-faux envers son mari volage. Et cela se poursuit jusqu’aux variables sans cesse réarrangées de cet hexagone des alliances instables auquel appartiennent entre autres Camélia Jordana, Vincent Macaigne, la révélation Jenna Thiam et Guillaume Gouix. Une bande d’acteurs aux styles de jeu les plus variés en somme, mais qui donnent sans exception des interprétations sans fausse pudeur, ni penchant pour la grandiloquence conjugale.

Alors oui, le récit a une légère tendance à s’étirer inutilement vers la fin. Et on préfère ne pas revenir sur l’obsession du réalisateur pour la musique classique, à mettre visiblement à toutes les sauces. Mais sinon, on ne peut qu’être charmé, voire touché par cette histoire en apparence si frivole, quoique investie d’un soupçon de gravité qui lui sied fort bien ! Car après tant de confidences, de maladresses, de mensonges, de quiproquos et d’aventures sans lendemain, c’est malgré tout l’optimisme qui prévaut, par le biais de la certitude qu’on a le partenaire qu’on mérite. Les personnages de Les Choses qu’on dit les choses qu’on fait ont alors beau se révolter un temps contre les cartes que le sort leur a réservées, la sagesse considérable du récit finit par les enfermer dans la cage aux couleurs rose bonbon des premières amours, qui risquent fort de rester les dernières.

© 2020 Pascal Chantier / Moby Dick Films / Pyramide Distribution Tous droits réservés

Conclusion

Vingt ans après Laissons Lucie faire, un conte déjà espiègle de manière jouissive à l’égard de l’amour, la touche « Emmanuel Mouret » est indéniable dans Les Choses qu’on dit les choses qu’on fait. Car il y est certes question du grand amour, plus fort que la misérable condition des hommes et des femmes en proie aux doutes existentiels. Mais au fond, ce qui intéresse réellement le réalisateur, c’est l’immense fragilité des sentiments, à la fois parce qu’on n’ose pas les exprimer et que, une fois qu’ils ont été révélés, leur date de péremption approche à grands pas. Rien de lugubre à cela, juste le prétexte filmique à une fantaisie joliment intelligente, qui ne sort les violons que pour mieux indiquer leur vanité.

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