La plus précieuse des marchandises
France : 2024
Titre original : –
Réalisation : Michel Hazanavicius
Scénario : Michel Hazanavicius, Jean-Claude Grumberg
Interprètes : Jean-Louis Trintignant, Dominique Blanc, Denis Podalydès
Distribution : StudioCanal
Durée : 1h21
Genre : Animation, Drame, Historique
Date de sortie : 20 novembre 2024
3.5/5
Synopsis : Il était une fois, dans un grand bois, un pauvre bûcheron et une pauvre bûcheronne. Le froid, la faim, la misère, et partout autour d´eux la guerre, leur rendaient la vie bien difficile. Un jour, pauvre bûcheronne recueille un bébé. Un bébé jeté d’un des nombreux trains qui traversent sans cesse leur bois. Protégée quoi qu’il en coûte, ce bébé, cette petite marchandise va bouleverser la vie de cette femme, de son mari , et de tous ceux qui vont croiser son destin, jusqu’à l’homme qui l’a jeté du train. Leur histoire va révéler le pire comme le meilleur du cœur des hommes.
Michel Hazanavicius se lance, avec succès, dans le film d’animation
C’est la guerre et dans une forêt à l’est de l’Europe, un bûcheron et une bûcheronne vivent chichement. Pauvre bûcheron et pauvre bûcheronne, nous dira la voix off qui raconte l’histoire. C’est l’hiver, la neige a envahi la forêt. A proximité de l’humble demeure du couple on trouve une voie ferrée sur laquelle circulent régulièrement des trains. Quelles marchandises transportent ils, le bûcheron et la bûcheronne ne le savent pas ! Un beau jour, c’est une toute petite fille jetée d’un de ces trains que trouve pauvre bûcheronne : le père de la petite fille voulait lui éviter le pire et pauvre bûcheronne dont on apprendra qu’avec son mari, elle et il ont perdu un enfant, va accueillir avec tendresse et amour cette « marchandise » si particulière. Pauvre bûcheron, entouré de collègues qui ne cessent de stigmatiser celles et ceux qu’ils appellent les « sans cœurs » mettra un peu plus de temps à prendre conscience que la fillette a bel et bien un cœur, quitte, à partir de ce moment là, à entrer en opposition avec son entourage. Vous l’avez compris : il s’agit d’un conte qui, à sa manière, nous parle de la Shoah et du rôle des justes, un conte qui va mener, les spectateurs, enfants comme adultes, sur plusieurs années en passant par des lieux où régnait l’inhumanité. Un conte où l’on croise des gens pleins de générosité et d’autres qui vivent dans le rejet.
La plus précieuse des marchandises est né sous la forme d’un conte écrit par Jean-Claude Grumberg et publié aux Editions du Seuil le 10 janvier 2019. Très vite, le metteur en scène Charles Tordjmann en a fait une adaptation pour le théâtre et, par ailleurs, avant même la sortie du livre, une adaptation cinématographique a été envisagée. Dans un premier temps, cette adaptation a été proposée à Robert Guédiguian, mais ce dernier ne s’est pas senti capable de la réaliser et, par l’intermédiaire du producteur Patrick Sobelman, elle a fini pas être soumise à Michel Hazanavicius. 5 années se sont écoulées entre ce moment et la première projection du film, présenté en compétition au dernier Festival de Cannes, en mai dernier. Un temps qui peut paraître long mais pas si anormal que cela s’agissant d’un film d’animation, d’autant plus que, en plus de la pandémie de COVID-19, divers évènements personnels sont venus perturber le travail de l’équipe.
Jean-Claude Grumberg étant un ami du père de Michel Hazanavicius, leur travail en commun sur le scénario s’est déroulé sous les meilleurs auspices, avec peu de modifications par rapport au livre de Jean-Claude Grumberg. Après une adaptation théâtrale très réussie, force est de reconnaître que l’animation, parce qu’elle est dans la suggestion, est également particulièrement bien adaptée à la représentation d’évènements aussi bouleversants et révoltants que la Shoah : elle permet d’en évoquer l’horreur sans avoir recours à des images filmées forcément plus crues, voire totalement obscènes. En fait, la Shoah n’est jamais nommée et on parle de « sans cœurs » et jamais de juifs : Sur ce sujet particulièrement délicat, pour des enfants qu’il ne faut pas traumatiser mais à qui il ne faut pas mentir, cela permet au film d’être pour eux tout à fait visible et compréhensible alors que les adultes comprendront facilement ce que le film raconte de façon un peu détournée. On peut espérer qu’ensuite un dialogue des parents avec leurs enfants permette d’enrichir la connaissance de ces derniers en parlant de façon plus précise, en tenant compte de l’âge des enfants, de ce qu’étaient les différents types de camps, en expliquant ce que sont ces gens qui rejettent les autres en les traitant de « sans cœurs » et en insistant sur ce que sont finalement cette bûcheronne et ce bûcheron : des justes ! Des gens simples qui sauvent en l’accueillant une « marchandise » tombée du train qui passe à proximité de leur humble demeure : la petite fille qu’ils n’avaient jamais eue . On notera que la bûcheronne est quand même un peu plus rapide que son mari à avoir conscience que cette petite fille a un cœur. Dans un tel dialogue parents/enfants, des comparaisons avec l’époque actuelle ne seraient pas de trop !
On notera que c’est Michel Hazanavicius lui-même qui a réalisé les dessins du film, n’ayant pas de gros efforts à faire pour se souvenir qu’il avait fait une école d’art avant de se diriger vers le cinéma, et que la voix qui raconte l’histoire est celle de Jean-Louis Trintignant. Une présence émouvante, la dernière prestation de ce grand comédien peu de temps avant son décès.