Critique : France

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France

France : 2021
Titre original : –
Réalisation : Bruno Dumont
Scénario et dialogues : Bruno Dumont
Interprètes : Léa Seydoux, Blanche Gardin, Benjamin Biolay
Distribution : ARP Sélection
Durée : 2h14
Genre : Comédie Dramatique
Date de sortie : 25 août 2021

1.5/5

Un cinéma atypique : qu’on aime ou qu’on n’aime pas le cinéma de Bruno Dumont, atypique est le qualificatif sur lequel tout le monde pourra se retrouver. Lui qui, en 1977, à l’âge de 19 ans, n’a pas réussi à intégrer l’Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC), a commencé la réalisation par des documentaires et des films d’entreprise. C’est en 1996 qu’il réalise La vie de Jésus son premier long métrage de fiction, un film qui obtient le prix Jean Vigo en 1997 ainsi qu’une mention à la Caméra d’or de Cannes 1997. L’humanité, son 2ème long métrage, reçoit le grand prix du jury du festival de Cannes 1999. Il en sera de même pour Flandres en 2006. Très longtemps, Bruno Dumont a privilégié une région, la sienne, le nord de la France, et l’absence de grandes figures du cinéma dans ses castings, préférant travailler avec des non-professionnels. Toutefois, en 2013, Bruno Dumont a fait appel à Juliette Binoche pour interpréter le rôle de Camille Claudel dans Camille Claudel 1915. « J’ai toujours fait d’un paysan un paysan et d’une artiste une artiste. L’artiste Juliette Binoche m’aide à cerner l’artiste Camille Claudel », explique-t-il. Dans Ma loute, en 2016, on retrouve Juliette Binoche, ainsi que Fabrice Luchini et Valeria Bruni Tedeschi. Pour France, en compétition au Festival de Cannes 2021, Bruno Dumont a de nouveau fait appel à des « stars », Léa Seydoux, Blanche Gardin, Benjamin Biolay, mais aussi Juliane Köhler, très connue de l’autre côté du Rhin.

Synopsis : « France » est à la fois le portrait d’une femme, journaliste à la télévision, d’un pays, le nôtre, et d’un système, celui des médias.

Les malheurs de France

Grande vedette de la télévision française, la journaliste France de Meurs est à la fois présentatrice du journal télévisé et grande reporter de guerre. Manifestement, elle prend autant de plaisir à se faire remarquer lors d’une conférence de presse d’Emmanuel Macron à l’Elysée qu’à se pavaner en zone de guerre où elle excelle pour mettre en scène le reportage prétendument pris sur le vif qu’elle présentera ensuite à la télévision. Auprès d’elle, Lou, son assistante veille à son image et, attention, pour elle, « le pire, c’est le mieux ». Toutefois, il peut y avoir des ratés même quant tout semble être sur des rails. Par exemple, un micro qui reste ouvert pendant la diffusion d’un de ces reportages et qui laisse échapper des paroles en totale contradiction avec l’image recherchée par le duo France-Lou. Par exemple, un banal accrochage en voiture avec le scooter d’un coursier. Rien ne va plus ! D’autant plus que, si France sait se montrer très manipulatrice, il n’est pas exclu qu’elle tombe sur quelqu’un qui soit encore plus manipulateur.

Seul le tout début du film …

Lorsqu’on va voir un film de Bruno Dumont, on se demande toujours à quoi il faut s’attendre : un film de fiction tourné avec des non professionnels et ressemblant fort à un documentaire sur une population très précaire du nord de la France comme dans La vie de Jésus ; un film avec de grosses têtes d’affiche et qui fait dans le comique le plus gras et le plus vulgaire comme dans Ma loute ; une vision très particulière d’une figure de l’histoire de France comme dans Jeanne. Eh bien, nous n’aurons rien de tout ça dans France qui s’avère être le film le plus « normal » du réalisateur. Un film qui commence très bien, avec ce montage très drôle qui nous fait croire que France est bien en face de Macron à l’Elysée, qu’elle en train de lui poser une question et qu’elle se rengorge d’avoir mis le Président dans l’embarras en échangeant des gestes complices avec Lou sans vraiment écouter la réponse. On rit mais on devrait plutôt comprendre aussitôt le message que Bruno Dumont veut faire passer avec son film : rien de plus facile que de trafiquer des images, vous en avez eu la preuve avec ce que je viens de vous montrer avec cette vraie / fausse conférence de presse. Un sujet important, donc, une charge contre une certaine conception de l’information télévisuelle qu’on aimerait pouvoir louer sans réserve. Malheureusement, ce n’est pas le cas ! En effet, cette charge réussit l’ « exploit » apparemment paradoxal  d’être à la fois exagérée et un peu trop gentille : exagérée dans la forme, dans le jeu des protagonistes ; trop gentille dans le fond, laissant par exemple de côté toute une famille de pratiques consistant à utiliser des images n’ayant aucun rapport avec l’évènement traité. Par ailleurs, on se demande si Bruno Dumont a voulu faire un film féministe en mettant en avant deux femmes à la personnalité affirmée aux côtés de deux hommes présentés de façon négative, l’un, Fred de Meurs, le mari de France, un écrivain sans envergure, l’autre, Charles Castro, un journaliste manipulateur. Si c’est le cas, c’est plutôt raté lorsqu’il met dans la bouche de France, face à Fred, un argument qui ne pourra que conforter certains hommes : puisque c’est moi qui gagne le plus dans notre couple, je n’ai pas de compte à te rendre en ce qui concerne mes dépenses.

Une interprétation médiocre

C’est dans l’interprétation de France qu’on trouve les défauts les plus criants. A qui en faire porter la responsabilité ? Aux comédiennes et aux comédiens ? Au réalisateur qui les a dirigé.e.s ? En tout cas, autant Léa Seydoux s’avère convaincante dans L’histoire de ma femme, autre film en compétition à Cannes 2021 dans lequel elle tient le rôle principal, autant son jeu s’avère tout à la fois exagéré et sans grande saveur dans France. Toutefois, c’est avec Blanche Gardin, l’interprète de Lou, que l’on atteint un sommet en matière de médiocrité. Il n’est toutefois pas interdit de penser que c’est Bruno Dumont qui a exigé d’elle ce jeu particulièrement outrancier. Quant à Benjamin Biolay, il est aussi transparent que d’habitude dans un rôle fait sur mesure pour lui.

Conclusion

C’est un film à charge contre une certaine forme de télévision que Bruno Dumont a réalisé pour ce film plus « normal » que les précédents. Malheureusement, le résultat n’est pas assez sévère en ce qui concerne le fond et beaucoup trop exagéré en ce qui concerne la forme, tout particulièrement concernant le jeu de Léa Seydoux et de Blanche Gardin.

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