Critique Express : Au Clémenceau

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Au Clémenceau 

France : 2022
Titre original : –
Réalisation : Xavier Gayan
Interprètes : Georges Methout, Neige Methout
Distribution : A Vif Cinémas
Durée : 1h26
Genre : Documentaire
Date de sortie : 27 septembre 2023

3.5/5

Synopsis : Ils s’appellent Gérard, Choukri ou l’Alsacien, gratteurs de FDJ ou leveurs de coude d’un soir, ils se retrouvent dans un bar-tabac PMU, par habitude ou pour tromper leur solitude. Certains vivent dans la rue, d’autres ont connu les hôpitaux psychiatriques, la plupart souffrent d’addictions. Ils sont le pouls et la confidence d’une France déchirée. Ici c’est une famille, c’est une estrade, c’est un ancrage. Ils sont AU CLÉMENCEAU.

18 mois après Atlantic Bar, voilà qu’arrive sur nos écrans un autre documentaire consacré à un bar. Atlantic Bar, c’était à Arles, Au Clémenceau, c’est à Saint-Raphaël. Arles, Saint-Raphaël, deux villes du sud de la France, Marseille étant à peu-près à mi-chemin entre les deux. Marseille et son Bar de la Marine, le bar où se déroulent la plupart des scènes de la trilogie marseillaise de Marcel Pagnol, Marius, Fanny, César. Pourquoi chercher à rapprocher ces 3 fictions dont la plus récente a 87 ans de ces 2 documentaires ? Tout simplement parce que le point commun entre ces 5 films, c’est le théâtre. Comme le dit Neige, la fille de Georges,  le patron du bar-tabac Le Clémenceau, un bar-tabac que le père, plusieurs années auparavant, avait acheté au départ pour sa fille qui venait d’abandonner des études de médecine : « Derrière le comptoir, c’est comme être sur une scène de théâtre. … On se donne en spectacle. … On est seule face aux clients ». Une impression de représentation théâtrale que l’on avait déjà eue à la vision d’Atlantic Bar. Aussi curieux que cela puisse paraître, c’est sur un Chemin de Compostelle que Au Clémenceau a trouvé sa source, suite à une rencontre entre le réalisateur de documentaire Xavier Gayan et le patron de bar Georges Methout, une rencontre qui a donné naissance à une grande amitié entre les 2 hommes. C’est Georges qui a proposé à Xavier de réaliser un film sur son bar. Une proposition que le réalisateur a hésité à accepter, trouvant le sujet délicat à traiter de façon honnête et acceptable d’un point de vue éthique. Au demeurant,  d’aucuns ne manqueront pas d’être surpris par le fait, pour Xavier Gayan, d’aller poser sa caméra dans un bar-tabac après avoir consacré son film précédent, Roland Gori, une époque sans esprit, à un psychanalyste réputé. Mais est-ce si étonnant que cela lorsque l’on sait que la parole et le langage occupent une très grand place dans les travaux de Roland Gori, et ce sont justement des paroles, des paroles sans filtre, que Xavier Gayan a finalement accepté d’aller chercher à proximité d’un comptoir de bar. Ces paroles, on a parfois des difficultés à les comprendre, du fait des accents, du fait de traumatismes physiques encaissés dans le passé, du fait de l’alcool, parfois. Mais qu’importe !

Comme le dit un habitué du bar, tous ces clients qui discutent entre eux, « c’est la famille », et, comme dans la plupart des familles, il y a de grandes différences entre les membres, le seul véritable point commun entre les clients étant la masculinité et la faiblesse des revenus. Sinon, à côté d’un lycéen en terminale qui ambitionne de faire Sciences Po afin de devenir avocat ou notaire et qui, son lycée étant tout proche, vient régulièrement passer du temps dans le bar, certains ont une véritable addiction, que ce soit au tabac, à l’alcool ou aux jeux  voire à deux d’entre elles ou aux trois, d’autres ont vécu des jeunesses traumatisantes qui ont laissé des traces, d’autres ont subi des traumatismes physiques qui les ont plus ou moins amochés. Quant aux idées politiques des membres de cette « famille », il n’est pas étonnant de les voir aller du RN (Fréjus, dont le maire est RN, c’est juste à côté !) à la gauche humaniste. Les propos qu’on entend en provenance de cet agrégat humain relèvent parfois du domaine de l’élucubration mais, le plus souvent, ils sont loin de rester au ras des pâquerettes comme lorsqu’un client qui a pris une amende de 153 Euros, ce qui est énorme pour lui, part dans un discours philosophique sur la différence entre égalité et équité, comme lorsqu’un autre client s’étonne qu’on demande une période d’essai à quiconque se présentant à un nouveau boulot et qu’on ne le fasse pas pour un président de la République commençant son mandat, comme lorsque Georges, le patron du bar, conscient d’être à la tête d’un établissement lié à l’alcool, au tabac et aux jeux, explique pourquoi il ne se considère pas comme étant un marchand de mort et estime qu’on n’a pas à culpabiliser des gens qui, du fait de leur addiction aux jeux, paient volontairement des impôts. Tout au long du film, on sent que Xavier Gayan et Aurélien Py, son Directeur de la photographie, ont réussi à créer une grande complicité avec les clients du bar, ce qui a permis  à leur caméra d’être acceptée pour des plans très rapprochés des visages des différents protagonistes. De temps en temps, une petite respiration est offerte aux spectateurs, avec une ouverture vers la mer toute proche ou vers le ciel.

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