Test Blu-ray : Dans l’ombre de San Francisco

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Dans l’ombre de San Francisco

États-Unis : 1950
Titre original : Woman on the Run
Réalisation : Norman Foster
Scénario : Alan Campbell, Norman Foster, Sylvia Tate
Acteurs : Ann Sheridan, Dennis O’Keefe, Robert Keith
Éditeur : Elephant Films
Durée : 1h17
Genre : Policier, Film Noir
Date de sortie cinéma : 8 août 1951
Date de sortie DVD/BR : 12 septembre 2023

En promenant son chien, Frank Johnson, un artiste raté, est témoin d’un meurtre. Recherché par la police et l’assassin, il décide de s’enfuir. Il laisse sa femme Eleanor seule et sans nouvelles. Même si son couple bat de l’aile depuis longtemps, la jeune femme, aidée d’un journaliste, se met à la recherche de son mari…

Le film

[5/5]

« Le titre original de Dans l’ombre de San Francisco est bien plus juste : Woman on the run. En effet, c’est une femme qui est au cœur de l’action et non pas le fugitif que tous traquent, son mari. La plus belle idée de ce film est de montrer comment une femme retombe amoureuse de son compagnon en cherchant à le retrouver. Lorsqu’elle est appelée sur les lieux du crime, elle ne semble pas s’intéresser à ce qui lui arrive. Mais lorsqu’elle réalise qu’on lui a tiré dessus, elle panique. Et c’est petit à petit que les réminiscences d’un bonheur passé remontent à la surface. La voir se vexer de ces témoins qu’elle croise et qui semblent mieux le connaître qu’elle piquent sa curiosité, son collègue dans son emploi de créateur de mannequins de vitrines. Les petits cailloux semés plus ou moins volontairement en les rapprochant physiquement les rapproche aussi amoureusement. Et pourtant un rival se glisse entre eux : le journaliste qui aide Eleonor dans son enquête privée, et les deux se rapprochent dangereusement, sous le contrôle du vrai policier, qui semble plus intéressé par le chien du couple que par trouver le coupable. Mais que l’on ne s’y trompe pas, il est toujours dans le coin et à l’affût de la moindre piste pour attraper celui qu’il a laissé s’échapper à cause d’une ombre salvatrice.

Comme on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, la comédienne principale Ann Sheridan est également productrice. Sans prendre la place du scénariste, on sent bien un doigté féminin dans l’intrigue de Dans l’ombre de San Francisco, qui est à la fois très violente (on jette une jolie et sympathique danseuse d’un toit et elle ne s’en remettra pas) mais avec un romantisme exacerbé. Le film noir n’interdit pas les sentiments, et le réalisateur Norman Foster (Les Amants Traqués, Voyage au pays de la peur…) capte cela en visitant San Francisco, un cadre idéal pour le cinéma en général et policier en particulier. L’image est magnifique, et même les transparences maladroites ne gâchent rien. La tension finale sur un Grand Huit qui emprisonne l’héroïne est d’une maîtrise remarquable et se repose sur le visage de l’actrice qui hurle et tremble. Cela peut sembler trop long pour une attraction mais en se laissant prendre, on ne peut qu’être séduit par cet exercice de style qui met le suspense à l’honneur. L’excellent scénario ne ménage d’ailleurs pas les rebondissements et surprises. Ainsi, le suspense reste entier car on sent que tout peut arriver. Difficile d’être plus clair sans gâcher le twist malin qui arrive relativement tard et change le ton de cette histoire aux multiples couches.

Déjà, le démarrage est brillant malgré la façon dont le meurtre est filmé, avec des champs / contre-champs qui trichent avec la perspective : comment le témoin peut-il voir ce qu’il voit, de la façon dont c’est filmé ? Mais juste avant cette scène, en promenant son chien, il passe devant une pancarte qui affiche « curb your dog » (tenez votre chien en laisse) et en s’attardant sur ce plan, le réalisateur laisse penser que c’est lui que l’on retient par le cou. En faisant de l’homme le maillon le plus fragile du couple, un artiste incompris et têtu, Dans l’ombre de San Francisco adopte un regard féministe et permet à Ann Sheridan d’avoir certaines des plus belles répliques, notamment sur le chien qui s’appelle Rembrandt, car c’est le seul moyen de s’en offrir un.

La comédienne ne quitte que rarement l’écran et elle séduit avec sa capacité de passer d’un sentiment à l’autre, du rejet à la peur de l’autre, de ses sentiments à fleur de peau et l’air de rien, d’un désir qui grandit pour son partenaire d’un soir. La dimension de vaudeville policier naît grâce au duo qu’elle forme avec Dennis O’Keefe en journaliste persévérant. Charmeur et drôle, il a un petit côté Cary Grant lorsqu’il joue au séducteur. En enquêteur malin, Robert Keith (vu dans La Ronde du crime de Don Siegel aux côtés de Eli Wallach ou en shérif dans L’équipée sauvage) s’amuse des atermoiements de l’épouse délaissée. Son attitude désinvolte est elle aussi savoureuse. Bref, Dans l’ombre de San Francisco est une perle noire qui mérite bien son appellation qui n’est pas usurpée – un chef d’œuvre du genre. »

Critique de notre rédacteur en chef Pascal Le Duff.

Le Blu-ray

[4/5]

C’est Elephant Films qui nous propose aujourd’hui de (re)découvrir Dans l’ombre de San Francisco au format Blu-ray, le film de Norman Foster intégrant pour l’occasion sa déjà très riche collection « Cinéma Master Class ». Et comme à son habitude, l’éditeur français nous fait une très bonne impression avec ce nouveau Blu-ray : la restauration a pris bien soin de préserver le grain argentique d’origine, les plans les plus sombres affichant un grain nettement plus important que les séquences diurnes ; la copie n’est certes pas exempte de défauts (taches et autres griffes), mais on s’en contentera tout à fait en se souvenant que l’on a longtemps considéré ce film comme totalement disparu, on . Côté son, seule la version originale est disponible, en DTS-HD Master Audio 2.0, et s’avère propre et toujours parfaitement claire.

Du côté des suppléments, on trouvera une intéressante présentation du film par Stephen Sarrazin (14 minutes), qui reviendra entre autres sur la relation entre Norman Foster et Orson Welles. On terminera ensuite avec les traditionnelles bandes-annonces éditeur.

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