Critique : Ça arrive

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Ça arrive

France : 2024
Titre original : –
Réalisation : Sabrina Nouchi
Scénario : Sabrina Nouchi, Catherine Sorolla
Interprètes :Catherine Sorolla, Milo Chiarini, Andrea Dolente
Distribution : Kapfilms / Les Affranchis
Durée : 2h07
Genre : Drame
Date de sortie : 27 novembre 2024

4.5/5

Synopsis :  Dans un commissariat du 1er arrondissement de Marseille, trois enquêteurs, deux hommes et une femme, font face aux récits des viols qui sont perpétrés quotidiennement dans la cité Phocéenne. Chaque jour, ils reçoivent des victimes de tout âge, genre et milieu social. Chaque jour, ils mettent leur professionnalisme au service de cette brigade haute en couleurs, où le drame côtoie l’humour, et la noirceur l’espoir..

Trois policiers d’une brigade des mœurs

De temps en temps, il arrive qu’un film vous tombe dessus sans crier gare et vous scotche de façon implacable sur votre siège tellement il est bouleversant, tellement il est passionnant, tellement il sonne juste, tellement son propos vous apparaît comme étant d’une grande importance. C’est ce qui devrait vous arriver avec Ça arrive, un film réalisé par Sabrina Nouchi, un film tourné en 7 jours avec un budget de seulement 135 000 Euros. On notera que Gilles Lellouche a à peu près réussi L’amour ouf avec un budget de 36 millions d’Euros alors que Sabrina Nouchi a complètement réussi Ça arrive avec un budget 250 fois moindre ! Le dispositif de ce film est particulièrement simple : un huis clos dans un commissariat de police de Marseille, avec 3 policiers de la police des mœurs comme personnages principaux. Il y a là Sébastien Virende, qui, depuis trois mois, remplace un major dont il a les responsabilités mais pas la paye ; Johanne Belaga, une jeune veuve qui travaille avec Sébastien depuis longtemps ; Anthony Rizzo, plus récemment arrivé dans cette brigade des mœurs. Leur tâche : accueillir les victimes de viol et recueillir leurs récits, en s’efforçant de ne pas porter de jugement personnel ; chaque fois que cela est possible, accueillir la partie adverse et recueillir son récit ; procéder éventuellement à une confrontation entre les deux parties. Dans Ça arrive, nous spectateurs, allons être présents pour assister à un nombre important de ces confrontations qui sont le quotidien de Sébastien, Johanne et Anthony. Des confrontations qui se succèdent sans aucun temps mort, avec une absence quasi totale de musique d’accompagnement. Pour la réalisatrice, une tension permanente était nécessaire pour traiter le sujet du viol et elle ne voulait pas qu’on puisse respirer avec des scènes du dehors. Un but totalement atteint, c’est peu de le dire !

Chaque confrontation est un cas particulier, pouvant aller du sordide à l’émouvant en passant par le bouleversant. Leurs seuls points communs : le sentiment de sincérité, de crédibilité, que l’on éprouve à leur vision et la volonté de la réalisatrice et de sa coscénariste de s’écarter de la vision trop schématique, trop binaire qui est trop souvent de mise lorsqu’il est question de violences sexuelles, tout en insistant, bien sûr, sur la définition de ce qu’est un viol et sur la notion de consentement. Une personne ayant subi des violences sexuelles est-elle, comme on s’y attend, forcément effondrée ? Non ! C’est ainsi que, dans Ça arrive, une jeune femme violée par un chauffeur Uber après avoir été droguée refuse de porter plainte personne considérant qu’ « il n’y a pas de quoi faire tout un drame pour quelque chose dont elle ne se rappelle pas ». Quant à l’agresseur, n’est-il qu’un monstre auquel on ne veut surtout pas être identifié ? Dans le film, deux confrontations apportent la preuve du contraire.

Bien entendu, Sébastien, Johanne et Anthony ont une vie en dehors de leur travail, une vie à laquelle nous n’aurons jamais directement accès mais dont le film nous dévoile quelques éléments sans sortir du commissariat. Par ailleurs, le film n’oublie pas d’aborder les conséquences médicales d’un viol, avec les MST et le potentiel contact avec le VIH. A la vision de Ça arrive, on ne peut s’empêcher de souhaiter que toutes les victimes d’agressions sexuelles soient reçues avec autant d’empathie et de professionnalisme dans tous les commissariats et toutes les gendarmeries de notre pays

Des interprétations de très haut niveau

Ça arrive a été écrit par Sabrina Nouchi, sa réalisatrice, et par Catherine Sorolla, l’interprète du rôle de Johanne. Dans les rôles de Sébastien et d’Anthony, on retrouve Milo Chiarini, le compagnon de Sabrina, par ailleurs ancien policier et réalisateur de Mon milieu, sorti en juin dernier, et Andrea Dolente, un comédien originaire des Pouilles et établi en France.  En fait, avec cette réalisatrice et ces 3  excellents interprètes qui se connaissent par cœur, on retrouve l’équipe de formateurs de La Fabrique de l’acteur, une école dont l’enseignement est basé sur les méthodes dramatiques du russe Constantin Stanislavski, revisitées par Lee Strasberg qui fut Directeur de l’Actors Studio de 1962 à 1981, ainsi que sur la méthode Meisner, moins basée que la précédente sur la mémoire affective. Ça arrive  permet de prendre conscience de la qualité des cours délivrés dans cette école, la quasi totalité des interprètes qui interviennent dans le film en tant que victimes de viol ou en tant que potentiels agresseurs étant des élèves de l’école : toutes et tous font preuve d’une impressionnante justesse dans leur jeu.

Il serait temps que le milieu du cinéma français prenne conscience qu’il se passe quelque chose d’important à Marseille autour de Sabrina Nouchi à qui on doit cet exceptionnel Ça arrive, de Milo Chiarini dont l’excellent Mon milieu est sorti en juin dernier dans une indifférence quasi générale et de La fabrique de l’acteur, une école dirigée par Sabrina Nouchi et qui a fourni la quasi totalité des excellents interprètes de Ca arrive.

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