Critique : Blade runner (Final cut)

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Blade runner

Etats-Unis, 1982
Titre original : Blade runner
Réalisateur : Ridley Scott
Scénario : Hampton Fancher & David Webb Peoples, d’après un roman de Philip K. Dick
Acteurs : Harrison Ford, Rutger Hauer, Sean Young, Daryl Hannah
Distribution : Warner Bros.
Durée : 1h57
Genre : Science-fiction
Date de sortie : 14 octobre 2015 (Reprise)

Note : 4/5

Le fait de ne pas être amplement familier avec ce classique de la science-fiction peut s’avérer avantageux pour mieux le découvrir dans toute sa splendeur lors de cette reprise en version restaurée. Car du haut de ses trente-trois ans, Blade runner n’est pas seulement un incontournable du cinéma de genre, qui n’a pas pris une ride. Après avoir vécu en direct en tant que spectateur l’évolution des différents types de films, nous sommes même convaincus que celui-ci se trouve à l’origine d’une multitude de courants, qu’il est la matrice magnifique d’à peu près tout ce qui s’est fait dans le domaine fantastique et futuriste depuis. Ce rôle de source de multiples influences, à la fois incontestable et nullement prémédité, le troisième film de Ridley Scott l’assume avec une prestance et une vigueur jamais démenties. Le risque était en effet important de n’y voir désormais qu’un catalogue de motifs maintes fois copiés entre-temps et par conséquent vidés de tout leur sens. Il n’en est heureusement rien, puisque le récit maintient sans le moindre signe de fatigue une intensité mystérieuse hors pair.

Synopsis : Los Angeles, 2019. Depuis qu’ils se sont révoltés dans des colonies spatiales, les replicants, des robots presque en tous points égaux aux hommes, sont interdits de séjour sur Terre. Au large de la côte californienne, un vaisseau volé et abandonné a été trouvé à bord duquel quatre replicants auraient voyagé. La police cherche alors à retrouver leur trace, notamment du côté de l’entreprise Tyrell, spécialisée dans la construction des replicants. Face à la menace potentielle, elle fait appel à Rick Deckard, un ancien chasseur et spécialiste du retrait des robots humanoïdes de la circulation.

Un précurseur suprême

Aujourd’hui, tous les films de science-fiction et plus particulièrement la variation à la mode des films de super-héros ont l’air de se ressembler. Les signes distinctifs s’y font excessivement rares, puisque ils sont tous soumis – soit par calcul commercial, soit par choix artistique – aux mêmes exigences narratives et esthétiques. Au début des années 1980, la grande époque des épopées de science-fiction n’en était par contre qu’à ses débuts, avec des réalisateurs et des producteurs tout d’abord empressés de singer la formule à succès de George Lucas et son univers Star Wars. Pour son premier film américain, à l’histoire de tournage exceptionnellement tendue, Ridley Scott a opté pour une direction plus sombre et adulte, moins en proie à des fabulations manichéennes situées dans des galaxies lointaines, dépourvues d’un lien concret avec la vie sur Terre. Dans Blade runner, le regard sur l’humanité se veut expressément baroque, avec l’opulence des décors le plus souvent vus de nuit et sous une pluie battante, qui persiste pourtant dans un décalage saisissant par rapport à l’animation incessante et anonyme dans les rues.

Un film noir par excellence

Que l’enjeu dramatique du récit reste plutôt flou peut alternativement ouvrir la voie aux interprétations les plus farfelues ou bien inciter le spectateur à s’abandonner entièrement à l’univers singulier qui lui est présenté. Le protagoniste entame en effet la traque des replicants avec un spleen remarquable, nullement convaincu de l’utilité de sa mission. Et ses adversaires sont à leur tour investis d’une quête existentielle, qui peut être considérée comme plus valeureuse que le maintien du statu quo dans la métropole poisseuse. Ce climat d’incertitude croissante, la mise en scène l’orchestre avec bravoure, aidée grandement par les contributions visuelles de la photo de Jordan Cronenweth, ainsi que par les prouesses d’une bande sonore immersive, remixée récemment.

 

Tandis que l’histoire demeure donc dans une abstraction de la menace jamais prise en défaut ou étalée inutilement, l’aspect formel somptueux du film ne se met pas en avant au point d’écraser par sa beauté décadente les subtilités narratives. Avec Blade runner, l’équilibre parfait entre le fond ambitieux et une forme qui ne l’est pas moins nous paraît être atteint prématurément. Les dizaines, voire les centaines de films qui se sont par la suite inspirés de ce tour de force fascinant en ont certes pu récupérer un détail par ci, par là. Mais aucun d’entre eux n’a réussi à achever une symbiose aussi bluffante entre l’univers oppressant de Philip K. Dick et son expression cinématographique menée de main de maître par Ridley Scott.

Conclusion

Les réalisateurs de renom qui se sont inspirés de ce chef-d’œuvre sont légion. Ne citons que Terry Gilliam, Tim Burton et Alexandre Aja pour commencer, sans même penser à tous les tâcherons qui en ont emprunté maladroitement les aspects les plus marquants et qui continuent à le faire. A toutes ces copies plus ou moins bâclées, nous préférons toutefois largement l’original, un opéra sur l’exploration de l’espace filmique mille fois plus exigeant et enivrant pour les sens que tous les enfantillages de science-fiction réunis !

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