Critique : Cloud Atlas

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Cloud Atlas

afficheÉtats-Unis : 2012
Titre original : –
Réalisateurs : Lana Wachowski, Tom Tykwer, Andy Wachowski
Scénario : Lana Wachowski, Tom Tykwer, Andy Wachowski
Acteurs : Tom Hanks, Hugo Weaving, Ben Whishaw
Distribution : Warner Bros. France
Durée : 2h45
Genre : Drame, Science fiction
Date de sortie : 13 mars 2013

4/5

Adaptation de La Cartographie des Nuages de David Mitchell, Cloud Atlas s’est révélé un vrai four au box-office américain, rapportant à peine le quart de son budget initial. Signe de la complexité de son sujet, de son traitement..? Après de longs mois d’attente (la frilosité de la WB France n’a rien d’étonnant) le film sort enfin dans l’hexagone. Alors qu’a-t-on pensé de Cloud Atlas à la rédaction ?

À travers une histoire qui se déroule sur cinq siècles dans plusieurs espaces temps, des êtres se croisent et se retrouvent d’une vie à l’autre, naissant et renaissant successivement… Tandis que leurs décisions ont des conséquences sur leur parcours, dans le passé, le présent et l’avenir lointain, un tueur devient un héros et un seul acte de générosité suffit à entraîner des répercussions pendant plusieurs siècles et à provoquer une révolution. Tout, absolument tout, est lié.

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Prétentieux ou Absolu ?

Qu’on aime ou pas, trouver quelque chose à dire sur le film est casse-tête. Ne pas faire de vulgarisation qui ne lui rendrait pas hommage mais comprendre que le film est plus proche de l’expérience sensorielle que du modèle typique de cinéma. Cloud Atlas est un film d’Histoire qui regroupe six scénarios en un. Si le roman préférait un schéma 123456-654321, le trio de réalisateurs a préféré une structure plus atypique mélangeant les différentes histoires, et donc les époques, en cherchant des transitions plus ou moins subtiles pour justifier ce choix dans ce qui ressemble à un large puzzle. Et il est si confondant que votre première vision de l’œuvre pourrait se faire au détriment des émotions, préférant comprendre l’agencement voulu : où peuvent bien nous emmener les Wachowski ? L’introduction est en cela très déroutante : les 6 histoires que vous vous apprêtez à vivre sont présentées en quelque minutes au travers d’extraits très brefs dans un ordre semblant anarchique. Le but n’est pas de comprendre quoi que ce soit dans cette introduction, mais partager ce sentiment diffus de ressac, et vous laisser bercer par le film.

Niveau scénario justement vous aurez : un noble découvrant l’esclavage, un jeune pianiste débauché se mettant au service d’un grand compositeur pendant la seconde guerre mondiale, les investigations d’une journaliste pour déjouer un scandale politique, les aventures abracadabrantesques (et drôles) d’un éditeur ruiné, une clone rebelle dans un Neo Seoul ravagé, et la reconstruction d’un peuple en 2321 après la chute de l’humanité. Pas de corrélation apparente entre les histoires. Pourtant, là où le film se veut puissant (et prétentieux quelque part) c’est qu’il se propose de tisser le lien exigu qui relierait toute l’humanité à travers le temps et l’espace, le passé ayant un impact direct sur le futur via les variations karmiques des personnages. Les acteurs incarnent ainsi avec brio différents rôles à différentes époques, tantôt bons tantôt mauvais, parfois homme comme femme. Même si les maquillages ne sont pas toujours réussis il faut rendre hommage à ce casting parfait, procurant divers émotions et faisant varier leur niveau d’empathie d’une période à l’autre.

cloud atlas

Plusieurs thèmes transcendent l’oeuvre, et peut-être le travail des Wachowski : l’égalité entre les individus, la lutte contre les discriminations, la compréhension par la découverte, l’acceptation de l’autre. Un grand message de tolérance en somme. Comme tout le reste du métrage vous trouverez peut-être cela très convenu si vous ne rentrez pas pleinement dedans. Au delà de ces messages, Cloud Atlas reste une grande fresque d’aventure avec des décors riches et variés, de l’action, du suspens, des personnages développés, et les 2h45 foncent à toute allure. Enfin et pour ne rien gâcher le film est une grande histoire d’amour. L’amour d’un homme pour sa femme, d’un homme envers un autre homme, d’une femme en la cause qu’elle défend, d’un homme pour lui-même, d’un clone pour un humain, d’un sauvage pour une savante. L’amour serait le précepte ultime qui unirait les humains entre eux d’après le trio de réalisateur, provoquant pour peu que vous y soyez sensibles un torrent d’émotions assez mystique.

Qui se laissera bercer trouvera sûrement toute les réponses de sa vie dans Cloud Atlas. Le restant s’ennuiera pendant 3h, à peine béat des belles images et de la sublime musique qui magnifie vraiment ce rêve ou ce cauchemar.

Ben Wishaw

Résumé

Cloud Atlas nous a fortement partagés même si l’auteur de ces lignes s’est laissé emporter. S’il est un point de rassemblement c’est sur la nature même de l’œuvre : atypique et culottée. Comme d’habitude les Wachowski proposent un métrage métaphysique qui demandera une bonne dose d’abstraction pour être appréhendé. Chef d’œuvre ou masturbation intellectuelle ? Sûrement un peu des deux selon votre sensibilité.

1 COMMENTAIRE

  1. Globalement, je crois être assez en accord avec vous. Cependant, je reviendrai essentiellement sur le lien entre les différentes histoires. Il n’y a rien de laborieux ou de superficiel dans le travail des réalisateurs. En effet, Adam Ewing va écrire un livre relatant sa traversée du Pacifique. Celui-ci sera lu par Robert Frobisher. R. Frobisher mourra en laissant l’amour de sa vie Rufus Sixsmith. Ce dernier sera l’instigateur de l’enquête menée par Luisa Rey. Elle même va écrire un livre qui sera lu par Timothy Cavendish dans le train quand il va se rendre dans la maison de repos. Après ses aventures, Cavendish va écrire un livre qui sera adapté au cinéma et dans lequel il parle d’Alexandre Soljenitsyne. C’est, entre autres, la vue de ce film qui poussera Somni-451 à vouloir se cultiver et à se forger une idéologie révolutionnaire qui la mènera au sacrifice; sacrifice qui fera d’elle un étendard. Cette étendard deviendra , après la chute, dans un avenir post-apocalyptique, la déesse du peuple de Zachry. Au final, et au vue de tout cela, le propos du film peut être non pas la réincarnation, la renaissance ou le karma (même si on en parle volontiers et à profusion comme vous le soulignez) mais l’impact de nos vies et de nos actes à travers le temps et les âges: une action insignifiante aujourd’hui peut devenir grande demain; une mauvaise action devient une bonne action. Nous ne sommes guère maîtres de nos actes et de nos propos, nous mourrons et la prospérité les transforme. Bien entendu le sextet Cloud Atlas, qui renvoie au titre, n’est à mon sens qu’un support romantique qui accentue ce propos (cf. explications de Frobisher à Vyvyan Ayrs) et qui n’est en somme qu’une métaphore musicale de l’objet du film.
    Au fond, le principal objet du film réside dans la transcendance, sujet que vous avez légèrement frôlé. Comme dit un peu plus en amont, nos actions nous échappent et sont transformées par les générations futures aussi minimes qu’elles peuvent nous paraître. Ewing va faire fi de ses peurs et de ses craintes pour embrasser la cause des anti-esclavagistes. Forbisher, malgré sa sexualité, son père qui le déshérite et le meurtre qu’il a commis, va écrire une très belle symphonie (sur laquelle nous reviendrons plus tard). Luisa Rey, journaliste d’une feuille de chou disons le, met à jour un complot fomenté par le lobby des pétroliers. Cavendish, éditeur raté, réussit à faire de sa vie une oeuvre adapté au cinéma. Somni-451, fractaire, dépasse sa condition pour inspirer l’humanité. Zachry va vaincre ses démons pour faire preuve de courage.
    Ceci étant dit, parlons du choix narratif. Le sextet Cloud Atlas est conçu comme un échange à travers des vies. On retrouve ça dans l’imbrication des histoires mais surtout dans l’évolution parallèle des différents scénarios de manière concomitante (les débuts, les moments clés qui se répondent comme les six instruments qui jouent la symphonie).
    Même si je pourrai encore en parler longuement, je m’arrêterai là. Entendant, mon troisième « visionnage » de Cloud Atlas mardi!

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