Critique : Ce qui nous lie

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Ce qui nous lie

France, 2016
Titre original : –
Réalisateur : Cédric Klapisch
Scénario : Cédric Klapisch et Santiago Amigorena
Acteurs : Pio Marmaï, Ana Girardot, François Civil, Jean-Marc Roulot
Distribution : Studiocanal
Durée : 1h54
Genre : Drame familial
Date de sortie : 14 juin 2017

Note : 3/5

La saison des vendanges est encore loin, mais Cédric Klapisch nous invite déjà à faire un tour du côté des vignes françaises bien garnies par le biais de son douzième film. Ce qui nous lie conte une histoire parfaitement conforme à l’univers du réalisateur, où l’aspect humain de l’intrigue prime presque toujours sur des sursauts narratifs plus dramatiques. Il y est question de famille, d’identité, d’enracinement et de prise de responsabilité, avec une bonne dose de naturel dont Klapisch a le secret et sans que la gravité des poids affectifs et matériels qui pèsent sur les personnages ne prenne le dessus. Cette fratrie en voie de prendre la succession du domaine familial brille en effet par son accessibilité, traduite avant tout par les petits tracas du quotidien – des soucis de sous, de couple ou bien d’un passé commun aux rares zones d’ombre – que sa solidarité manifeste permettra de surmonter petit à petit. Il en résulte un film globalement charmant et touchant, qui n’est hélas pas complètement étranger à un certain éparpillement, à l’image du rythme répétitif de l’existence des agriculteurs, où rien ne change réellement d’année en année, si ce n’est un attachement grandissant à la terre péniblement labourée.

Synopsis : Après avoir passé dix ans à faire le tour du monde, Jean revient dans sa Bourgogne natale à cause de la maladie grave de son père. Son retour inopiné tombe par hasard quelques jours avant le début des vendanges, que sa sœur cadette Juliette devra pour la première fois surveiller toute seule. En dépit de sa relation tendue avec sa famille et de la situation guère plus satisfaisante avec sa copine en Australie, Jean décide de rester quelque temps afin d’épauler les siens pendant cette période difficile. Or, à la disparition de leur père, les trois enfants, y compris le plus jeune Jérémie, marié à la fille d’un autre vigneron ambitieux, devront faire face à la nature complexe de leur héritage, qui mettra à rude épreuve leurs projets de vie respectifs.

Vignerons de père en fille

Il n’y a guère d’activité agricole plus typiquement française que l’art de produire du vin. Cette grande fierté nationale tend cependant à ne rencontrer qu’un écho très ponctuel au cinéma, comme par exemple il y a six ans dans Tu seras mon fils de Gilles Legrand, où la dimension mélodramatique de l’intrigue primait par contre sur quelque considération rurale que ce soit. Ici, vous aurez au contraire droit en filigrane à une leçon ludique de toutes les étapes du cycle annuel de la viticulture, depuis le choix judicieux du jour de démarrage de la récolte, en passant par les vendanges en groupe et les procédés mi-artisanaux, mi-industriels de fermentation, jusqu’à la dégustation du produit final. Cet aspect du film n’est certes pas le centre nerveux du scénario. Il permet par contre un ancrage très fort dans un contexte socio-culturel qui y relève sensiblement plus d’une façon d’être authentique que du portrait sommairement bucolique. Le savoir-faire digne d’un caméléon de la part du réalisateur – aussi à l’aise dans les quartiers populaires de Paris dont les habitants cherchent un chat ou sombrent dans le sable que dans la proverbiale auberge espagnole où les cultures du monde s’entrechoquent gaiement – s’y exerce avec une élégance dont seuls de rares détails formels, comme le plan du retour du cimetière qui voit apparaître l’un après l’autre les membres de la fratrie, penchent vers des effets de style un brin trop ostentatoires.

De la fraîcheur faite pour durer

Car ce qui intéresse avant tout Cédric Klapisch, c’est le parcours de ses personnages, de modestes héros de la condition humaine, qui se battent vaillamment contre les moulins de la maturité. Dans Ce qui nous lie, la figure de proue d’un retour aux sources plutôt chahuté est évidemment le fils à la fois aîné et prodigue, qui revient au bercail pour régler ses comptes avec un père perçu autrefois comme tyrannique. Aussi sympathique, puisque doucement torturée, l’interprétation de Pio Marmaï soit-elle dans ce rôle presque caricatural, le véritable centre nerveux du film se situe du côté de l’étonnante Ana Girardot, campant avec conviction et juste ce qu’il faut de fragilité la sœur de laquelle dépendent en fait toutes les décisions importantes. Quant à François Civil, il s’acquitte très bien de l’emploi sans doute le plus ingrat de la bande, celui du frère qui ne semble pas encore avoir accompli sa démarche d’émancipation de la tutelle de sa belle-famille. Or, c’est avant tout sur la cohésion entre ces trois personnages, notamment le sentiment de complicité indéfectible qu’ils transmettent, que se base la qualité appréciable du film, malgré de parcimonieux retours en arrière, voire des mélanges entre différents niveaux temporels à fort potentiel de maladresse. Ces derniers risquent parfois d’amoindrir l’impact émotionnel d’une histoire, qui séduit sinon par ses thèmes forts, quoique peu originaux, du conflit entre générations et de la compréhension quasiment innée entre frères et sœurs.

Conclusion

Il y a clairement plus à prendre qu’à laisser dans le nouveau film de Cédric Klapisch, fidèle à lui-même en termes de regard sincère sur les déboires nullement extraordinaires de personnages dépourvus de limites d’identification. Ce qui nous lie a certes légèrement tendance à s’enliser dans des histoires sentimentales convenues, mais il sait amplement compenser ce relâchement narratif par l’expression redoutable des tourments existentiels qui travaillent depuis l’intérieur ces vaillants défenseurs de la tradition viticole française.

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