Cannes 2014 : Timbuktu

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Timbuktu afficheTimbuktu

Mauritanie : 2014
Titre original : Timbuktu
Réalisateur : Abderrahmane Sissako
Scénario : Abderrahmane Sissako, Kessen Tall
Acteurs : Abel Jafri, Pino Desperado, Hichem Yacoubi, Kettly Noël
Distribution : Le Pacte
Durée : 1h37
Genre : Drame
Date de sortie : 10 décembre 2014

Note : 4/5

Pour sa première participation à la compétition cannoise, Abderrahmane Sissako était très attendu. Le résultat est à la hauteur de la longue attente de son premier long-métrage depuis Bamako en 2006.

Synopsis : Non loin de Tombouctou tombée sous le joug des extrémistes religieux, Kidane mène une vie simple et paisible dans les dunes, entouré de sa femme Satima, sa fille Toya et de Issan, son petit berger âgé de 12 ans. En ville, les habitants subissent, impuissants, le régime de terreur des djihadistes qui ont pris en otage leur foi. Fini la musique et les rires, les cigarettes et même le football… Les femmes sont devenues des ombres qui tentent de résister avec dignité. Des tribunaux improvisés rendent chaque jour leurs sentences absurdes et tragiques. Kidane et les siens semblent un temps épargnés par le chaos de Tombouctou. Mais leur destin bascule le jour où Kidane tue accidentellement Amadou le pêcheur qui s’en est pris à GPS, sa vache préférée. Il doit alors faire face aux nouvelles lois de ces occupants venus d’ailleurs…

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Un hommage à la femme

Timbuktu ouvre avec une certaine grandeur l’édition 2014 du Festival de Cannes. Le réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissoko fait ses premiers pas dans la compétition, après un passage par la Quinzaine des Réalisateurs avec Bamako (avec Aïssa Maïga) en 2006 déjà. Plus qu’un récit linéaire, il s’agit d’une série de vignettes qui dénoncent l’intégrisme et la haine de la femme via des gestes absurdes jusqu’à la cruauté de paresseux endoctrinés qui font la leçon à leurs concitoyens, subissent sans trop réagir des leçons d’intégrisme affreuses, sales et méchantes. Ce brûlot contre l’obscurantisme d’une force d’autant plus grande qu’il le fait avec un humour cinglant renvoie les pseudo-religieux intégristes à leurs faux discours et à leur hypocrisie (faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais). Le ton de comédie suffit à souligner avec subtilité la médiocrité de la pensée islamiste. Sissako rend un hommage merveilleux au courage des femmes, l’une n’hésitant pas à traiter de ‘ connards ‘ ces idiots finis. Elles refusent les diktats multiples (les mariages forcés…) et se battent pour imposer leurs opinions et agir librement,malgré les trop nombreuses concessions auxquelles elles sont contraintes et la violence qui menace celles qui résistent.

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L’intégrisme face à l’origine du monde

L’horreur de la lapidation, pratique encore trop tolérée dans de nombreux pays, explose dans ce qui devrait rester comme l’un des instants les plus violents cette année. Sissako ne s’étend pas plus que nécessaire sur cette scène sèche et choc. Grâce à la mesure dans sa scénographie et sa durée, elle n’en que plus saisissante.

Un plan à retenir, autant par sa beauté plastique que par ce qu’il exprime : un buisson entre deux dunes, un intégriste confronté à ses contradictions qui tire de rage dans sa direction et le résultat n’est rien d’autre qu’une superbe réponse de la nature à la bêtise en revenant à l’origine du monde. Soulignons aussi la superbe partition d’Amine Bouhafa, la beauté visuelle des plans signés Sofian El Fani (La Vie d’Adèle) et la belle direction d’acteurs, une réussite d’autant plus grande qu’il est difficile d’être acteur professionnel dans un continent où peu de films se tournent, ne parlons même pas du cinéma mauritanien bien moribond. Abel Jafri, l’acteur le plus professionnel de la distribution, se démarque dans le rôle de ce petit chef de quartier qui fume en cachette et terrorise ses concitoyennes sans état d’âme.

Le cinéma du continent africain utilise souvent la parabole du conte et du symbole animalier. Sissako ne déroge pas complètement à cette règle avec cette antilope en ouverture et en clôture, double animal de la Femme pas seulement africaine, mais universelle, en lutte perpétuelle contre les prédateurs souvent masculins.

Résumé

Le constat de ce premier film de la compétition du Festival de Cannes 2014 est désespéré, pourtant Timbuktu ne l’est pas. Drôle et cruel, il restera comme l’un des moments forts de cette édition, en espérant qu’il soit rejoint par beaucoup d’autres, comme en 2013.

1 COMMENTAIRE

  1. Celà faisait bien longtemps que je n’avais pas vu de film aussi beau et émouvant. Avis partagé par mon épouse et ma fille. Comme quoi les célébrités ne font pas tout…

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