Cannes 2014 : The Go-Go Boys

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Menahem Golan et Yoran Globus

go go boys afficheThe Go-Go Boys

Israël, 2013
Titre original : The Go-Go Boys: The Inside Story of Cannon Films
Réalisateur : Hilla Medalia
Scénario : Hilla Medalia, Daniel Sivan
Acteurs : Menahem Golan, Yoram Globus, Michael Dudikoff
Distribution : Paradis Films
Durée : 1h30
Genre : Documentaire
Date de sortie : 29 octobre 2014

Note : 3,5/5

La Cannon était une société de production culte qui fit les beaux jours du cinéma d’action des années 80, avec le meilleur / le pire de Chuck Norris (la série des Portés Disparus, Invasion USA…), de Charles Bronson (Un justicier dans la ville 2 et ses suites et variantes démocrates), de Sylvester Stallone (Cobra, Over the top -oui, là c’est vraiment le pire) et la découverte d’un athlète-philosophe qui avait la frite, Jean-Claude Van Damme lancé avec Bloodsport grâce à un savant étalage de son talent à une table de restaurant où était installé Golan avec son épouse. Voici son histoire…

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Synopsis : Ce documentaire révélé lors du dernier festival de Cannes revient sur le parcours étonnant de Menahem Golan et Yoram Globus, les patrons de la mythique Cannon, société de production culte qui fit les beaux jours du cinéma d’action des années 80.

 

Yoram Globus et Menahem Golan
Yoram Globus et Menahem Golan

Yes We Cannon !

C’est en présence du regretté bonimenteur Menahem Golan (décédé le 8 août dernier) et de son cousin Yoram Globus qu’il fut possible de découvrir ce documentaire dans le cadre de Cannes Classics. ‘Cannes a fait beaucoup pour nous, nous avons fait beaucoup pour Cannes’ disait-il à cette occasion, et en effet les affiches de leurs productions (dont certaines n’ont jamais été tournées) inondaient à une époque les fenêtres des palaces qui donnaient sur la Croisette et leurs attractions publicitaires ont marqué les festivaliers dans ce passé pas si lointain (Juliette Binoche est déjà là ! Rendez-vous de Téchiné peut-être?) mais déjà un peu révolu.

go go boys 04

Il ne faudrait d’ailleurs pas oublier que la Cannon c’était aussi du cinéma d’auteur, parfois en compétition au Festival de Cannes donc (Yes we Cannon !) dans les années 80 : Meryl Streep a remporté son seul prix d’interprétation à Cannes pour Un Cri dans la nuit de Fred Schepisi. Ils ont ainsi produit Robert Altman (Fool For Love), Jean-Luc Godard (King Lear – le récit de cette superbe arnaque par Godard mériterait un film à lui tout seul), Barbet Schroeder (Barfly), Jerry Schatzberg (La Rue), John Cassavetes (Love streams, Ours d’or à Berlin), Franco Zeffirelli (Otello) ou Andreïd Konchalovsky, le plus marquant de leurs poulains peut-être avec Maria’s lovers et le chef d’oeuvre de la Cannon, Runaway Train, nommé pour trois oscars, meilleurs acteur (Jon Voight), second rôle masculin (Eric Roberts) et montage, d’après un sujet original d’Akira Kurosawa et qui aujourd’hui possède toujours la même force mythologique.

Jon Voight dans Runaway Train
Jon Voight dans Runaway Train

Tout est sur l’affiche

Pour ces séries B des années 80, l’attractivité des posters avec stars plus ou moins fabriquées, gros flingues, jolies pépées dénudées étaient souvent plus importante que les films eux-mêmes ou leurs éventuels scénarios. Ces productions que l’on abhorrait parfois alors se laissent regarder avec un brin de nostalgie aujourd’hui. Les mauvais films ne sont pas devenus meilleurs mais ils font partie de notre ‘culture’ et le principal mérite de The Go-Go Boys est de capter justement cela, jusqu’à au manque de recul du principal intéressé Menahem Golan qui reste le mythomane qu’il fut au moins beaucoup, sinon complètement, ou un incorrigible optimiste si on préfère le caractériser ainsi. Lorsqu’il est interrogé sur ses échecs, il botte en touche, assez fermement, refusant d’admettre qu’il ne tournera plus jamais et qu’il avait connu des échecs, Superman IV étant le sommet du genre. Le film qui aurait du relancer la firme déjà très malade de sa folie des grandeurs (les studios géants, la Cannon british…) fut l’une des premières pierres de la chute finale.

La conception du cinéma de Golan était étonnante : ‘ Pour devenir réalisateur, il ne faut rien faire d’autre, voler l’argent, tuer sa tante et faire le film ‘, donnait-il comme leçon dans ce film. Une certaine idée du cinéma indépendant et populaire a guidé sa carrière, entamée en Israël, une partie de leur carrière plus que méconnue et sur laquelle la réalisatrice apporte un éclairage indispensable à la suite de leur parcours. On apprend qu’il n’hésitait pas à payer ses spectateurs à ses débuts pour qu’ils remplissent les salles et assurer ainsi le bouche à oreilles ! Les débuts américains sont fascinants, avec encore le risible The Apple, variation déviante de Adam & Eve dans un cadre futuriste : 1994 !

the apple affiche

Le rêveur et le pragmatique

L’angle du film est l’intime et la personnalité de ces producteurs haut en couleur, Golan surtout, Globus aussi, le rêveur allié au pragmatique ou l’affabulateur et le concret (même si les frontières sont évidemment plus poreuses). On comprend leurs différences mais aussi ce qui les a liés et ce qui leur a permis de travailler aussi longtemps ensemble : un respect et une estime réciproques, mais surtout une complémentarité qui permettait à l’un de réunir les talents et à l’autre de leur permettre de créer dans un semblant de normalité artistique et financière. Attention, on dit bien ‘un semblant’, il ne faut pas oublier qu’il s’agit de la Cannon tout de même. L’amour ne doit pas rendre aveugle. Car comme le résume affectueusement Eli Roth, rare intervenant extérieur, la Cannon nous a apporté Chuck Norris, Charles Bronson, les ninjas et le breakdance, car n’oublions pas que leur premier succès en Amérique était Breakin’ de Joel Silberg, fidèle de leur équipe, déjà en Israël, qui a signé un film perturbant (avec le recul) sur le phénomène H.I.P.H.O.P. comme disait Sydney. Doit-on les remercier pour cela ? Oui, mais faut pas le dire trop fort…

Michael Dudikoff dans American Ninja 2
Michael Dudikoff dans American Ninja 2

Un regret d’ailleurs pour les vrais amateurs de la compagnie : l’on ne voit que peu les films et encore moins les gens qui ont travaillé comme acteurs pour la Cannon, donc ça se limite à Billy Drago (inquiétant), Franco Zeffirelli (louangeur), Jean-Claude Van Damme (aware) ou Michael Dudikoff (nostalgique). C’est une occasion unique d’ailleurs de revoir Michael Dudikoff, l’American Ninja, le seul, le vrai sur un grand écran, en attendant un hypothétique Expendables 15 s’il est libre, son agenda étant si surbooké quand même… Pour des témoignages un peu plus gratinés, ou plus de précision sur le rapport entre la Cannon et ce dernier, il faudra se contenter de l’autre film qui lui lui est consacré : Electric Boogaloo : The Wild, Untold Story of Cannon Films de Mark Hartley.

Menahem Golan et Yoran Globus
Menahem Golan et Yoran Globus

Le choix ici de la réalisatrice est de laisser à la parole aux principaux intéressés, et à quelques images d’archives avec qui remontent au temps de l’âge d’or de leur collaboration qui permettent d’apercevoir Sylvester Stallone et Chuck Norris, intéressantes pour la contextualisation mais auxquelles il manque le recul du temps. Par sa discrétion et son attachement à la parole du duo, la réalisatrice Hilla Medalia élude les errements et réalise un portrait un peu trop neutre, en ne creusant pas suffisamment les raisons de la chute, moins en tout cas que cet autre documentaire sur la Cannon qui circule actuellement en festival. Menahem Golan n’avait jamais abandonné l’idée de revenir au premier plan, affirmant avoir encore des projets quelques mois avant sa disparition et cet entêtement le rend encore plus attachant. La plus belle réussite de ce documentaire est de lui avoir permis d’exaucer son dernier voeu et de revenir officiellement au Festival de Cannes, affaibli mais encore malicieux.

Menahem Golan, Yoram Globus, Hila Medalia et Thierry Frémaux  (© FDC / G. Lassus-Dessus)
Menahem Golan, Yoram Globus, Hila Medalia et Thierry Frémaux
(© FDC / G. Lassus-Dessus)

 

Résumé

La réalisatrice de Dancing in Jaffa propose un documentaire sage sur un cinéma qui ne l’était pas, un cinéma de sales gosses qui a marqué la culture populaire des années 70-80 et belle surprise, il sort donc en salles ce mercredi 22 octobre, à ne pas manquer malgré quelques frustrations car ce genre de documentaire sur le cinéma est généralement interdit de grand écran, comme le confirme le destin des récents films sur Roger Corman (Le Monde de Corman) ou sur la transition de la pellicule vers le numérique avec Keanu Reeves (Side by side) voire le superbe portrait de Ray Harryhausen (Ray Harryhausen – Le Titan des effets spéciaux).

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