Cannes 2014 : La Chambre bleue

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chambre bleue AFFLa Chambre bleue

France : 2014
Titre original : La Chambre bleue
Réalisateur : Mathieu Amalric
Scénario : Mathieu Amalric, Stéphanie Cléau, d’après Georges Simenon
Acteurs : Mathieu Amalric, Stéphanie Cléau, Léa Drucker
Distribution : Alfama Films
Durée : 1h16
Genre : Film noir
Date de sortie : 16 mai 2014

Note : 3,5/5

Après Tournée, prix de la mise en scène en 2011, Mathieu Amalric revient à la réalisation et au Festival de Cannes 2014 dans la section Un Certain Regard avec un film minimaliste, au joli pouvoir de fascination..

Synopsis : Julien Gahyde est interrogé par la police. Que lui reproche-t-on ? Qu’a-t-il fait ? Que sait-il ? Une enquête minutieuse et des bribes de souvenir révèlent comment un adultère, né dans une petite chambre bleue avec vue sur une triste gare, est devenu une affaire criminelle…

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Un fait divers ordinaire

C’est l’histoire d’un homme et d’une femme qui se sont connus à l’enfance, se sont ratés et se retrouvent adultes, mariés chacun de leur côté. Hélas pour eux et leurs proches, ils s’autorisent à vivre cette passion qui va s’avérer mortelle. Mathieu Amalric partage l’affiche avec sa compagne Stéphanie Cléau, écrivain qui fait ses débuts à l’écran en maîtresse au comportement indéchiffrable. Ils ont écrit ensemble cette relecture personnelle d’une nouvelle éponyme de Georges Simenon avec une écriture sèche qui repose sur un travail de recréation clinique de dossier judiciaire. La lointaine passion est observée post mortem et décrite comme dans un rapport factuel, ce qui rend l’affaire terriblement dérisoire.

Le récit est donc conçu comme un procès verbal méticuleux, avec en parallèle la reconstitution d’un faits divers et les réminiscences d’un narrateur qui tente de comprendre comment il en est arrivé là. Engoncé sur une chaise en face d’un commissaire au professionnalisme froid, il fouille dans sa mémoire sélective et un passé qu’il revisite, jusqu’aux mensonges accusateurs. Son ignorance se mesure dans l’économie de ses gestes, autant dans les souvenirs de ses scènes d’amour que dans ses dialogues avec les femmes de sa vie.

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Un drame inéluctable

Comme souvent chez cet auteur, le déterminisme social est accentué avec une cruauté hélas bien proche de la réalité. Si les amoureux n’avaient pas été séparés dans leurs tendres années, notamment à cause de leurs différences de statut, le drame à retardement n’aurait certainement pas eu lieu. Simenon ne s’en réjouit pas, mais il le constate avec l’amertume des désenchantés. Ses romans noirs laissent peu d’espoir et Amalric capte cet élément avec justesse. L’utilisation de lieux pour leur emploi factuel (le drame a commencé ici, l’interrogatoire a lieu là) n’est pas sans évoquer la théorie des paysages chère à Koji Wakamatsu et Masao Adachi. Dans Paysage de 17 ans notamment, les motivations psychologiques d’un jeune assassin se révélaient à la suite d’une succession d’images fixes de lieux qu’il traversait au quotidien.

La mise en scène épurée comme des tableaux de nature morte enferme l’ensemble de ses protagonistes dans un cadre carré (un format 1:33 actuellement à la mode, voir The Artist de Michel Hazanavicius, Elephant de Gus Van Sant ou The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson) dans un drame d’autant plus inéluctable qu’il nous est révélé à rebours. La caméra bouge à peine et ces plans fixes fixent les protagonistes dans un récit claustrophobe synonyme de danger permanent. À une tâche de confiture sur un ordinateur répond une goutte de sang sur un autre espace blanc, à une menace sourde, réelle ou supposée dans un échange de courrier réplique une femme haut perchée sur son escabeau, surplombant une table en verre.

La police est déjà là et l’on attend le drame et le suspense, feutré certes, mais qui n’en est pas moins fort. Les portes entrouvertes, les fenêtres à travers lesquelles on épie, grâce auxquelles on se cache ou qui permettent d’espionner en toute discrétion soulignent une absence de liberté et une intimité qui ne peut être qu’aussi petite que la taille de l’écran. La vérité se fera (mais rien n’est certain) au détour d’une phrase dont l’impact ne sera saisi que par le narrateur.

 

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Résumé

La Chambre bleue, qui sort en salles en même temps que sa présentation au Festival de Cannes rejoint Panique de Julien Duvivier, Monsieur Hire de Patrice Leconte ou L’Homme de Londres de Bela Tarr dans le panthéon des meilleures adaptations de l’auteur de Maigret. Une œuvre de maître qui possède cette virtuosité discrète propre aux séries B à l’ancienne, jusqu’au rythme resserré sur 1h10 et cette musique discrète de Grégoire Hetzel, avec une prestation discrète mais bouleversante de Léa Drucker en épouse trompée..

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