Critique : Bébé tigre

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Bébé tigre

France, 2014
Titre original : –
Réalisateur : Cyprien Vial
Scénario : Cyprien Vial
Acteurs : Harmandeep Palminder, Vikram Sharma, Elisabeth Lando
Distribution : Haut et Court
Durée : 1h27
Genre : Drame de réfugiés
Date de sortie : 14 janvier 2015

Note : 3/5

Derrière les chiffres froids et impersonnels de l’immigration se cachent souvent des destins personnels bouleversants. Il appartient alors au cinéma de fiction d’en témoigner, de préférence sans misérabilisme, ni chantage émotionnel. Pari réussi pour cette histoire au fond plutôt banale, qui sait néanmoins convaincre par son optimisme mesuré. La face angélique de l’acteur principal, amplement mise en valeur sur l’affiche de Bébé tigre et dans le film lui-même, y est un leurre astucieux pour nous rendre plus accessible le parcours d’un jeune homme, en plusieurs points emblématique de la forme actuelle de l’immigration pour raisons économiques.

Synopsis : Deux ans après être arrivé en France par voie d’un passeur, Many s’est bien intégré dans sa famille d’accueil et à l’école. Sa famille au Penjab, en Inde, lui manque, mais il rêve déjà de devenir ingénieur dans son pays d’adoption. Afin d’aider financièrement ses parents, qui ont dû s’endetter pour payer son passage, il gagne un peu d’argent grâce à des petits boulots au noir. Quand son éducateur met fin à ces activités illégales, Many fait discrètement appel à Kamal, un entrepreneur en bâtiment et son ancien passeur, dont il devient rapidement le bras droit.

Devenir français

Assez tôt, le premier film de Cyprien Vial maintient un équilibre fragile entre des problématiques propres à chaque adolescent et celles qui touchent de façon plus ciblée les mineurs immigrés, mis sous tutelle par l’Etat français. Après une brève introduction sur l’arrivée de Many, surtout importante par rapport à la mise en abîme finale, l’intrigue suit ce jeune homme, venu de loin pour tenter sa chance en France, dans un quotidien dépourvu de signes particuliers deux ans plus tard. Il est bon élève au sein d’une classe étonnamment disciplinée, il respecte ses parents temporaires ainsi que ceux restés au bled et il essaye de se faire quelques euros comme tant de jeunes de son âge, en contournant la législation en vigueur d’une manière presque cavalière. Or, s’il y a bien une leçon à tirer de ce film, qui ne se pose pourtant jamais en donneur de celles-ci, ce serait qu’il n’existe pas de transgression mineure de la loi, que chaque petite entourloupette en appelle toujours une autre, jusqu’à ce que la responsabilité, voire la culpabilité, devienne trop lourde à porter pour des personnes, qui n’avaient pas pensé à faire du mal initialement.

Devenir un homme

C’est une ambition de plus en plus aveugle qui fait avancer Many et avec lui le récit. Il ne paraît à aucun moment manquer de reconnaissance, quant à la situation plutôt privilégiée dans laquelle il se trouve, alors qu’il était venu au début pour œuvrer misérablement dans la clandestinité. Ses désirs n’ont rien d’immoral, puisqu’il espère arriver à ses fins en travaillant beaucoup et bien, sans avoir recours à des activités criminelles liées par exemple au fléau de la drogue. Et pourtant, le glissement imperceptible vers le point de non-retour s’opère en quelque sorte dès le premier mensonge envers ceux et celles qui sont à la base censés lui faciliter l’intégration selon un cahier de charges bien français. Il y est moins question de fourberie que de la difficulté croissante pour le protagoniste de maintenir son équilibre mental et social, alors que les exigences contradictoires de sa vie risquent de le broyer. Le scénario le fait réagir à ces défis existentiels avec une impétuosité parfois juvénile, ce qui démontre subtilement que l’exploit le plus important à relever par Many serait peut-être tout simplement de devenir adulte. Il y parvient dans la douleur et à travers le sacrifice de son innocence, tous les deux exprimés en des termes cinématographiques à la fois durs et sobres.

Conclusion

Contrairement à l’opinion hélas de plus en plus dominante, qui voit dans les réfugiés une menace pour la culture et la santé matérielle de notre pays, la France a beaucoup à gagner de l’immigration. Car l’immense majorité des hommes, des femmes et des enfants qui viennent frapper à la porte de l’Europe disposent d’une philosophie de vie infiniment plus pragmatique et moins gâtée que la nôtre. La tâche colossale de donner un visage à ce flux migratoire humain de plus en plus prononcé a accompli un petit pas supplémentaire, grâce à ce film qui incite à la réflexion et à l’ouverture d’esprit, sans jamais se targuer d’une quelconque supériorité morale.

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