Critique : Zorba le Grec

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Zorba le Grec

Etats-Unis, Grèce, 1964
Titre original : Zorba the Greek
Réalisateur : Michael Cacoyannis
Scénario : Michael Cacoyannis, d’après le roman de Nikos Kazantzakis
Acteurs : Anthony Quinn, Alan Bates, Irene Papas, Lila Kedrova
Distribution : Solaris Distribution
Durée : 2h22
Genre : Drame
Date de sortie : 25 février 2015 (reprise)

Note : 3,5/5

En ce moment, la Grèce ne quitte plus l’actualité pour toutes les mauvaises raisons. La réputation de Zorba le Grec en tant que grand classique, véhiculée avant tout par la séquence mythique de la danse joyeuse finale, pourrait laisser croire que ce pays avait su se montrer plus accueillant et conciliant il y a un demi-siècle. Or, au lieu d’être une publicité larvée, susceptible d’attirer des touristes à une époque où cette économie-là n’en était qu’à ses balbutiements autour de la Méditerranée, ce film retrace l’histoire plutôt sombre d’un échec. En effet, rien ne se passe comme prévu pendant le voyage d’un écrivain en panne d’inspiration sur la terre de ses ancêtres. Et pourtant, sur un ton doux-amer, le scénariste, producteur et réalisateur Michael Cacoyannis nous conte l’histoire intense d’une amitié entre deux hommes, qui n’auraient pas pu être plus différents, l’un de l’autre.

Synopsis : Faute de succès avec son activité principale, l’écrivain anglais Basil a décidé de s’exiler en Grèce, le pays natal de son père. Il compte y remettre en marche une mine qui appartenait à ce dernier, laissée à l’abandon depuis longtemps. En attendant le départ du bateau pour l’île de Crète, retardé par une tempête, il fait la connaissance de Alexis Zorba, un grand gaillard chaleureux qui lui propose ses services de cuisinier. Puisqu’il ne connaît rien ni à la langue grecque, ni à l’exploitation d’une mine, Basil engage Zorba et part avec lui à l’aventure. Les deux hommes s’installent d’abord chez Madame Hortense, une veuve française qui tient le seul hôtel du village. L’état délabré de la mine oblige Basil d’y investir tout l’argent qui lui reste et Zorba de faire preuve d’imagination pour entamer les travaux de rénovation.

Mort aux femmes

Avant que Zorba – un rôle qui allait rayonner sur toute la dernière partie de la carrière de l’immense Anthony Quinn – ne se lance in extremis dans une danse effrénée sur la plage, beaucoup de choses tortueuses se sont passées. La principale inspiration grecque du film paraît en fait être celle de la tragédie, avec bon nombre de revirements dramatiques à l’issue fatale. Ce sont surtout les personnages féminins qui rencontrent un sort funeste dans cette intrigue aux très vagues accents homoérotiques. Les deux veuves font en quelque sorte les frais d’une civilisation pas tant barbare que tiraillée entre de vieilles questions d’honneur et le besoin plus vital de s’en sortir malgré une pauvreté omniprésente. La sensualité racée de Irene Papas et la fragilité pitoyable de Lila Kedrova dans ces deux rôles essentiels pour l’agencement du récit peuvent ainsi être considérées comme le pendant malheureux de la complémentarité de caractère, qui fonctionne sensiblement mieux chez les hommes.

Vive les hommes

L’interaction entre l’homme de lettres introverti et son serviteur roublard sert en effet de fil conducteur à une histoire, qui ne se préoccupe par contre point des aspects potentiellement folkloriques de leur incursion dans la campagne profonde. Et tant mieux, puisque le côté doucement défaitiste de leur périple se manifeste également à travers leur exclusion plus ou moins marquée. A l’instar de leurs objets de désir respectifs, traités d’une façon soit trop respectueuse, soit trop vulgaire, les deux hommes ne réussiront jamais à se faire accepter pleinement dans cette communauté villageoise au fonctionnement grotesque. Au moins, leur mise à l’écart acceptée plus ou moins volontairement recentre la narration autour de l’amitié mouvementée entre Zorba et Basil. C’est à ce niveau-là que la mise en scène de Michael Cacoyannis se distingue par une finesse sans fard. Elle ne fait nullement abstraction des imperfections de ces hommes prisonniers de leur condition sociale. Mais c’est précisément de ces couacs répétitifs, ainsi que de l’ouverture progressive du protagoniste coincé vers la joie de vivre et l’insouciance de son compagnon de fortune, que naît une très belle histoire d’amitié.

Conclusion

Présenté dans une magnifique restauration numérique par les soins de Hollywood Classics, qui rend à la splendide photo en noir et blanc de Walter Lassally tout son éclat, ce petit chef-d’œuvre nous a clairement touchés plus cette fois-ci qu’à sa première vision, il y a plus de vingt ans. Peut-être est-ce une preuve de son immense sagesse qu’il faut avoir atteint un certain âge, pour pouvoir apprécier pleinement son message subtil sur un pragmatisme optimiste. En tout cas, Zorba le Grec nous rappelle avec vigueur à quel point nous affectionnons en fait les drames poisseux de la première moitié des années 1960, une époque charnière dans l’Histoire du cinéma, sans laquelle la pléthore d’antihéros mythiques de la décennie suivante n’aurait jamais vu le jour.

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