Critique : Looper

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Looper

Etats-Unis : 2012
Titre original : Looper
Réalisateur : Rian Johnson
Scénario : Rian Johnson
Acteurs : Joseph Gordon-Levitt, Bruce Willis, Emily Blunt
Distribution : SND
Durée : 1h58
Genre : science-fiction, drame, action
Date de sortie : 31 octobre 2012

4/5

Un film de science-fiction à « petit budget », réalisé par un homme relativement aussi peu connu que bankable, traitant du sujet casse-gueule qu’est le voyage dans le temps. Voilà le pitch de Looper, film aussi particulier que son histoire, qui n’aura pas fini de vous surprendre.

Dans un futur proche, la Mafia a mis au point un système infaillible pour faire disparaître tous les témoins gênants. Elle expédie ses victimes dans le passé, à notre époque, où des tueurs d’un genre nouveau (les « Loopers ») les éliminent. Un jour, l’un d’entre eux, Joe, découvre que la victime qu’il doit exécuter n’est autre que… lui-même, avec 30 ans de plus. La machine si bien huilée déraille…

Un film à ne pas « looper »…

Il y a en regardant Looper cette agréable impression de n’avoir pas vu un film de science-fiction aussi audacieux et unique depuis bien longtemps. Pourtant, le film bénéficie d’un budget de 30 millions de dollars ce qui est certes beaucoup pour nous, mais qui ne représente presque rien pour Hollywood, surtout comparé à de nombreux blockbusters qui monnaient avant tout leur casting au détriment de la qualité du film.

Malgré les restrictions budgétaires, les amateurs de science-fiction seront ici comblés. Rian Johnson met en scène un futur crédible, sombre, froid, déshumanisé et pauvre. On y retrouve du Blade Runner, de L’armée des 12 singes voire même du Dark Angel. Les références sont là, le plagiat non, même lorsqu’on compare son personnage féminin joué par Emily Blunt à une certaine Sarah Connor…

Le scénario est également ultra original, pas seulement basé sur le voyage dans le temps mais aussi et surtout sur les souvenirs. Le réalisateur a été assez malin (les mauvaises langues diront lâche) pour savoir qu’expliquer un voyage dans le temps c’est se heurter à de nombreuses erreurs scénaristiques probables. Résultat, c’est plutôt le thème du souvenir qui sera au centre de l’histoire, ce qui n’empêchera l’esprit du spectateur d’être perdu avec ces histoires de boucles temporelles.

Mais ce qui fait aussi plaisir dans Looper, ce que l’on tient enfin LE rôle qui prouvera à tous que Joseph Gordon Levitt est un excellent acteur, au cas où certains en douteraient encore. Habitués des seconds rôles, il se voit offrir ici l’occasion d’étaler sa palette de jeux au grand jour, et il ne se fait pas prier. Certes aidé par le maquillage qu’il faut saluer, JGL ressemble étrangement à Bruce Willis. Il est Bruce Willis, dans son attitude et son phrasé. Gageons donc que le doublage en français risque fort de faire perdre cet aspect si particulier du jeu des acteurs…A noter que les seconds rôles ne sont pas en reste, avec la présence (et prestance) d’acteurs comme Paul Dano ou Jeff Daniels

Quant à Bruce Willis, on ne l’avait pas vu dans un si bon rôle dans un si bon film depuis…bien longtemps, en tout cas on ne s’en souvient plus. Rian Johnson lui rend joliment hommage, en jouant sur son personnage connu et aimé de tous tout et en lui apportant une nuance de caractère qui change de l’éternel Bruce sauveur du monde. A la limite du bon et du mauvais, le Bruce Willis de 50 ans est fascinant et troublant. Egoïste ? Amoureux ? Justicier ? Bad guy ? A chacun de se faire un avis sur le personnage.

Car dans Looper, le point de vue change constamment. Passant de JGL à Bruce Willis il y a de quoi dérouter et perdre le fil. En réalité le réalisateur ouvre des portes afin que le spectateur puisse choisir son sens de l’histoire parmi les possibilités qui s’offrent à lui. Johnson propose alors une œuvre unique, celle qui lui tient à coeur, avec le rythme qu’il a voulu, même si celui ci risque de déranger plus d’un.

…malgré quelques loupés.

En effet, en opposant une histoire citadine à une rurale (dans la 2ème partie du film), une histoire de morts à une histoire de vie, le réalisateur se heurte naturellement à un problème de narration. Faire en sorte que les deux histoires soient aussi passionnantes l’une que l’autre est compliqué et c’est bien là le point faible de Looper. Le film s’ouvre sur des séquences de science fiction pures. On accroche (ou non) à l’univers dès le début et l’on retrouve du génie dans cette histoire qui nous rappelle la découverte d’un Matrix. On se dit qu’on tient déjà le film culte de l’année.

Mais lorsque l’histoire se transpose dans un univers rural, on découvre quelques problèmes de scénario, des scènes longuettes et on a la sensation que le réalisateur ne sait plus trop comment faire pour s’en sortir. Dommage, car Emily Blunt y est plutôt convaincante et les séquences à la ferme révèlent les meilleures scènes du film grâce notamment à un acteur tout jeune qui fera parler de lui longtemps.

De plus, c’est lors de cette histoire dans l’histoire qu’on remarque les petits défauts: le fait que le maquillage de JGL ne soit pas toujours parfait, ou bien simplement que l’histoire n’a pas avancé d’un pouce depuis la sortie de la ville. Au point même que le réalisateur/scénariste en néglige certains de ses personnages de la première partie qui avaient du potentiel et une histoire intéressante.

C’est dommage, mais l’on pardonne aisément, tant Johnson parvient toujours à surprendre là où on ne s’y attend pas. Alors, un simple récit dans une ferme américaine peut se transformer en une des histoires les plus folles que l’on ai jamais observé, maîtrisée jusque dans ses moindres silences et ralentis. C’est visuellement prenant et tout le monde en retient sa respiration. Johnson brise le rythme quand il faut, avant de trop ennuyer son spectateur, et nous laisse alors avec nos doutes et nos questions qui donnent immédiatement envie de revoir l’œuvre pour comprendre. C’est ce qu’on appelle un film réussit, tout simplement.

Résumé

En bref: un vrai film de science fiction unique et audacieux, porté par des acteurs excellents. Même si le choix de narration peut plomber le rythme à certains moments, certaines scènes déjà cultes rattrapent le tout et font de Looper l’un des meilleurs films de l’année.

4 Commentaires

  1. Salut,

    Bon je suis assez d’accord avec toi puisque je l’ai aussi bien noté. C’est marrant parce que j’ai vu les mêmes défauts et que de la même manière on pardonne à ce jeune réalisateur ses erreurs tant Looper fait du bien dans le paysage Hollywoodien.

    PS: Faudra dire de ma part (il me connaît) à ton fainéant « boss » qu’il aurait pu aller le voir et en faire une critique.

  2. Assez d’accord avec l’ensemble de tes propos et en particulier sur le potentiel énorme de ce JGL que pour ma part j’avais adoré dans « Mysterious Skin », film d’une violence psychologique quasi insoutenable. Willis est toujours aussi bon (mais là, suis pas très objectif et vivement « Die Hard 5″…). Le seul hic de ce film est de trop vouloir en faire et du fait il s’éloigne tout seul de son propos. La mise en scène part un peu dans tous les sens au lieu de resserrer le dispositif sur l’essentiel (la mémoire, le souvenir) . Enfin, on voit qu’on a là un cinéaste cinéphile. Les références se comptent à la pelle, de « La Mort aux Trousses » à « Terminator », de « Spiderman » au « Tambour » sans parler de la grammaire cinématographique propre au western dans la deuxième partie du film.

  3. Ce fainéant de boss est bien allé le voir et il a tout simplement trouvé que nous, bobos parisiens, en faisions des caisses autour de ce film mauvais « tout juste du niveau d’une série B » pour le citer…
    Je propose une mutinerie. 🙂

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