Critique : Les Nuits d’été

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Les Nuits d’été

France, 2014
Titre original : –
Réalisateur : Mario Fanfani
Scénario : Mario Fanfani, Gaëlle Macé et Philippe Mangeot
Acteurs : Guillaume de Tonquédec, Jeanne Balibar, Nicolas Bouchaud
Distribution : Le Pacte
Durée : 1h45
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 28 janvier 2015

Note : 3/5

Si être homosexuel n’a jamais été facile, en dépit d’une récente poussée de tolérance dans certains pays occidentaux, obtenue au bout de longues années de lutte, être un travesti signifie de faire partie d’une minorité au sein d’une autre minorité, tout en étant la cible de railleries de tous bords. Cette envie de faire siens les attributs extérieurs féminins tout en restant un homme renvoie à une iconographie du mépris et de l’exclusion, dont la figure de proue cinématographique reste hélas jusqu’à ce jour La Cage aux folles. Le premier film de Mario Fanfani a le bon goût de ne pas du tout s’engager sur cette voie d’une discrimination plus ou moins larvée. Il va même plus loin en esquissant délicatement une sorte d’état des lieux et des mœurs dans la France profonde de la fin des années ’50, où la guerre d’Algérie préoccupait l’opinion publique au point de mal la préparer au choc moral de ’68.

Synopsis : En novembre 1959, Michel brigue la présidence de la chambre des notaires. Cet homme des plus respectables, époux aimant et père attentionné, semble prédestiné à ce poste honorifique. Or, Michel cache un terrible secret : Mylène, son double féminin qu’il devient à chaque séjour dans sa résidence secondaire à la campagne, aux côtés de son frère d’armes, le tailleur Jean-Marie. Sa femme Hélène ignore tout de cette double vie que Michel préfère garder ainsi, par peur de perdre le respect de ses collègues et son existence préservée.

Les ancêtres de Zaza Napoli ?

L’image disgracieuse du travelo, mal rasé et à la démarche mal assurée sur ses talons aiguilles, que nous présentent presque exclusivement les films de tout âge, ne nous a jamais fait rire. Même pas dans le cas délicieusement à part du magnifique Victor / Victoria de Blake Edwards. Tant mieux alors que Les Nuits d’été n’y a pratiquement jamais recours. Ce n’est pourtant pas un film morose, bien au contraire. On s’amuse autant avec ses personnages hauts en couleur qu’on éprouve leur profonde blessure dans l’âme, laissée par une existence à l’ombre qui ne peut s’exprimer librement que dans le cadre des endroits clandestins, réservés aux initiés. Le personnage principal ne fréquente même pas ces cabarets festifs, où de jeunes soldats destinés au front se font dépuceler par des hommes aux robes flamboyantes, qui pourraient être leur père. Son jardin secret, il le garde bien pour lui, à l’écart du regard désapprobateur d’une société pudibonde, encore fermement sous l’emprise de la figure paternelle du général De Gaulle. Ses escapades à la campagne n’équivalent nullement aux premiers balbutiements d’un mouvement revendicateur de la cause gaie au sens large. Elles sont davantage pour lui l’occasion rêvée d’assouvir ses désirs enfouis, tout en sauvant la face.

Villa Mimi

Car la narration de Mario Fanfani n’adopte aucune posture militante. Elle excelle plutôt dans une sobriété de ton remarquable, qui n’est jamais dupe des dessous de l’activité inavouée de Michel, mais qui n’y voit pas non plus matière à tragédies. Le récit incorpore dans un mouvement exceptionnellement harmonieux les deux faces du quotidien du protagoniste, sans pencher en faveur de l’une ou de l’autre. Ainsi, le véritable port d’attache de cet homme tiraillé entre Michel et Mylène n’est peut-être pas son refuge, cette Villa Mimi solennellement inaugurée par ses semblables. Il pourrait aussi bien se trouver du côté d’une épouse pas si soumise au rôle purement représentatif que la bourgeoisie de province aimerait lui imposer. Ses rapports avec Hélène confèrent d’ailleurs une épaisseur psychologique et affective au personnage qu’une histoire proche – dans le thème et l’époque – comme Loin du paradis de Todd Haynes avait préféré dissimuler sous une couche non négligeable de revirements mélodramatiques. Rien de tel ici, puisque l’approche du réalisateur se distingue par une neutralité, qui n’est nullement synonyme d’une distance peu engageante. Son penchant pour un certain réalisme des situations et des sentiments rend au contraire cette histoire d’autant plus belle et universelle.

Conclusion

Si ce premier film d’une douceur séduisante n’était que le prétexte pour quelques interprétations à fleur de peau, comme celles de Guillaume de Tonquédec et de Jeanne Balibar, ce serait déjà pas mal. Au-delà d’une prestation globale de l’ensemble des acteurs, elle aussi sans la moindre fausse note, il va cependant jusqu’à accomplir l’impensable : être un pamphlet tonitruant pour le respect et la tolérance sans avoir besoin d’élever la voix ne serait-ce qu’une seule fois !

http://youtu.be/Ce7xmFMhWZU

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