Critique : Les jours heureux

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Les jours heureux afficheLes jours heureux

France : 2012
Titre original : Les jours heureux
Réalisateur : Gilles Perret

Acteurs : Raymond Aubrac, Robert Chambeiron, Daniel Cordier, Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Stéphane Hessel, Léon Landini
Distribution : La Vaka
Durée : 1 h 37
Genre : Documentaire
Date de sortie : 6 novembre 2013

Globale : [rating:4.5][five-star-rating]

Gilles Perret est un réalisateur de documentaires savoyard qui travaille à la fois pour la télévision et pour le cinéma. Sa spécialité : évoquer les problèmes de la planète à partir de ce qui se passe au niveau économique et social dans sa région. Ses films précédents, Ma mondialisation, Walter, retour en résistance et De mémoires d’ouvriers étaient déjà des films universels bien que, pour les tourner, il ne se soit jamais éloigné de son domicile en Haute-Savoie.

SynopsisQuand l’utopie des Résistants devint réalité…

Entre mai 1943 et mars 1944, sur le territoire français encore occupé, seize hommes appartenant à tous les partis politiques, tous les syndicats et tous les mouvements de résistance vont changer durablement le visage de la France. Ils vont rédiger le programme du Conseil National de la Résistance intitulé magnifiquement : « Les jours heureux ».

Ce programme est encore au cœur du système social français puisqu’il a donné naissance à la sécurité sociale, aux retraites par répartition, aux comités d’entreprises, etc.

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La Haute-Savoie comme point de départ

Le plateau des Glières, une combe dans le massif des Bornes en Haute-Savoie, un haut lieu de la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est tout près de chez lui que Gilles Perret commence son film, par une magnifique vue d’hélicoptère. Il y a une bonne raison pour commencer ce film là plutôt qu’ailleurs. En effet, depuis que ce lieu est devenu La Roche de Solutré de Nicolas Sarkozy, un collectif, le CRHA, Citoyens résistants d’hier et d’aujourd’hui, organise chaque année, en réaction contre cette appropriation jugée illégitime, un rassemblement destiné à protester contre le dé-tricotage progressif qui est effectué dans notre pays de toutes les avancées sociales apportées par la mise en œuvre du programme du Conseil National de la Résistance. Ce programme, la façon dont il a été conçu, sa mise en œuvre, ce qu’il en reste aujourd’hui dans les faits et dans les têtes, c’est justement le sujet du film.

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Le programme du CNR

Dans Walter, retour en résistance, sorti en 2009, Gilles Perret avait déjà abordé tous les acquis du Conseil National de la Résistance et la façon dont, petit à petit, ils étaient mis à mal depuis déjà plusieurs années. Avec Les Jours Heureux, alors que la gauche a remplacé la droite pour conduire les affaires de notre pays, Gilles Perret a décidé d’enfoncer le clou en reprenant depuis le début l’histoire du programme issu du Conseil National de la Résistance, un programme appelé très poétiquement Les Jours Heureux. Gilles Perret avait de la chance : près de 60 ans après les faits, nombreux étaient les participants à cette aventure à être encore vivants. Raymond Aubrac, Robet Chambeiron,Daniel Cordier, Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Stéphane Hessel, Léon Landini étaient là pour parler pour parler des disparus et de ces événements historiques palpitants. Il fallait en profiter rapidement : Raymond Aubrac et Stéphane Hessel ont disparu peu après le tournage. Pour commencer, le film s’attarde bien sûr sur Jean Moulin, premier Président du Conseil National de la Résistance, sur les rapports des réseaux de résistance avec la France Libre du Général de Gaulle, sur l’importance qu’il y avait à faire le plus tôt possible et le plus souvent possible de véritables actions de résistance pour avoir droit au chapitre après la Victoire. Le 27 mai 1943, le CNR se réunit pour la première fois, à Paris, 48 rue du Four, une réunion à laquelle Robert Chambeiron, aujourd’hui âgé de 98 ans, a lui-même participé. Il y avait là les représentants de huit mouvements de résistance, de deux syndicats et de six partis politiques. Les buts du CNR : organiser l’action immédiate, élaborer un projet de société. Ce projet de société est adopté moins d’un an plus tard , le 15 mars 1944, sous la forme des Jours heureux, ce fameux programme du Conseil National de la Résistance. Malgré la présence de quelques personnalités de droite dans le CNR, tels Georges Bidault, Joseph Laniel et Jacques Debû-Bridel, ce programme, appliqué dès la fin de la guerre de façon plus ou moins officieuse, a apporté les plus grandes avancées sociales que la France ait connues : la Sécurité Sociale,la retraite par répartition, les Comités d’entreprise, la Semaine de 40 heures, la liberté de la presse, la nationalisation des grandes banques, etc. En résumé, ce programme a donné naissance à ce qu’on a coutume d’appeler l’Etat-Providence. Comme le dit un des protagonistes, à l’époque, nombreux étaient les politiciens de droite à être plus à gauche que beaucoup qui se prétendent de gauche aujourd’hui !

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Brillant et passionnant

Brillamment construit, passionnant d’un bout à l’autre, Les Jours Heureux permettra entre autre d’apprendre aux plus jeunes la différence qu’il y avait entre les maquis et la guérilla urbaine et, surtout, que le Front National existait pendant la 2ème guerre mondiale : c’était une organisation politique de la Résistance, créée par le Parti Communiste. Ironie de l’histoire ! On entend aussi des répliques très savoureuses, comme celle relative aux Mémoires du Général de Gaulle, que les gaullistes devraient lire car elles leur apprendraient beaucoup de choses. Il y a aussi la remarque de Léon Landini, un résistant d’origine italienne qui rappelle qu’il était traité de macaroni avant la guerre et qu’on lui reprochait de manger le pain des français. Par qui ? Souvent par des gens dont il s’est aperçu à la Libération qu’ils étaient devenus collabos et que ces bons français avaient vendu la France à l’occupant. Quant à Stéphane Hessel à qui on fait remarquer son idéalisme, il réplique que le mot idéalisme est un peu faible et qu’il préfère le mot utopisme. Un moment fort du film réside dans l’évocation d’un article de Denis Kessler, ancien vice-président du MEDEF, article paru en octobre 2007 dans la revue Challenges : alors que les politiques ne se vantent jamais de démolir les acquis sociaux, quels qu’ils soient, lui annonce franchement la couleur : « Il s’agit de défaire méthodiquement le programme du Conseil National de la Résistance », écrit-il. Et il rajoute, « le gouvernement s’y emploie ». Lorsque la fin approche, le film présente une série d’interviews d’hommes politiques actuels, Jean-François Copé, Nicolas Dupont-Aignan, Jean-Luc Mélenchon, François Bayrou, François Hollande, … A ce moment, ce film, dans lequel les vieux papys résistants prouvent sans arrêt que l’optimisme dont ils avaient fait preuve pendant la guerre n’était pas mort, change de ton, certaines interventions plongeant le spectateur dans un profond désarroi : tout ça pour ça ! Heureusement, les interviews d’un certain nombre de jeunes venus au rassemblement annuel du CRHA sur le plateau des Glières contrebalance un peu cette impression pessimiste.

Résumé

A la sortie de Les Jours Heureux, une pensée vient à l’esprit : que se passerait-il si tous les français avaient la chance de voir ce film ? Probablement pas mal de bouleversements dans la vie politique de notre pays. Ce documentaire a été diffusé en mai dernier sur France 3 Rhône Alpes Auvergne dans sa version courte de 52 minutes. On ne peut que souhaiter qu’il soit diffusé sur une chaîne nationale le plus rapidement possible, dans sa version cinéma de 1 h 37 minutes.

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