Critique : La Règle du jeu

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Photo du film La Règle du jeu de Jean Renoir

La Règle du jeu

L'affiche du film La Règle du jeu de Jean RenoirFrance : 1939
Titre original : La Règle du jeu
Réalisation : Jean Renoir
Scénario : Jean Renoir
Acteurs : Marcel Dalio, Nora Gregor, Roland Toutain
Distribution : Gaumont
Durée : 1h52
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 8 juillet 1939

5/5

La règle du jeu, un des plus grands classiques du cinéma français (« le film des films » selon François Truffaut) a bien sur été abondamment et intelligemment commenté au fil des ans.

Ayons simplement en mémoire que chaque plan, chaque enchaînement ont été réellement pensés, composés, voulus par Renoir. N’oublions pas non plus, sans refaire l’histoire, qu’en 1939, à la veille de la guerre, la peinture de la société de l’époque n’est pas une simple coïncidence.

Le riche marquis de La Chesnaye organise une partie de chasse sur ses terres en Sologne. Il convie ses amis fortunés dans son château de la Colinière. André Jurieux, l’aviateur accueilli en héros qui vient de traverser l’Atlantique en solitaire pour l’amour de la naïve Christine, la marquise de La Chesnaye, est terriblement déçu de l’absence de cette dernière à l’aérodrome, et tente par la suite de mettre fin à ses jours. Son ami Octave, également familier du marquis, fait alors inviter Jurieux au château, scellant ainsi malheureusement son destin.

Photo du film La Règle du jeu de Jean Renoir

Avec cette histoire de chassés croisés amoureux chez les représentants de la grande bourgeoisie et parallèlement chez leurs domestiques, Jean Renoir dépeint effectivement une société figée, une société de caste qui, ainsi qu’il l’a dit lui-même, « danse sur un volcan », une société qui respecte tant « la règle du jeu » que rien ne semble pouvoir l’atteindre. La scène finale où, après le drame ayant coûté la vie à André Jurieux , le marquis invite ses amis à rejoindre le château en ne déplorant qu’un malheureux mais simple accident de chasse, est la clôture d’une pièce, où, si chacun a pu jouer, le rideau retombe en excluant ceux qui n’appartiennent pas à cette société. C’est aussi « l’amour léger » de Marivaux cité par Jean Renoir au générique de début du film.

C’est enfin une partie de cartes, une histoire de rois, de reines et de valets où les femmes mènent un bal dont les règles leur échappent finalement.

Ces femmes ce sont Christine, Lisette, Geneviève, Jackie :

Christine (Nora Gregor), frivole peut-être mais surtout perdue en France, perdue dans cette société (elle est autrichienne et d’une famille d’artiste), perdue en tout cas entre un mari, Robert de la Chesnaye (Marcel Dalio), avec qui les relations ne sont plus que mondaines mais dont elle ne supporte pas de découvrir l’infidélité et le mensonge qui a accompagné son mariage, un amant de cœur, André Jurieux (Roland Toutain), l’aviateur, le héros qui lui fait croire qu’autre chose est possible, un soupirant sans attrait, Saint Aubin qu’elle entraîne quand Geneviève enlace son mari au vu de tous et enfin Octave (Jean Renoir), son ami de toujours, son quasi-frère qu’elle croit aimer d’amour quand son monde s’écroule à l’issue d’une nuit qui la laisse désemparée, comme exsangue.

Lisette (Paulette Dubost), femme de chambre de Christine à Paris, mariée au garde- chasse du marquis, Schumacher (Gaston Modot), qui lui vit à la Colinière en Sologne. Lisette qui prend prétexte « du service de Madame » pour rester loin de son ombrageux et jaloux époux, et continuer à faire tourner les têtes des hommes. Lisette qui se laisse coquettement courtiser par Octave, Lisette qui sera indirectement la cause du drame de par ses aguicheries avec Marceau, (Julien Carette) l’ancien braconnier devenu domestique.

Geneviève de Marras (Mila Parély), la mondaine, la maîtresse du marquis qui tient à son amant, par amour ou par habitude elle ne sait, et ne le verrai partir sans drame que si une solution de rechange se présentait à elle en la personne de Jean.

Jackie enfin (Anne Mayen), trop jeune pour être complètement dans le jeu mais qui observe et pèse ses chances de récupérer Jean.

Image du film La Règle du jeu de Jean Renoir

On ne peut pas ne pas évoquer l’interprétation tant le jeu des acteurs reste aujourd’hui encore extraordinairement actuel contrairement à beaucoup de films d’alors. Il faut absolument et tout particulièrement souligner celui de Nora Grégor qui avec son beau regard noyé dans une incommensurable tristesse et son délicat accent est une Christine des plus sincères. Paulette Dubost, qui nous a quitté cette année à plus de 100 ans et 80 ans de carrière, et qui ici est la plus piquante des soubrettes. Mila Parely qui possède l’aristocratique beauté du rôle. Celui de Marcel Dalio, aristocrate un peu faible mais qui sauve la face à chaque fois. Gaston Modot, raide dans sa jalousie, pas forcément injustifiée, et son amour maladroit. Julien Carette, fidèle à la gouaille qui anima tous ses personnages. Odette Talazac qui a tourné avec L’Herbier, Cocteau, Clair, Clouzot, Allégret, Litvak et dont la silhouette imposante lui permet de camper une Charlotte lançant d’un air compréhensif une phrase clef et définitive de la vision des rapports sociaux de tout ce petit groupe « il faut qu’ils (les domestiques) s’amusent aussi ».

Résumé

La règle du jeu, c’est un film que l’on voit, revoit sans jamais sans lasser. C’est un vrai film culte qui imprègne tous les cinéphiles mais qui est visible par tous, quelque soit le niveau de lecture que l’on en fasse. Film culte certes mais pas film figé, « musée ». Ses plus de 70 ans laisse espérer qu’une sortie en numérique lui rende aujourd’hui un bel et mérité hommage.

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