Critique : La Belle endormie

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imagesLa Belle endormie

Italie, France : 2012
Titre original : La Bella Addormentata
Réalisateur : Marco Bellochio
Scénario : Marco Bellochio, Stefano Rulli
Acteurs : Toni Servillo, Isabelle Huppert, Alba Rohrwacher
Distribution : Bellissima Films
Durée : 1 h 50
Genre : Drame
Date de sortie : 10 avril 2013

3,5/5

En à peine plus de 6 mois, l’euthanasie aura fait l’objet de 3 films importants : après Quelques heures de printemps et Amour, voici, avec La belle endormie, la contribution apportée au sujet par le cinéma italien, par l’intermédiaire de Marco Bellocchio. Bien entendu, Brizé, Haneke et Bellochio n’ont pas choisi la même voie pour aborder ce thème ô combien difficile. Alors que Brizé et Haneke ont touts les deux concentré leur film sur la relation entre 2 personnages, mère et fils pour l’un, mari et femme pour l’autre, Bellochio a choisi d’évoquer un cas véridique dans lequel presque toute l’Italie s’est impliquée, d’un côté ou de l’autre, et de broder autour 3 histoires fictionnelles lui permettant de montrer différentes facettes du cas de conscience posé à celles et ceux qui l’entourent par la volonté de mourir d’un individu.

Synopsis :

Le 23 novembre 2008, l’Italie se déchire autour du sort d’Eluana Englaro, une jeune femme plongée dans le coma depuis 17 ans. La justice italienne vient d’autoriser Beppino Englaro, son père, à interrompre l’alimentation artificielle maintenant sa fille en vie. Dans ce tourbillon politique et médiatique les sensibilités s’enflamment, les croyances et les idéologies s’affrontent. Maria, une militante du Mouvement pour la Vie, manifeste devant la clinique dans laquelle est hospitalisée Eluana, alors qu’à Rome, son père sénateur hésite à voter le projet de loi s’opposant à cette décision de justice. Ailleurs, une célèbre actrice croit inlassablement au réveil de sa fille, plongée elle aussi depuis des années dans un coma irréversible. Enfin, Rossa veut mettre fin à ses jours mais un jeune médecin plein d’espoir va s’y opposer de toutes ses forces.

IMG_3525©Francesca_FagoAutour d’une histoire vraie

Le 19 janvier 1992, Eluana Englaro, une jeune fille de 21 ans, fut victime d’un accident de voiture la plongeant dans un coma irréversible. Arguant du fait que sa fille avait exprimé dans le passé le désir qu’on la laisse mourir si un tel événement survenait, son père, Beppe, commença, à partir de 1999, à entreprendre des démarches pour que le système d’alimentation artificielle d’Eluana soit débranché. Une bataille qui dura 10 ans, bataille qui mobilisa le monde politique, l’église catholique, la justice italienne et qui divisa l’opinion publique italienne. Bataille qui trouva son épilogue le 9 février 2009 dans une clinique d’Udine. C’est autour de cette histoire bien réelle et des manifestations qui se multiplièrent fin 2008 et début 2009, que Marco Bellochio a bâti La belle endormie, en introduisant trois histoires de fiction se déroulant pendant cette même période et décrivant chacune les doutes ou les certitudes affichés par des personnages face au cas de conscience majeur que pose la volonté de mourir d’un proche ou d’un patient.

IMG_0428©Francesca_FagoTrois histoires fictionnelles

Uliano Beffardi est un sénateur élu sur la liste Berlusconi : lorsque le gouvernement Berlusconi élabore en urgence un projet de loi sur les fins de vie destiné à contrer la décision du tribunal administratif de Milan autorisant l’arrêt des soins et le soumet à un vote au Sénat, cet homme est rattrapé par son passé. En effet, la fin de vie de son épouse lui a fait rencontrer ce cas de conscience et il avait alors renoncé à l’acharnement thérapeutique. Dans ce contexte, il hésite à suivre les directives de son parti, visant à empêcher Beppe Englaro de respecter le vœu de sa fille Eluana. Quant à sa fille Maria, elle ignore ce qui s’est vraiment passé lors du décès de sa mère, elle qui est une militante fervente du Mouvement pour la Vie et qui passe son temps à manifester devant la clinique d’Udine dans laquelle Eluana est hospitalisée. Celle qu’on appelle la Divina Madre est une actrice célèbre qui a sacrifié sa carrière pour se consacrer exclusivement à sa fille, plongée dans un coma irréversible et qu’elle entend conserver en vie le plus longtemps possible, persuadée qu’un jour, sa fille se réveillera. Enfermée dans son malheur, elle a pratiquement coupé les liens avec son mari et Federico, son fils. Rossa est une jeune femme enfoncée dans la drogue et aux tendances suicidaires. Pallido est un jeune médecin prêt à tout pour la sauver. Avant tout, la sauver contre elle-même « Vous êtes libre de vous tuer », lui dit-il « et je suis libre de vous en empêcher » continue-t-il.

_DSC0264©Francesca_Fago

Une construction réussie, un très beau casting

Pendant 110 minutes, Bellochio passe d’une histoire à l’autre tout en montrant les manifestations se déroulant devant la clinique « La Quiete » d’Udine. Sa force est d’arriver à lier ces événements sans qu’à aucun moment cela apparaisse artificiel. Même si, en tant qu’athée, il a une opinion sur le sujet, il le traite sans aucun manichéisme, avec une grande honnêteté. En fait, il utilise avec bonheur les différentes histoires pour aborder ce sujet sous tous ses angles, montrant ainsi que, selon son passé, selon ses convictions religieuses, selon son éthique professionnelle, des réponses différentes peuvent être apportées en toute sincérité à ces choix si délicats. Pour la mise en image, Bellochio a fait appel, comme pour Vincere, à Daniele Cipri qui, s’il n’a pas convaincu en tant que réalisateur dans Mon père va me tuer, fait partie des grands de la photographie cinématographique. Quant au casting, il réunit plusieurs grands noms du cinéma européen : Toni Servillo qui joue le rôle du sénateur Uliano Beffardi, Alba Rohrwacher qui joue sa fille Maria, Isabelle Huppert qui joue la Divina Madre, Tognazzi, Gianmarco en l’occurrence, le fils d’Ugo, qui joue le mari de la Divina Madre, Placido, Brenno, le fils de Michele, qui joue Federico, le fils de la Divina Madre et … Bellochio, Pier Giorgio, le fils de Marco, qui joue le docteur Pallido. Finalement, le défaut majeur du film réside dans la musique de Carlo Crivelli, déjà présent sur Vincere, musique qui s’avère souvent beaucoup trop tonitruante.

Résumé

Quelques mois après les excellents Reality et Piazza Fontana, La belle endormie vient prouver, s’il en était besoin, que le cinéma italien n’est pas aussi moribond que d’aucuns voudraient le faire croire. A 73 ans, 47 ans après Les poings dans les poches et plus deux douzaines de longs métrages au compteur, Marco Bellochio a toujours des choses à partager avec son public. Sur ce sujet important, il fait preuve d’une grande honnêteté qui donne d’autant plus de poids à son propos.

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