Critique : Le Fils de Joseph

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Le Fils de Joseph

le fils de joseph afficheFrance, Belgique : 2016
Titre original : –
Réalisatrice : Eugène Green
Scénario : Eugène Green
Acteurs :  Victor Ezenfis, Natacha Régnier, Fabrizio Rongione, Mathieu Amalric
Distribution : Les Films du Losange
Durée : 1h55
Genre : Drame
Date de sortie : 20 avril 2016


Note : 4/5

Né à New-York en 1947, Eugène Green est venu s’établir en France à la fin des années 60, les Etats-Unis, son pays d’origine, étant pour lui le pays de la « Barbarie » (On notera quand même que les pommes très US qu’on peut voir sur certains ordinateurs sont particulièrement bien mises en valeur dans son dernier film, Le Fils de Joseph !). Après s’être consacré au théâtre pendant plus de 20 ans, il s’est tourné vers le cinéma à 54 ans. Le Fils de Joseph, présenté il y a 2 mois dans le cadre du Forum de la Berlinale 2016, est son 6ème long métrage. On y retrouve tout ce qui fait la particularité de son cinéma : son amour de la langue française, le jeu antinaturaliste qu’il impose à ses comédiens, le fait de leur faire prononcer toutes les liaisons possibles et (in)imaginables, son amour de l’art en général et plus particulièrement de ce qui ressort de la période baroque, son sens de l’humour très particulier et très efficace. La première vision d’un film d’Eugène Green ne peut que surprendre le spectateur. Beaucoup se laissent gagner par ce côté décalé et en redemandent.

 

Synopsis : Vincent, un adolescent, a été élevé avec amour par sa mère, Marie, mais elle a toujours refusé de lui révéler le nom de son père. Vincent découvre qu’il s’agit d’un éditeur parisien égoïste et cynique, Oscar Pormenor. Le jeune homme met au point un projet violent de vengeance, mais sa rencontre avec Joseph, un homme un peu marginal, va changer sa vie, ainsi que celle de sa mère.

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La recherche d’un père

C’est dans la rue de Montmorency, dans le troisième arrondissement de Paris, qu’habite Vincent, un adolescent d’une quinzaine d’années, que sa mère Marie, une infirmière, a élevé seule. Depuis des années, Vincent harcèle sa mère afin qu’elle lui dise enfin qui est son père, ce à quoi elle oppose un refus obstiné. Est-ce cette absence de réponse qui explique le rejet des autres affiché par Vincent ? « Je n’aime personne et personne ne m’aime », confie-t-il un jour à sa mère. Jusqu’au jour où une lettre puisée dans les affaires de sa mère va le mettre sur la piste de son géniteur : Oscar Pormenor, un éditeur réputé, un homme égoïste, imbus de lui-même et dont le comportement s’avère presque toujours particulièrement désagréable. Pour Vincent, pas question d’accepter un tel père. Plutôt le punir, au contraire. Par contre, sa rencontre avec Joseph, le frère d’Oscar, lui permet de constater que tous les hommes ne sont pas bâtis sur le même moule et que certains, qui ne sont pas pères, mériteraient de l’être.

 

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Eugène Green, fidèle à lui-même

La colonne vertébrale de Le Fils de Joseph, c’est le ressenti des enfants qui ont été élevés par leur seule mère, des enfants qui, pour quelque raison que ce soit, ne connaissent pas leur père. Pour traiter ce sujet, Eugène Green est allé l’immerger dans un contexte biblique, allant même jusqu’à découper l’histoire en 5 chapitres intitulés « Le sacrifice d’Abraham », « Le veau d’or », « Le sacrifice d’Isaac », « Le charpentier » et « La fuite en Egypte ». Chacun est libre de voir dans ce choix la volonté du réalisateur de s’inscrire dans une démarche totalement religieuse ou de refuser de le faire. Par contre, il est certain que ce choix permet au réalisateur d’utiliser, dans le cadre de ce sujet contemporain, ce qu’il connaît le mieux, ce qu’il apprécie le plus, l’art de la fin de la renaissance et celui de la période baroque : le tableau du Caravage intitulé « Le sacrifice d’Isaac », des tableaux de Georges de La Tour et de Philippe de Champaigne, les musiques d’Adam  Michna z Otradovic, d’Emilio de Cavalieri et de Domenico Mazzocchi. Des musiques pour lesquelles, comme d’habitude, Eugène Green refuse de se comporter en « barbare » : elles n’accompagnent pas des scènes, fût-ce pour le meilleur, elles ne sont présentes que sur le générique de début du film, sur celui de fin du film et en répétition d’un concert dans une église. Beaucoup plus actuelles sont les moqueries très drôles sur le monde des bobos et sur le milieu germanopratin : de jeunes adultes qui se télescopent sur les trottoirs, concentrés qu’ils sont dans la lecture de leurs textos ; un jeune père de famille, casque d’écoute musicale sur les oreilles, qui porte, en même temps que son enfant un sac de provisions sur lequel est marqué « au bobo bio » ; un Prix Littéraire portant l’appellation « Prix Conlong » ; Violette, une critique littéraire, tout à fait à côté de la plaque. Quant à la représentation que fait Eugène Green d’un acte charnel, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle ne manque pas de ressorts !

 

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Les exigences d’Eugène Green

Dans la distribution de Le Fils de Joseph, on retrouve des artistes ayant déjà travaillé avec Eugène Green : Natacha Régnier qui joue Marie, Fabrizio Rongione qui joue Joseph, Mathieu Amalric qui joue Oscar, Maria de Medeiros qui joue Violette Tréfouille, la critique littéraire. Seul « petit » nouveau parmi les rôles principaux : Victor Ezenfis dans le rôle de Vincent. Sans problème apparent, tous interprètent leur rôle en suivant à la lettre ce qu’exige le réalisateur. Un réalisateur qui a beaucoup travaillé sur la déclamation et la gestuelle dans  l’exécution des œuvres de Corneille et de Racine, qui considère qu’au théâtre et au cinéma, on n’est pas dans la vraie vie et qui souhaite que ses comédiens ne donnent pas l’impression de jouer. D’où l’exigence d’un jeu à côté duquel celui des comédiens d’Eric Rohmer fait preuve d’un naturalisme forcené ! Quant au respect des liaisons, c’est vraiment la marotte d’Eugène Green. Elles ont pour beaucoup disparu du langage contemporain, mais chez Green, on les entend toutes et de façon très ostentatoire : des plus évidentes (Je vais zaller …) aux plus improbables (Demain Nalors, A bientôt Talors).


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Conclusion

Tout spectateur qui a déjà été conquis par la facture très particulière des films d’Eugène Green trouvera forcément son compte dans Le Fils de Joseph. Pour celles et ceux qui n’ont vu aucun de ses films, Le Fils de Joseph est probablement le plus facile d’accès parmi ses six réalisations : n’est-ce pas un excellent motif pour aller voir ce film ? Quant à celles et ceux qui ont déjà fait une ou plusieurs tentatives et qui n’ont pas encore accroché, on ajoutera que Le Fils de Joseph est très souvent fort drôle, ce qui ne gâte rien.

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