Wadjda

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Wadjda_afficheWadjda

Arabie Saoudite : 2012
Titre original : Wadjda
Réalisateur : Haifaa Al Mansour
Scénario : Haifaa Al Mansour
Acteurs : Waad Mohammed, Reem Abdullah, Abdullrahman Al Gohani
Distribution : Pretty Pictures
Durée : 1 h 37
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 6 février 2013

Globale : [rating:4][five-star-rating]

Lorsque leurs films ont commencé à apparaître sur nos écrans, les cinéastes iraniens de la période postérieure à la révolution de 1979 nous ont habitués à utiliser des histoires tournant autour des enfants pour nous faire part des problèmes sociologiques de leur pays, moyen indirect d’aborder le monde des adultes dans un environnement peu propice à la critique frontale. C’est donc sans surprise que l’on constate que le premier film de cinéma réalisé en Arabie Saoudite tourne autour de l’histoire d’une fillette de 12 ans, une jeune adolescente pleine de vie et au caractère rebelle.Un film chaleureusement accueilli au Festival de Venise 2012.

Synopsis :

Wadjda, douze ans, habite dans une banlieue de Riyad, capitale de l’Arabie Saoudite. Bien qu’elle grandisse dans un milieu conservateur, c’est une fille pleine de vie qui porte jeans et baskets, écoute du rock et ne rêve que d’une chose : s’acheter le beau vélo vert qui lui permettra de faire la course avec son ami Abdallah. Mais au royaume wahhabite, les bicyclettes sont réservées aux hommes car elles constituent une menace pour la vertu des jeunes filles.

Wadjda se voit donc refuser par sa mère la somme nécessaire à cet achat. Déterminée à trouver l’argent par ses propres moyens, Wadjda décide alors de participer au concours de récitation coranique organisé par son école, avec pour la gagnante, la somme tant désirée.

 

Prête à tout pour un vélo

Pour nous montrer la condition féminine dans son pays, l’Arabie Saoudite, la réalisatrice Haifaa Al Mansour a choisi de nous raconter l’histoire de Wadjda, une fillette entrant dans l’adolescente. Parler de Wadjda permet en effet de montrer les conditions de vie de sa mère, comment elle se situe face à son mari, ce qu’elle pense et comment elle évolue lorsque son mari décide de transformer l’horizon de la famille. Parler de Wadjda permet de montrer le degré d’endoctrinement d’une directrice d’école. Parler de Wadjda elle-même, enfin, c’est déjà, malgré son jeune âge, parler de la condition féminine : en effet, en Arabie Saoudite, c’est un âge où les autorités (entendez par là les autorités religieuses) commencent à considérer que les filles n’ont plus droit aux « libertés » laissées aux petites filles et qu’elles doivent commencer à se plier aux règles strictes liées au statut de femme. Dans ces conditions, que Wadjda puisse rêver de la possession d’un vélo afin de faire la course avec son meilleur copain, cela est totalement inimaginable, que ce soit pour ses parents ou pour la directrice de son école. Seulement voilà : Wadjda a non seulement un caractère plutôt rebelle, mais en plus, elle est du genre têtu. Elle qui connaît très mal le Coran va se mettre à l’étudier très sérieusement le jour où elle apprend que son école organise une compétition comprenant deux volets : la connaissance de ce livre sacré et la psalmodie de certains de ses versets. Un seul but pour elle : triompher dans cette compétition, la somme allouée à la gagnante permettant l’achat du vélo de ses rêves.

wadjda vélo

Une réalisatrice courageuse

On ne peut qu’être admiratif devant la ténacité et le courage dont a fait preuve Haifaa Al Mansour pour monter et pour réaliser son film. Une simple question : comment trouver des comédiens de qualité dans un pays qui n’a pas d’industrie cinématographique et qui ignore la notion de casting ? Il faut croire que la chance était avec Haifaa lorsque la jeune Waad Mohammed s’est présentéeà une audition organisée à Riyad : elle est parfaite dans le rôle de Wadjda. Quant à la mère, elle est jouée par Reem Abdullah, l’actrice de télévision la plus connue en Arabie Saoudite. En fait, c’est au moment du tournage que les difficultés furent les plus importantes pour Haifaa : il lui fallait parfois aller se cacher dans le véhicule de la production lorsque le tournage se déroulait dans des lieux où la présence d’une femme réalisatrice, se mélangeant professionnellement avec des hommes, aurait pu être le prétexte à des manifestations hostiles. Haifaa a même parfois essayé de diriger en utilisant un talkie-walkie depuis le véhicule mais la frustration était telle qu’elle abandonnait très vite cet artifice.

wadjda avec son ami

Comment réagiraient les saoudiens s’ils pouvaient voir le film ?

Pour nous européen, Wadjda présente une vision choquante, repoussante de la société saoudienne, du statut des femmes et de la religion qui régente la vie des habitants de cette région du monde. On en arrive à se demander comment un tel film peut être produit dans un tel pays. Et puis, on s’interroge, on réfléchit : pour le saoudien moyen, ce film est-il vraiment perçu comme une critique féroce de la société dans laquelle il vit ? Dans l’école où Wadjda étudie, on demande aux filles de ne pas parler trop fort pour ne pas être entendues des hommes : choquant pour nous mais sans doute tout a fait normal et anodin pour les saoudiens. Après tout, ne vient-on pas d’apprendre que, dans ce charmant pays, les gérants de magasins devront désormais ériger une cloison d’au moins 1,60 mètre pour limiter limiter les échanges entre les hommes et les femmes ! Une institutrice explique qu’une jeune fille ne doit pas toucher le Coran lorsqu’elle a ses règles et qu’il faut toujours penser à refermer le Coran après usage car, sinon, le diable va cracher dessus : des superstitions grotesques pour le public européen mais préceptes sans doute considérés comme allant de soi en Arabie Saoudite. Par contre, doivent choquer en Arabie Saoudite le fait pour une fille de vouloir à tout prix enfourcher un vélo, envie pour nous tout à fait normale, ainsi que l’évolution de sa mère, par nous souhaitée et finalement constatée. Il est toutefois bon de savoir qu’on ne risque pas d’avoir de sitôt une réponse aux interrogations qu’on peut avoir concernant la perception de ce film par les saoudiens : ce film ne peut pas être distribué dans les salles de cinéma de l’Arabie Saoudite, il n’y en a aucune !

Wadjda à l'école

Résumé

Vue la situation de la femme dans ce pays, on se réjouit que le premier film de cinéma réalisé en Arabie Saoudite l’ait été par une femme. Dans son utilisation des enfants pour nous immerger dans les problèmes de la société iranienne, le cinéma de ce pays nous avait donné au moins 2 chefs d’œuvre, Bashu, le petit étranger et Delbaran. Avec Wadjda, parler de chef d’œuvre serait un peu exagéré. On peut par contre prétendre que c’est un film important, qui se voit sans aucun ennui, bien au contraire et qui nous apprend beaucoup de choses sur un pays qu’on connaît peu. Cerise sur le gâteau, il nous fait aussi découvrir une merveilleuse petite actrice en la personne de Waad Mohammed.

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