Vu sur OCS : Le Temps des loups

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© 1970 Jean Kerby / Lira Films / Paris-Cannes Productions / Studiocanal Tous droits réservés

Bon, d’accord, on le reconnaît, notre décision de nous affranchir de l’obligation de voir in extremis les films qui disparaîtront bientôt de l’offre légale en ligne n’a pas fait long feu. Finalement, il nous semble difficile de résister à la tentation de rattraper au moins quelques unes de ces nombreuses œuvres cinématographiques qui sont effacées chaque jour de la plateforme de vidéo par abonnement OCS. Comme par exemple Le Temps des loups, un mélange plutôt savant entre policier et film de gangster, qui lorgne du côté du cinéma d’exploitation tout en cultivant une nonchalance pas sans charme. Après, son réalisateur Sergio Gobbi n’a pas la carrure artistique du plus célèbre des Sergios de l’Histoire du cinéma, Sergio Leone. Mais on peut lui reconnaître une certaine efficacité dans l’exécution d’une intrigue somme toute conventionnelle, qui le rapprocherait alors du Sergio de la série B italienne, Sergio Corbucci. Les fioritures formelles sont en effet assez rares au cours d’un récit, qui préfère agencer l’enchaînement organique de scènes d’action, inhérentes au genre, ainsi que de confrontations verbales aux menaces surabondantes.

Ce n’est pas vraiment une rencontre au sommet entre deux monstres sacrés, comme a pu l’être un quart de siècle plus tard Heat de Michael Mann. Mais on était en droit d’attendre beaucoup moins de la part d’acteurs au parcours aussi peu consistant que Robert Hossein et Charles Aznavour. Pour le premier, il y oscille certes toujours entre la grandiloquence et la mélancolie, quoique dans les limites d’un rôle qui nécessite justement cette façade épaisse du faire-semblant un peu bancal. Son personnage est en quelque sorte l’imposteur-né, un véritable cerveau du crime, pourtant plus empressé de rendre hommage à son idole américaine Dillinger qu’à se faire son propre nom. Ses traits de caractère ont parfois tendance à devenir approximatifs, surtout quand ils sont mis à l’épreuve d’un attendrissement qui ne sied pas forcément à cet individu irascible. Et que dire de ses flashs mentaux qui ont d’abord l’air d’être des souvenirs traumatisants, avant le dénouement qui leur attribue une qualité prémonitoire beaucoup plus discutable ?

© 1970 Jean Kerby / Lira Films / Paris-Cannes Productions / Studiocanal Tous droits réservés

Interprété par Aznavour avec son professionnalisme désormais bien connu, le commissaire Kramer n’a pas besoin de s’encombrer avec pareil bagage psychologique. C’est une bête de travail aux habitudes et aux fréquentations prévisibles, à tel point qu’il doit paraître bien fade en face de son ami d’enfance, qu’il se fait un devoir quasiment sacré de mettre derrière les barreaux. Or, la réussite de l’un se nourrit de l’échec de l’autre et vice-versa, dans un mouvement permanent de défis en guise de communication nostalgique, qui fournit une colonne vertébrale dramatique pas sans mérite au récit. Celui-ci est également émaillé de personnages secondaires solides, dont Virna Lisi dans le rôle d’une femme fatale qui n’a pas encore entièrement fait le deuil de tout scrupule ou bien Marcel Bozzuffi en complice aux aspirations littéraires peu adaptées à son style de vie sans garanties pour le lendemain.

Le Temps des loups est un film de genre de bout en bout, soit. Mais il s’agit en même temps d’un exercice de style rondement mené, jouissif et trivial à souhait, parce que parfaitement conscient de ses limitations. Quand on n’y meurt pas d’une manière atrocement théâtrale, on y vit plus sobrement à cent à l’heure, animé par une soif d’argent, de renommée ou de justice qui ne sera assouvie à aucun moment. Et c’est précisément pour cette raison-là que le film fonctionne si admirablement dans son ensemble : grâce à sa course folle vers un divertissement certainement pas plus sophistiqué qu’un roman de gare, puisque aussi peu friand en termes de vérités universelles.

© 1970 Jean Kerby / Lira Films / Paris-Cannes Productions / Studiocanal Tous droits réservés

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