Vu sur OCS : Battement de cœur

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© 1939 Raymond Voinquel / Ciné-Alliance / Discina / Gaumont Tous droits réservés

Il y a quelque chose de formidablement irrévérencieux dans la première partie de Battement de cœur, ce petit classique du cinéma français de l’immédiat avant-guerre, qui restera encore disponible dans une belle copie restaurée sur le replay d’OCS pour les trois semaines à venir. Derrière la façade respectueuse d’une école professionnelle, le vieux roublard Aristide y donne des cours aux futurs pickpockets de la capitale. Un rôle à la mesure du jeu très expressif de Saturnin Fabre et surtout une façon enjouée de tourner en dérision ce que l’on appelle à tort de nos jours la « petite » criminalité. Comme ce fut le cas dans les meilleurs contes sociaux du cinéma français des années 1930, la classe populaire évolue ici dans un microcosme hermétiquement fermé à tous ceux qui n’auraient pas l’instinct de la pègre. Afin de développer ce dernier, mieux vaut ne pas échouer misérablement à l’examen d’entrée autour du billet de cinquante francs par lequel le professeur redouté fait passer toutes les nouvelles recrues, de pauvres créatures sans papiers, ni d’autre ambition dans la vie que de maîtriser l’art du vol à la tire.

Notre premier point de repère dans cet univers aux codes stricts et au vocabulaire argotique au contraire bien fleuri est Yves, un personnage secondaire interprété par Julien Carette, le roi incontesté de ces rôles de petits laissés-pour-compte débrouillards, qui confèrent un coloris humain inestimable à des intrigues dépourvues sinon de quelque authenticité sociale que ce soit. Son statut de référence ne dure bien sûr que quelques brèves minutes, jusqu’à l’arrivée d’une toute jeune Danielle Darrieux, en apparence aussi habile en matière de duperie que ses futurs camarades de classe. Sauf que tout l’enjeu du film de Henri Decoin – curieusement annoncé comme Henry Decoin au générique – consiste à prouver l’exemplarité morale et romantique de cette mineure sans attache, en quête d’un mari plus que d’un métier du mauvais côté de la légalité.

© 1939 Raymond Voinquel / Ciné-Alliance / Discina / Gaumont Tous droits réservés

Par un drôle de concours de circonstances, sur lequel plane pendant assez longtemps un suspense adroitement orchestré, cette première de la classe, qui n’a pourtant pas l’âme d’une voleuse, se trouve propulsée dans le cercle exclusif de la haute diplomatie française. La rigidité des conventions y est encore plus marquée qu’en bas de l’échelle sociale. Ainsi, la charmante Arlette n’y fait illusion en tant que nièce inventée de toutes pièces d’un attaché de l’ambassade que le temps d’une nuit enchantée de premier bal et de premier baiser dignes de Cendrillon. L’éveil est d’autant plus brutal qu’elle perd le peu d’acquis sociaux qu’elle avait jusque là, y compris les sollicitations romantiques de Pierre de Rougemont, un séducteur serviable comme Claude Dauphin en a joué des dizaines au cours de sa longue carrière.

Puis, toute cette belle affaire raisonnablement amusante prend un tournant douteux vers les sphères du théâtre de boulevard. Désormais, il y sera question de mariage blanc, de quiproquo entre cocus ou encore du chemin difficile que l’amour a emprunté depuis la nuit des temps, afin de réunir deux êtres qui s’aiment. Même si la verve malicieuse du début de l’histoire est alors aux abonnés absents, il demeure une certaine vivacité comique, entre autre grâce aux grimaces de André Luguet en ambassadeur plus crédule que tout le bas peuple réuni.

Battement de cœur est une comédie de mœurs plutôt solide en somme, mise en scène avec son efficacité habituelle par Henri Decoin, illuminée par celle qui allait sous peu devenir l’ex-femme du réalisateur, avec en prime la caractéristique qui a permis à de nombreux films français des années ’30 de passer à la postérité de l’appréciation collective : un nombre plus que conséquent de seconds rôles à la fois rondement menés et interprétés.

© 1939 Raymond Voinquel / Ciné-Alliance / Discina / Gaumont Tous droits réservés

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