Critique : Tuer n’est pas jouer

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Tuer n’est pas jouer

Royaume-Uni, Etats-Unis, 1987
Titre original : The Living Daylights
Réalisateur : John Glen
Scénario : Richard Maibaum et Michael G. Wilson
Acteurs : Timothy Dalton, Maryam d’Abo, Jeroen Krabbé, Joe Don Baker
Distribution : UIP
Durée : 2h11
Genre : Action
Date de sortie : 16 septembre 1987

Note : 3/5

Le James Bond nouveau est arrivé ! A une époque, au rythme bisannuel contrairement au Beaujolais, le public s’attendait avec impatience à la nouvelle épopée de son agent préféré, tout en sachant pertinemment que la formule éprouvée ne permettait qu’une marge de manœuvre réduite en termes d’innovations. Car la première qualité de 007 est que tout y reste pareil au fil du temps, comme un repère immuable qui nous rassure dans un monde en perpétuelle évolution. Or, l’intérêt principal de cette longue série de films dans sa continuité est justement d’y déceler les petits changements, couronnés de succès ou pas, qui auront après tout permis à James Bond de rester si longtemps au centre de toutes les attentions. Dans ce contexte, les débuts de Timothy Dalton dans ce rôle, qui n’allait nullement lui porter chance, s’avèrent par conséquent stimulants parce que, justement, ils prennent une assez grande liberté avec le patrimoine filmique du héros sans reproche. Tuer n’est pas jouer est en fait plus proche d’un film d’aventures à l’ancienne que de ce curieux hybride entre l’action et la publicité larvée pour une vie de luxe, hors d’atteinte pour le commun des mortels, auquel l’univers de James Bond pourrait être résumé sans trop forcer le trait.

Synopsis : Lors d’un exercice à Gibraltar, un agent britannique est tué par un homme se réclamant d’un programme russe tombé dans l’oubli, qui prévoyait l’élimination des services secrets de l’adversaire. James Bond, qui a pu contrecarrer in extremis le projet de l’assassin, est chargé d’enquêter sur cette affaire, une fois qu’il aura surveillé la défection de l’officier russe Georgi Koskov, prêt à passer à l’Ouest dans le cadre d’un concert à Bratislava. Cette opération dangereuse se passe comme prévu, au détail près que Bond épargne la vie d’un sniper ennemi, la musicienne tchèque Kara Milovy dont la beauté aurait facilement pu troubler son jugement. Son soupçon que le départ de Koskov n’était qu’un leurre gagne pourtant en crédibilité, lorsque le militaire russe est enlevé du siège de MI6 au cours d’une attaque musclée.

Un homme, une femme et un violoncelle

Face à une description de poste plutôt figée, les différents acteurs qui se sont succédé dans le rôle de James Bond ont dû jouer de leur charme et de leur physique pour se l’approprier. Timothy Dalton, le quatrième parmi eux, est le plus proche de la conception du personnage en tant que gentleman. Avec ses yeux expressifs et son sourire narquois, il préserve en toute circonstance une distance raisonnable envers l’action qui se déchaîne autour de lui. L’indice majeur de sa capacité d’agir comme un adulte réfléchi se situe du côté de la mise en veille du réflexe maladif de se jeter immédiatement sur le moindre représentant de la gente féminine. Ce Bond-ci appartient davantage à la fratrie des grands romantiques comme son successeur indirect Daniel Craig. Et comme ce dernier, il a droit à un objet des désirs un peu plus intelligent que la moyenne des filles, dont la fonction se résume sinon à être des jouets érotiques, avant une fin tragique sans la moindre répercussion pour le déroulement du reste de l’intrigue.

Aucun homme ne peut l’arrêter

La recherche des références peut cependant mener encore plus loin : dans le contexte filmique de l’époque, tiraillé entre divers héros plus grands que nature au propos plus ou moins sérieux. Les années 1980 ont été sans conteste la décennie de Rambo et de ses frasques guerrières à l’esprit manichéen. Le fait qu’une partie de Tuer n’est pas jouer se passe en Afghanistan ne s’explique sans doute pas seulement par les préoccupations géopolitiques de l’époque, puisque les affrontements explosifs qui s’y déroulent ne font guère preuve de plus de délicatesse que ceux, ultérieurs, du personnage phare de Sylvester Stallone dans Rambo III. En même temps, l’esprit aventurier de ce James Bond nous fait penser à Allan Quatermain, l’explorateur de mythes exotiques interprété par Richard Chamberlain dans deux films sortis à peine quelques années avant ce film-ci. Le récit suit ainsi une trame d’événements plus ou moins rocambolesques sur le ton d’un spleen concis, agréablement efficace. Seuls les méchants ne sont peut-être pas tout à fait à la hauteur de l’affaire, de vilains marchands d’armes et de drogues interprétés respectivement par Joe Don Baker et Jeroen Krabbé. On pourrait néanmoins plaider leur cause dans le cadre d’un ensemble plus attaché à raviver l’esprit des films d’aventure à l’ancienne qu’à réchauffer les éternelles oppositions caricaturales entre l’Est et l’Ouest, d’ores et déjà à bout de souffle à ce moment-là de l’Histoire.

Conclusion

Timothy Dalton n’a malheureusement pas eu l’occasion de s’imposer dans le rôle de James Bond. Ce qui est plutôt dommage au vu de sa prestation dans ce premier film sur deux de sa brève carrière dans les productions Broccoli. Réalisé sobrement par John Glen, Tuer n’est pas jouer n’est certes pas un James Bond étroitement fidèle à la recette initiale. Il sait néanmoins séduire par son attachement à un autre versant important du cinéma britannique : les récits d’aventure qui se faisaient le chantre d’une forme d’héroïsme éventuellement plus complexe que les extrêmes manichéens souvent à l’œuvre dans le monde de James Bond.

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