Test DVD : Una questione privata

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Valentina Belle, Luca Marinelli & Lorenzo Richelmy *** Local Caption *** Valentina Belle, Luca Marinelli & Lorenzo Richelmy

Una questione privata

Italie : 2017
Titre original : –
Réalisation : Paolo Taviani, Vittorio Taviani
Scénario : Paolo Taviani, Vittorio Taviani d’après le roman de Beppe Fenoglio
Interprètes : Luca Marinelli, Lorenzo Richelmy, Valentina Bellè
Éditeur : Pyramide Vidéo
Durée : 1h21
Genre : Guerre, drame
Date de sortie cinéma : 6 juin 2018
Date de sortie DVD : 6 novembre 2018

 

Synopsis : Eté 43, Piémont. Milton aime Fulvia qui joue avec son amour : elle aime surtout la profondeur de sa pensée et les lettres qu’il lui écrit. Un an plus tard, Milton est entré dans la Résistance et se bat aux côtés d’autres partisans. Au détour d’une conversation, il apprend que Fulvia aimait en secret son ami Giorgio, partisan lui aussi. Milton se lance alors à la recherche de Giorgio, dans les collines des Langhes enveloppées de brouillard… Mais Giorgio vient d’être arrêté par les Fascistes.

 

 

Le film

[4/5]

La fin de l’été 43, dans le Piémont. Milton, un jeune résistant voit apparaître dans le brouillard, au cours d’une mission, une maison qu’il a bien connue : c’est là, qu’autrefois, habitait Fulvia, une jeune fille dont il était très épris. Arrivant à convaincre la gardienne de lui ouvrir les portes de la maison, Milton repense aux délicieux moments passés avec elle avant la guerre. Avec elle, mais aussi avec Giorgio, son ami d’enfance. Quand la gardienne lui apprend que Giorgio avait rendu, seul, de nombreuses visites à Fulvia, Milton perd pied, se demandant quelle avait pu être l’ampleur de cette relation qu’il ignorait.

La littérature s’est bien gardé de nous le cacher : la passion amoureuse et la jalousie qui, souvent, l’accompagnent, peuvent déboucher sur une sorte de folie, entrainant chez celui qui en est le sujet un comportement incohérent, d’autant plus dommageable pour ses proches lorsque le phénomène se déroule en temps de guerre. C’est ce qui arrive à Milton qui, malgré ses responsabilités au sein des partisans qui combattent ceux qu’ils appellent les « cafards », n’a plus qu’une chose en tête : retrouver Giorgio, lui aussi résistant, mais dans une autre brigade, puis, quand Milton apprend que son ami vient d’être arrêté par les fascistes, commencer par trouver rapidement un prisonnier du camp ennemi pouvant servir de monnaie d’échange. Cette situation vient perturber le triangle amoureux classique : à partir du moment où Giorgio est prisonnier des fascistes, Milton cherche-t-il surtout à éviter la mort à un ami qu’il aime ou cherche-t-il avant tout à avoir la possibilité d’interroger celui qu’il voit dorénavant comme un rival dans sa quête amoureuse ? Une interrogation qui prend tout son sens lorsqu’on est amené à se demander si le fait que Milton laisse s’échapper un prisonnier fasciste est, ou non, un acte manqué.

Dans ce film qui décrit donc les ravages d’une passion amoureuse prenant place dans une période tumultueuse de l’histoire italienne, le mélange subtil d’une forme d’onirisme et du réalisme glacial de la description d’une guerre civile fonctionne parfaitement. En vieux routiers du cinéma, les Taviani ont su en plus introduire quelques séquences particulièrement marquantes qui, certes, n’ont pas de rapport direct avec l’histoire mais donnent un supplément de force à un film qui, déjà, n’en manquait pas. On en citera deux : celle qui met en scène un prisonnier fasciste, tueur de partisans et obsédé de jazz, qui part dans une folie vocale s’apparentant à un solo de batterie ; celle où on découvre devant une maison les corps d’une famille entière qui a été massacrée. Alors qu’on croit qu’il n’y a aucun survivant, soudain, une petite fille se lève et va boire un verre d’eau dans la maison puis s’en retourne se coucher au milieu des corps. Deux scènes qui bouleversent le spectateur et qui prouvent qu’à largement plus de 80 ans, les Taviani sont toujours au sommet de leur art.

 

 

Bien que Vittorio Taviani, malade, n’ait pas assisté au tournage, Una questione privada est quand même considéré comme étant une réalisation des frères Taviani. Leur ultime réalisation commune, puisque Vittorio est décédé le 15 avril dernier, entre la première projection du film, au Festival de Toronto, et sa sortie en France, le 6 juin 2018. Depuis longtemps, les deux frères avaient pour objectif de porter à l’écran un roman de Beppe Fenoglio, et, plus particulièrement, Una questione privada, roman à caractère autobiographique, édité en 1963 et racontant une histoire d’amour sur fond d’engagement dans la résistance. Une période historique que les frères Taviani avaient déjà traitée avec bonheur, il y a 35 ans, dans La nuit de San Lorenzo. Alors que le roman de Fenoglio a pour cadre la région viticole des Langhe, Paolo Taviani a choisi de tourner dans une autre partie du Piémont, plus montagneuse, du côté de la vallée de Maira. Un environnement dans lequel, à l’automne, il est fréquent de rencontrer des bancs de brouillard, utilisés par le réalisateur pour symboliser la difficulté qu’a le personnage principal à analyser la situation dans laquelle il se trouve. Un autre phénomène météorologique bien particulier est utilisé de façon très discrète au début du film, le mariage d’un ensoleillement conséquent et d’une pluie battante, qu’on devine accompagné d’un arc-en-ciel qu’on ne voit pas mais qu’on entend sous la forme de la chanson « Over the rainbow » interprétée par July Garland.

Vu l’âge des protagonistes principaux, la distribution fait appel à la jeune classe du cinéma italien, avec, en particulier, Luca Marinelli, remarqué dans On l’appelle Jeeg Robot et Mauvaise graine, dans le rôle de Milton. A ses côté, on remarque Valentina Bellè qui passe d’un petit rôle dans Contes italiens à celui, bien plus important, de Fulvia et Lorenzo Richelmy dans celui de Giorgio. Quant aux magnifiques paysages montagneux dans lesquels se déroule l’action, ils sont bien mis en valeur par la photographie de Simone Zampagni qui accompagne les frères Taviani depuis Cesar doit mourir.

 

 

Le DVD

[4.5/5]

Quand on connait la réputation (méritée !) des frères Taviani, on ne peut qu’être étonné par le peu d’impact qu’a eu ce très beau film sur le public français. Espérons que sa sortie en DVD permette à de nombreux cinéphiles de le « rattraper », d’autant plus que ce que propose  Pyramide Vidéo s’avère d’excellente qualité. Premier point très positif, la qualité de l’image : la définition est impeccable, les couleurs et la lumière sont superbement rendues. Dès le début du film, un test concernant l’image est parfaitement réussi : cette scène où les ombres montrent la présence du soleil alors que la pluie tombe dru. Côté son, une version originale sous-titrée disponible en 2.0 et en 5.1. Là aussi, le film propose un excellent test au DVD : la scène du prisonnier fasciste tueur de partisans qui se prend pour un batteur de jazz. Test réussi là aussi.

Toutefois, le plus beau cadeau que nous offre ce DVD est sans doute l’interview de Paolo Taviani donnée le 31 mai dernier au journaliste Jean Antoine Gili, spécialiste du cinéma italien. Durant 31 minutes particulièrement vivantes, le réalisateur aborde son film sous toutes ses coutures, insistant sur son caractère contemporain avec le fascisme et sa mentalité qui gagnent de nouveau du terrain en Italie, affirmant que ce qu’il aime particulièrement dans le tournage d’un film est le fait qu’il est le siège d’un changement perpétuel. A presque 87 ans, Paolo Taviani continue d’afficher une sorte de jeunesse éternelle, aussi bien en ce qui concerne les idées que dans sa pratique cinématographique.

 

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