Test DVD : Doomwatch

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Doomwatch

 
Royaume-Uni : 1972
Titre original : –
Réalisation : Peter Sasdy
Scénario : Clive Exton
Acteurs : Ian Bannen, Judy Geeson, John Paul
Éditeur : Movinside
Durée : 1h32
Genre : Fantastique
Date de sortie DVD : 9 mai 2017

 

 

Le docteur Del Shaw est chargé par l’organisation Doomwatch d’analyser les effets d’une marée noire sur la côte de la petite île de Balfe. Il y découvre une population isolée et hostile, qui voit d’un mauvais œil l’arrivée de ce nouveau venu et semble dissimuler un secret. Étonné par leurs comportements, puis par une macabre révélation, Shaw commence à enquêter, assisté par la jeune institutrice du village, Victoria Brown. Il semble que les villageois soient frappés les uns après les autres d’une maladie mystérieuse, qui déforme leur apparence physique, tout en les rendant extrêmement agressifs. Shaw réalise que les déchets chimiques rejetés dans la mer par un laboratoire travaillant sur de dangereuses expériences, seraient à l’origine de cette étrange malédiction. Mais il se heurte à l’obstination de la population, qui refuse de quitter ses terres, et à l’hypocrisie du laboratoire en question…

 

 

Le film

[3,5/5]

Durant les années 60/70, deux sociétés de production régnaient en maitres quasi-absolus sur le petit monde de l’horreur gothique au Royaume-Uni : il s’agit bien sûr de Hammer et Amicus. Néanmoins, si elle n’a jamais été réellement considérée comme une concurrente sérieuse pour les deux sœurs ennemies, la boite de production appelée Tigon, ou de son nom complet Tigon British Film Productions est néanmoins parvenue à mettre sur les rails une série non négligeable de films fantastiques entre 1968 et 1972 : Le vampire a soif, Le grand inquisiteur, La maison ensorcelée, La maison de l’épouvante, La vampire nue (du français Jean Rollin), Le monstre des oubliettes, La nuit des maléfices et enfin l’étrange Doomwatch qui nous occupe aujourd’hui.

Par ailleurs, le tournant des années 70 a été assez difficile à aborder pour le cinéma fantastique anglais : l’âge d’or de la Hammer est passé, et le genre est doucement en train de passer d’une esthétique gothique sophistiquée à un un style beaucoup plus baroque et décomplexé. Les événements de mai 68 en Europe ont largement contribué à libérer les mœurs, et les films tournés « à l’ancienne » ne fonctionnent plus auprès du public : on cherche donc de nouvelles recettes à appliquer au genre. Avec l’assouplissement de la censure, la Hammer n’hésitera dorénavant plus à se vautrer dans les excès en tous genres, comme le montre par exemple Une messe pour Dracula, réalisé par Peter Sasdy en 1970. C’est ce même Peter Sasdy que l’on retrouvera aux commandes de Doomwatch en 1972, pour Tigon donc, et le film s’impose comme une nouvelle preuve que le cinéma fantastique britannique était dans une période de flottement, producteurs et réalisateurs cherchant à apporter un peu de sang neuf à un genre qui, à l’époque, s’avérait en très nette perte de vitesse du côté du box-office.

Aussi Doomwatch s’impose-t-il comme l’exact opposé de l’expérience de Peter Sasdy aux côtés de la Hammer, pour laquelle il a signé trois films riches en dérives gore et sexy entre 1970 et 1971. Si les premières minutes du film, qui suivent le personnage de Ian Bannen débarquer sur une île isolée de tout où tous les habitants semblent agir de façon très étrange et inamicale, évoquent presque irrésistiblement le chef d’œuvre de Robin Hardy The wicker man (1973), la suite du film de Peter Sasdy prendra un tournant radicalement différent. Doomwatch ne déviera en effet jamais d’un déroulement profondément réaliste, presque naturaliste, refusant le recours au spectaculaire et/ou aux effets spéciaux avant son tout dernier acte, qui conserve de plus encore un pied profondément ancré dans la réalité. Etrange et assez unique en son genre, Doomwatch n’est donc ni tout à fait un film fantastique, ni réellement non plus un film de science-fiction dans le sens où on l’entend la plupart du temps : il s’agit d’avantage d’un film d’anticipation en mode bizarroïde, quasi-expérimental, véritable OVNI filmique, difficile à rattacher à un genre ou à une mouvance en particulier, à la façon, par exemple, d’un film tel que Le cri du sorcier de Jerzy Skolimowski (1978). Le genre de film dont on ne sait que penser quand arrive le générique de fin, et dont on ne sait vraiment dire au final, dans quelle mesure il pourra durablement marquer notre esprit. Voilà qui, finalement, est suffisamment rare pour se plonger dans l’expérience !

 

 

Le DVD

[4/5]

Éditeur relativement récent sur le front de la vidéo en France, Movinside a frappé très très fort dans le cœur des amateurs de cinéma de genre en février dernier, avec la première vague d’une collection appelée « Les trésors du Fantastique », qui contenait quatre films cultes très attendus des connaisseurs : Corridors of blood (Robert Day, 1958), Soudain les monstres (Bert I. Gordon, 1976), La nuit des vers géants (Jeff Lieberman, 1976) et Nuits de cauchemar (Kevin Connor, 1980). Malheureusement, nous n’avons pas été assez rapides à l’époque pour pouvoir chroniquer ces quatre petits chefs d’œuvres dans les temps. Aussi nous rattraperons-nous avec la deuxième vague des « Trésors du Fantastique », qui vient de débarquer dans les bacs de vos revendeurs, et comportant quatre nouvelles perles orientées fantastique / SF : Monstres invisibles (Arthur Crabtree, 1958), Le cerveau d’acier (Joseph Sargent, 1970), Doomwatch (Peter Sasdy, 1972) et Ssssnake (Bernard L. Kowalski, 1973).

C’est donc sous les couleurs de Movinside que l’on pourra aujourd’hui découvrir sur support DVD cet étrange Doomwatch, jusqu’ici inédit en salle et en DVD en France. La galette proposée par l’éditeur est solide, et nous permet donc de découvrir le film de Peter Sasdy dans de bonnes conditions : le master utilisé pour le transfert, très granuleux, respecte à la lettre l’esprit quasi-naturaliste du film. Si les couleurs et les contrastes sont peut-être un poil trop agressifs, l’ensemble s’avère absolument recommandable. Il en va de même pour le son, proposé en VO uniquement et mixé en Dolby Digital 2.0 mono d’origine, et proposant des dialogues et ambiances sonores claires, nettes et sans bavures.

Dans la section bonus, comme sur les autres films de cette deuxième vague des « Trésors du Fantastique », on trouvera une très complète présentation du film par Marc Toullec, qui dirige la collection aux côtés de Jean-François Davy et remet le film dans son contexte de tournage : il nous apprendra notamment que Doomwatch est en fait l’adaptation cinématographique de la série TV britannique éponyme, malheureusement inédite en France.

 

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