Test Blu-ray : Vortex

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Vortex

France, Belgique, Monaco : 2021
Titre original : –
Réalisation : Gaspar Noé
Scénario : Gaspar Noé
Acteurs : Dario Argento, Françoise Lebrun, Alex Lutz
Éditeur : Wild Side Vidéo
Durée : 2h22
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 13 avril 2022
Date de sortie DVD/BR : 21 septembre 2022

Un couple âgé vit dans un appartement parisien submergé de livres et de souvenirs. Lui est cinéphile, historien et théoricien du cinéma, qui écrit un ouvrage sur les liens entre le 7e art et les rêves. Elle, psychanalyste à la retraite, est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Amoureux et indispensables l’un à l’autre, ils vont vivre ensemble leurs derniers jours…

Le film

[3,5/5]

Dix ans après Amour de Michael Haneke, c’est aujourd’hui Gaspar Noé qui décide de rompre avec la sécheresse et la violence de ses films précédents, afin d’aborder dans Vortex la lente déchéance d’un couple d’octogénaires – incarnés à l’écran par Dario Argento et Françoise Lebrun – sombrant peu à peu dans la sénilité. Plusieurs événements dans l’existence de Gaspar Noé expliquent ce revirement stylistique : le cinéaste a en effet révélé avoir été victime d’une hémorragie cérébrale en décembre 2019, et cet accident, ainsi que son expérience personnelle durant les derniers mois de vie de sa mère — cette dernière est morte dans ses bras des suites de la maladie d’Alzheimer — auraient été les sources d’inspiration de son film. Et bien sûr, il y a fort à parier que Noé, né en 1963, voie également avec une certaine anxiété la soixantaine arriver.

Bien sûr, Vortex est également l’occasion pour Gaspar Noé de rendre un hommage franc et sincère au cinéma qui l’a formé et qu’il admire : celui du maestro italien Dario Argento évidemment, ainsi que le cinéma d’auteur français des années 70 (Jean Eustache, André Téchiné), représenté à l’écran par la présence de Françoise Lebrun. Refusant catégoriquement de « diriger » ses idoles ou de leur imposer un scénario, Gaspar Noé les laisse libres de faire et de dire ce qu’ils veulent devant la caméra, pour le meilleur et pour le pire. Lui se contente de filmer ce couple qui s’éloigne de plus en plus l’un de l’autre, et de la réalité. En cela, l’utilisation du split-screen est habile, dans le sens où même quand ils sont réunis au sein d’un seul et même plan, l’image nous montre bien la rupture entre les personnages, le fait qu’ils ne sont l’un et l’autre jamais réellement au même endroit, et ce même quand ils sont face à face ou côte à côte – ils ne peuvent plus se rejoindre, plus se comprendre ou se retrouver.

Pour le reste, Vortex c’est donc 2h22 d’improvisations face caméra menées par deux octogénaires – dont un ne maîtrise pas forcément bien la langue – avec un peu d’Alex Lutz entre les deux. Tantôt fascinant, tantôt franchement chiant, le film de Gaspar Noé saisit bien cela dit l’ennui et la désorientation se dégageant de ces vies qui se délitent. Des vies définitivement coincées dans le passé – on ne compte plus les références à mai 68 dans le décor, les livres et les feuilles partout, dont Dario refuse de se séparer – certes, mais aussi des vies consacrées à l’Art, comme le prouvent les nombreux rappels visuels autour du cinéma de Fritz Lang (Mabuse, Metropolis) ainsi que la présence à l’écran de copains critiques de Noé, tels que Jean-Baptiste Thoret, Philippe Rouyer, Laurent Aknin, Jean-Pierre Bouyxou… Une façon peut-être de mettre en parallèle la mort de ces deux octogénaires et la mort du cinéma ?

Peut-être, car dans le fond, quel est ce Vortex évoqué par le titre du film ? Gaspar Noé répond clairement à cette question à l’écran, par le biais d’une longue séquence mettant en scène Françoise Lebrun, et dont les images reviendront hanter toute la dernière partie du métrage : le vortex en question, c’est bel et bien le tourbillon de la cuvette des chiottes. Un tourbillon auquel personne ne pourra échapper, direction le grand nulle-part. Une vie à la fois jetée dans le trou des gogues, et hop, on tire la chasse. Et pendant la cérémonie d’adieu au défunt, on passera la musique du Mépris de Godard – qui vient d’ailleurs lui aussi de rendre l’âme, parti dans le grand Vortex.

Le Blu-ray

[4/5]

C’est sous les couleurs de Wild Side Vidéo, toujours fidèle aux expérimentations cinématographiques de Gaspar Noé, que Vortex débarque aujourd’hui dans vos salons au format Blu-ray. L’éditeur a, comme à son habitude, indéniablement soigné le boulot côté image et son. La définition est précise, avec un beau piqué, les contrastes impeccables, les couleurs en envoient plein les yeux, on saluera par ailleurs également la belle tenue des noirs. L’image est en 1080i, mais il faut souligner que ce dernier est probablement d’origine – les saccades typiques de l’encodage en 25 images / secondes ne seront perceptibles que sur le générique de début (tourné dans le style habituel des films de Gaspar Noé) ainsi que sur le travelling latéral qui ouvre le film. Par la suite, l’ensemble retrouvera une parfaite fluidité. Côté son, Vortex nous est proposé en DTS-HD Master Audio 5.1, au rendu dynamique et assez atmosphérique : l’immersion est garantie, et le rendu acoustique est d’une finesse remarquable.

Du coté des suppléments, Wild Side nous propose tout d’abord deux scènes coupées. La première, d’une durée de treize minutes, rallonge le coup de fil donné par Dario Argento à Jean-Baptiste Thoret, en nous proposant cette fois le contrechamp de la discussion téléphonique, portant sur la représentation du rêve au cinéma. La deuxième scène, d’une durée de trois minutes, prolonge un peu les échanges entre Alex Lutz et son dealer. Enfin, et en plus de la traditionnelle bande-annonce, l’éditeur nous propose un entretien entre Gaspar Noé et Dario Argento (12 minutes), dont le principal intérêt est de revenir sur certains détails du tournage du film (improvisations, etc). Dario Argento évoquera également le fait qu’au lendemain du dernier jour de tournage de Vortex, il s’envolait en Italie afin de donner le premier coup de manivelle de Occhiali neri (littéralement « Lunettes noires »), un Giallo sorti sur les écrans italien en février 2022. On espère le découvrir prochainement !

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