Test Blu-ray : Un papillon aux ailes ensanglantées

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Un papillon aux ailes ensanglantées

Italie : 1971
Titre original : Una farfalla con le ali insanguinate
Réalisation : Duccio Tessari
Scénario : Duccio Tessari, Gianfranco Clerici
Acteurs : Helmut Berger, Giancarlo Sbragia, Ida Galli
Éditeur : Le Chat qui fume
Durée : 1h39
Genre : Horreur, Giallo
Date de sortie cinéma : courant 1971
Date de sortie Blu-ray : 15 avril 2022

Un journaliste et animateur de télévision renommé de Bergame, Alessandro Marchi, est accusé du meurtre d’une étudiante française, Françoise Pigault, retrouvée dans un parc, lardée de cinq coups de couteau. Bientôt, des preuves accablantes conduisent à son arrestation. À la suite d’un procès fertile en rebondissements, Alessandro est reconnu coupable, puis incarcéré. Mais l’enquête est relancée lorsqu’une prostituée est assassinée. Une exécution identique à celle de l’étudiante…

Le film

[4,5/5]

Un papillon aux ailes ensanglantées (Una farfalla con le ali insanguinate) s’inscrit dans la veine du giallo italien post-Dario Argento, et plus exactement dans le sous-genre du « Giallo au titre animalier ». Sorti sur les écrans italiens en 1971, le film de Duccio Tessari trouve donc sa place de la longue liste de gialli dont le titre évoque des animaux. Dans la foulée de la « trilogie animalière » de Dario Argento (composée de L’oiseau au plumage de cristal, Quatre mouches de velours gris et Le chat à neuf queues), et rien que sur l’année 1971, on aura en effet vu s’enchaîner sur les écrans ritals des films aux titres aussi poétiques que L’iguane à la langue de feu (Riccardo Freda), Journée noire pour un bélier (Luigi Bazzoni), La queue du scorpion (Sergio Martino), Un papillon aux ailes ensanglantées (Duccio Tessari), La Tarentule au ventre noir (Paolo Cavara), ou encore Plus venimeux que le cobra (Bitto Albertini). Une vraie ménagerie !

Comme souvent, le titre du giallo réalisé par Duccio Tessari ne se rapporte qu’à un détail de l’intrigue : le « papillon » auquel fait référence le titre Un papillon aux ailes ensanglantées est visible à deux reprises dans l’intrigue. Il s’agit d’un bijou qui avait été offert à la première victime, jeune lycéenne d’une quinzaine d’années, mais on peut également repérer un lépidoptère sur la boucle de la sangle qui retenait ses livres d’école, et qui se voit naturellement éclaboussée de gouttes de sang lors de son assassinat. En France, le film aurait été exploité en salles dans le courant de l’année 1971 sous le titre Cran d’arrêt – un titre qui fait également référence à un point de détail de l’intrigue, les victimes du tueur succombant sous les coups d’un couteau à cran d’arrêt, également retrouvé sur les scènes de crime.

Au rayon des autres ressemblances entre Un papillon aux ailes ensanglantées et la vague de gialli initiée par L’oiseau au plumage de cristal en 1970, on notera, évidemment, que le film de Duccio Tessari prend la forme d’un « whodunit » : le film s’ouvre sur un meurtre, d’autres suivront, et les policiers au centre du récit autant que le spectateur tenteront de démêler le vrai du faux, chacun y allant de ses conjectures au gré des indices et des fausses pistes qui seront mises en avant par l’intrigue. A ce titre, Duccio Tessari et son co-scénariste Gianfranco Clerici imagineront une mise en place des différents personnages prenant une forme extrêmement ludique : comme en préambule d’une partie de Cluedo, on découvrira chacun des protagonistes de l’intrigue à tour de rôle, chacun d’entre eux voyant son nom, son activité et ses relations avec les personnages précédents résumées à l’écran. Cette fantaisie se retrouvera également tout au long d’Un papillon aux ailes ensanglantées par le biais d’un running gag assez drôle mettant en scène les personnages incarnés par Silvano Tranquilli et Peter Shepherd, et tournant autour d’un café qui ne convient jamais.

Pour le reste, l’ambiance développée par Duccio Tessari sur Un papillon aux ailes ensanglantées demeure assez sombre et réaliste : toute la première partie du film, qui suit le procès du suspect principal, un journaliste sportif nommé Alessandro Marchi (Giancarlo Sbragia), s’efforce de mettre en évidence les aspects les plus techniques et scientifiques de la procédure policière, en mettant bien davantage l’accent sur les effets secondaires du meurtre initial plutôt que sur le meurtre en lui-même – qui d’ailleurs nous est présenté de façon très sobre, loin des excès et du fétichisme habituellement liés au genre. Prise de moulages en plâtre d’empreintes de pieds, analyse d’empreintes digitales, analyse scientifique de la boue retrouvée sur le trench-coat du suspect, analyse du sang retrouvé sur ses vêtements… À la fin de la première partie du film, Marchi est jugé et condamné à la prison à vie, le tout étant amené au spectateur par le biais de conclusions scientifiques à priori imparables. Parallèlement, l’avocat de Marchi, Giulio Cordaro (Günther Stoll), se réjouit d’avoir perdu le procès, car il est l’amant de Maria, la femme d’Alessandro, incarnée par Ida Galli (alias Evelyn Stewart).

Sauf que, bien sûr, Duccio Tessari va opter pour un rebondissement inattendu, faisant basculer le film dans le film de machination à la Clouzot ou à la Hitchcock. Un papillon aux ailes ensanglantées ne s’arrête en effet pas là, puisque d’autres meurtres seront commis. Qui est donc le coupable ? Maria, qui a découvert pendant le procès que son mari avait une maîtresse ? Giulio, qui craint que le retour d’Alessandro au domicile familial ne contrarie son idylle avec Maria ? Ou encore s’agit-il de Sarah (Wendy D’Olive), la fille de Maria et Alessandro, qui voit d’un mauvais œil la liaison de sa mère avec l’avocat de la famille ? Ou peut-être s’agit-il de Giorgio (Helmut Berger), ce jeune aristocrate contestataire qui, lors du procès, a tenté d’innocenter Alessandro et dont le comportement peut par certains aspects paraître très inquiétant ?

Sans en dévoiler trop sur l’intrigue, on notera qu’Un papillon aux ailes ensanglantées révélera au compte-goutte les informations concernant les différents personnages, dissimulant sciemment quelques éléments importants, multipliant les fausses pistes et orchestrant plusieurs détours narratifs afin de conserver le suspense intact. A d’autres moments, Duccio Tessari fait le choix de donner au spectateur des bribes d’informations qui se révéleront être des indices majeurs, et il met en scène tout cet imbroglio avec un talent absolument remarquable, s’offrant même une poignée de séquences absolument sublimes, à l’image de ce passage suivant Helmut Berger dans la rue, mêlant avec maestria le passé et le présent.

Aussi original que fascinant, parfaitement rythmé et réalisé de main de maître par Duccio Tessari, Un papillon aux ailes ensanglantées s’avère donc un petit chef d’œuvre du Giallo, multipliant les audaces formelles et narratives tout en soulignant en filigrane la décadence et l’impunité de la petite bourgeoisie italienne qui, en plus d’être riche, cumule toutes les déviances possibles : mensonges, tromperies, alcoolisme, meurtre… A découvrir !

Le Blu-ray

[5/5]

On continue notre exploration des derniers titres édités par Le Chat qui fume en avril dernier, et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on va d’agréable surprise en agréable surprise : si Duccio Tessari n’a certes réalisé qu’un seul Giallo dans toute sa carrière, on pourra arguer que ce dernier s’impose comme un des meilleurs du genre. Un papillon aux ailes ensanglantées bénéficie donc d’une belle édition restaurée, mais comme d’habitude avec Le Chat qui fume, le tout est ici proposé dans un packaging de toute beauté : un digipack trois volets aux couleurs du film surmonté d’un fourreau cartonné. La conception graphique de l’ensemble est assurée par le talentueux Fred Domont, et il s’agit d’une édition limitée à 1000 exemplaires.

Côté Blu-ray, le film de Duccio Tessari s’impose d’entrée de jeu dans un master Haute Définition tout à fait resplendissant, affichant une définition et un niveau de détail assez bluffant, tout en respectant scrupuleusement la forte granulation d’origine de la pellicule. Si l’on excepte quelques plans à effets, l’image étonne par sa propreté (adieu tâches et autres poussières disgracieuses) et sa stabilité, et le rendu des couleurs et des contrastes semble avoir également bénéficié d’un soin tout particulier. Point de trace de DNR ou autres bidouilles numériques, on regrettera juste un grain peut-être un poil trop accentué lors des passages nocturnes ou en basse lumière. Côté son, nous aurons droit à des pistes DTS-HD Master Audio 2.0 en VO italienne et VF. Le doublage de la version française s’avère, il faut bien l’avouer, particulièrement suranné et réjouissant (surtout quand on entend le procureur de la république qualifier l’accusé de « demeuré »), mais cette dernière souffre d’un léger souffle absent de la VO. On notera que le film est proposé en version intégrale et que les scènes coupées lors de la sortie du Papillon aux ailes ensanglantées en France sont réintégrées au métrage et proposées en version originale sous-titrée.

Du côté des suppléments, Le chat qui fume continue de nous proposer des suppléments riches et variés. On commencera avec la désormais traditionnelle présentation du film par Jean-François Rauger (29 minutes). Le directeur de la programmation à la Cinémathèque française reviendra sur la carrière et le style ambitieux de Duccio Tessari, qu’il considère comme un cinéaste brillant. Il évoquera également le fait que le film semble avoir été réalisé afin de mettre en valeur Helmut Berger, puis abordera les acteurs / actrices du film ainsi que la musique. Il rapprochera le film de Tessari des premiers gialli de Dario Argento, qu’il rejoint dans son intérêt pour les techniques scientifiques. Enfin, il reviendra sur la structure du film ainsi que sur sa façon originale d’amener sa critique de la bourgeoisie. On continuera ensuite avec un entretien avec Lorella De Luca (8 minutes), ancienne épouse de Duccio Tessari, qui reviendra sur ses méthodes de travail, ainsi que sur ses collaborations avec Giuliano Gemma, Angelo Rizzoli ou encore Ennio Morricone. On enchaînera enfin par un entretien avec Fabio Melelli (22 minutes), historien du cinéma et spécialiste de la carrière de Duccio Tessari. Il reviendra sur le style du cinéaste, sur son attention aux décors ou à la profondeur de champ, et abordera dans le détail de nombreux films issus de sa filmographie. Pour terminer, on trouvera la traditionnelle bande-annonce. Pour vous procurer cette édition limitée à 1000 exemplaires, rendez-vous sur le site de l’éditeur !

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