Test Blu-ray : Un dollar entre les dents

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Un dollar entre les dents

États-Unis, Italie : 1967
Titre original : Un dollaro tra i denti
Réalisation : Luigi Vanzi
Scénario : Warren Garfield, Giuseppe Mangione
Acteurs : Tony Anthony, Frank Wolff, Jolanda Modio
Éditeur : Artus Films
Durée : 1h26
Genre : Western
Date de sortie cinéma : 2 août 1967
Date de sortie DVD/BR : 4 juin 2019

Un détachement de la cavalerie américaine convoie un coffret rempli d’or pour le gouvernement mexicain. Le bandit Aguila, prenant la place de l’officier chargé de la réception, le dérobe, avec l’aide d’un homme surgi de nulle part : l’Étranger. Quand vient le moment du partage, les deux ne s’entendent pas…

 


 

Le film

[3,5/5]

Même si cela a été dit et redit à longueur de critique, même si à la fois Alain Petit et Curd Ridel le font remarquer au sein de l’édition « Mediabook » Blu-ray + DVD + Livre made in Artus Films, il est franchement très difficile de ne pas remarquer les similitudes appuyées entre Un dollar entre les dents (Luigi Vanzi, 1967) et Pour une poignée de dollars (Sergio Leone, 1964), œuvre fondatrice du western spaghetti.

Si bien sûr énormément de films et d’acteurs ont tenté de créer un personnage de cowboy taciturne comparable à celui de « l’homme sans nom » interprété par Clint Eastwood dans la trilogie du Dollar de Sergio Leone, le niveau de pompe est ici encore un cran au-dessus, dans le sens où Un dollar entre les dents reprend à peu de choses près la même trame narrative que Pour une poignée de dollars, en y ajoutant également quelques emprunts à Et pour quelques dollars de plus (1965). Cela dit, la personnalité et le physique du cowboy au centre du récit, auxquels on peut ajouter quelques petits détails originaux du récit en font finalement un film attachant, navigant constamment sur un fil ténu entre le plagiat, l’hommage et même – peut-être – la parodie.

Parce qu’il faut admettre que les deux points forts d’Un dollar entre les dents sont d’une part sa photographie, qui malgré l’absence de cinémascope nous propose vraiment des compositions de plans de toute beauté (travaillant énormément sur le clair-obscur et la profondeur de champ), et d’autre part son héros – ou plutôt son anti-héros – qui s’impose comme l’un des plus improbables de l’histoire du western. Petit et pas spécialement beau, « l’étranger » incarné à l’écran par Tony Anthony (Blindman) ne semble en effet jamais réellement à sa place, vaguement ridicule, comme s’il portait un costume trop grand pour lui. Ainsi, si certaines pointes humoristiques du film s’avèrent absolument volontaires, l’effet comique produit tout au long du film par la dégaine de Tony Anthony ne l’était peut-être pas forcément. Cela dit, voulu ou pas, le fait est que cela fonctionne, l’aspect comique du métrage étant d’ailleurs encore renforcé par le fait que le héros s’en prenne littéralement plein la gueule au cours du récit, presque comme dans un slapstick à l’ancienne, et par le fait qu’il s’agisse d’un personnage à la morale plutôt ambivalente, et à qui la notion d’honneur semble absolument étrangère. Courageux mais pas téméraire, il n’hésitera donc pas à se débarrasser de ses ennemis en leur tirant dans le dos depuis une planque (certes astucieuse, mais une planque quand même).

 

 

L’autre aspect intéressant d’Un dollar entre les dents, intimement lié au fait que le personnage de Tony Anthony souffre énormément physiquement au cours du récit, se situe dans la dimension presque sadomasochiste du film. Si le personnage du « méchant » interprété par Frank Wolff s’avère certes réjouissant, il n’apporte cependant pas de réelle valeur ajoutée à celui incarné par Gian Maria Volontè dans Pour une poignée de dollars. En revanche, son principal « homme de main » a ici l’originalité d’être une femme, Maruca (Gia Sandri), et il se trouve cette dernière s’avère clairement être une dominatrice SM, habillée en homme, qui torturera à coups de cravache notre héros mal en point. Il est même largement suggéré qu’elle soit lesbienne et viole lors de leur retraite le personnage de Chica (Jolanda Modio). S’il ne s’agit pas d’une surinterprétation des images – qui sont claires et ne prêtent aucunement à confusion. On admettra cela dit que le traitement de la séquence par Luigi Vanzi est très subtil ; bien sûr, nous sommes en 1967 et le bis n’a pas encore subi ses grandes métamorphoses des années 70 – il y a fort à parier pour que ne serait-ce que cinq ou six ans plus tard, la même idée eut donné naissance à une scène érotique explicite de dix minutes. On notera aussi que le petit thème musical signé Benedetto Ghiglia est répété tant de fois durant le récit qu’il finit par produire son petit effet, et que le film présente également la particularité de proposer très peu de dialogues, privilégiant la narration par l’image et s’avérant le plus souvent complètement muet.

Si le livret au sein de l’édition « Mediabook » de chez Artus nous apprend que le film n’a pas été un grand succès en Italie, Un dollar entre les dents a en revanche cartonné aux Etats-Unis, au point de mettre en chantier deux suites quasi-immédiates mettant en scène « l’étranger » incarné par Tony Anthony, toujours réalisées par Luigi Vanzi : il s’agit d’Un homme, un cheval et un pistolet (1967) et Le cavalier et le samouraï (1968). Quelques années plus tard, Anthony retrouverait une dernière fois le personnage à l’occasion de Pendez-le par les pieds (1975), cette fois mis en scène par l’immense Ferdinando Baldi.

 

 

Le Combo Blu-ray + DVD + Livre

[5/5]

Parallèlement aux sorties sur format Blu-ray du Retour de Ringo (lire notre article) et des Tueurs de l’Ouest (lire notre article), Artus Films nous propose aujourd’hui Un dollar entre les dents, « petit classique » de la filmographie de Tony Anthony. Comme les deux autres films, il débarque aujourd’hui dans une édition définitive au format « Médiabook », contenant la bagatelle d’un Blu-ray + un DVD ainsi que « La saga de l’Étranger », un livret de 64 pages intégré à l’étui et signé de la plume d’Alain Petit, spécialiste bis devant l’éternel. Reprenant en partie ce qu’il avait déjà écrit dans l’ouvrage « 20 ans de Western Européen », il y revient sur la carrière de Tony Anthony et – comme l’indique on ne peut plus clairement le titre du livret – plus particulièrement sur les films mettant en scène « l’étranger ».

Côté Blu-ray, le master restauré 2K s’avère assez superbe et étonnant : le film est proposé en 1080p et au format 1.85 respecté, l’image est stable et plutôt propre (quelques défauts subsistent, surtout sur les scènes nocturnes), la granulation d’origine a été respectée, les couleurs sont vives, mais les contrastes, voire certaines teintes, peuvent varier d’intensité d’un plan à l’autre. Niveau son, VO et VF d’origine sont proposées dans des mixages LPCM Audio 2.0 globalement solides, qui présentent un bon équilibre entre les dialogues et la musique ; on repère quelques légers décrochages sur la VF, dont le doublage gentiment suranné est assuré entre autres par Michel Roux.

Côté suppléments, outre le passionnant livret de 64 pages signé Alain Petit évoqué un peu plus haut, on trouvera une présentation du film par Curd Ridel. D’une durée de neuf minutes environ, cette présentation sommaire ne traduit pas franchement un fol enthousiasme : on sent que le dessineux amoureux de western n’est pas extrêmement enthousiaste concernant Un dollar entre les dents, ce qu’on peut comprendre. Il lui reconnaît néanmoins quelques qualités, et précise que les amateurs de westerns y trouveront tout de même leur compte. On trouvera également un entretien avec Tony Anthony et le producteur Ron Schneider, prenant la forme d’une session de questions / réponses à l’issue d’une projection publique de Pendez-le par les pieds. C’est intéressant, même si certaines informations avancées par l’acteur diffèrent légèrement de celles figurant dans le livret d’Alain Petit. On peut néanmoins supposer que certains souvenirs sont plus ou moins confus dans l’esprit de l’acteur, surtout quand on l’entend évoquer l’acteur Klaus Kinski, « connu pour ses films en Europe avec Roman Polanski ». Ah bon ?

On terminera enfin avec le générique français du film (qualité VHS), qui sera accompagné de la traditionnelle galerie de photos et la bande-annonce.

 

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