Test Blu-ray : L’Homme qui voulait savoir

1
458

L’Homme qui voulait savoir

France, Pays-Bas : 1988
Titre original : Spoorloos
Réalisation : George Sluizer
Scénario : George Sluizer, Tim Krabbé
Acteurs : Bernard-Pierre Donnadieu, Gene Bervoets…
Éditeur : Sidonis Calysta
Genre : Thriller
Durée : 1h46
Date de sortie cinéma : 20 décembre 1989
Date de sortie DVD/BR : 7 juin 2024

Sur la route des vacances, Rex et Saskia s’arrêtent sur une aire d’autoroute. L’homme s’éloigne du véhicule pendant quelques minutes. À son retour, sa compagne a disparu. Fou de douleur, il renonce à sa vie professionnelle et sociale pour se consacrer exclusivement à la recherche de la disparue. Après trois années d’une quête infructueuse, il reçoit une étrange carte postale, dont l’auteur prétend connaître la vérité sur la disparition…

Le film

[4,5/5]

L’Homme qui voulait savoir (Spoorloos) est un film franco-néerlandais réalisé par George Sluizer (1932-2014), sorti sur les écrans français en décembre 1989. Film-culte à l’ambiance étouffante, il s’agit de l’adaptation d’un roman de Tim Krabbé, « L’œuf d’or » (sorti en France en 1993 chez Robert Laffont), qui avait été inspiré à l’auteur par un article de presse. En 1988, le film avait été sélectionné pour représenter les Pays-Bas aux Oscars, mais avait finalement été disqualifié parce qu’une grande partie du film était en français.

L’Homme qui voulait savoir commence avec la présentation rapide d’un couple d’amoureux, composé de Saskia (Johanna ter Steege) et Rex (Gene Bervoets), que l’on découvre en voiture sur la route des vacances. Dans une station-service du sud de la France, Saskia décide d’aller acheter des boissons, alors que Rex l’attend dans la voiture. La jeune femme disparaît alors sans laisser de traces. Trois ans plus tard, Rex est encore obsédé par la disparition de sa compagne, mais ne dispose d’aucune piste. Jusqu’à un jour où Raymond Lemorne (Bernard-Pierre Donnadieu), un professeur dont on a découvert la personnalité trouble tout au long de la première partie du film, vient l’aborder. Il lui propose de lui expliquer ce qu’est devenue Saskia. Rex accepte…

Contrairement au roman dont il s’inspire, la narration de L’Homme qui voulait savoir fait volontiers se chevaucher le présent et les événements passés, mais le tout est agencé de façon tout à fait remarquable par George Sluizer, rendant le film très facile à suivre. Dès le début du film, le montage alterné nous donnant à voir le couple Rex/Saskia mis en parallèle avec la « préparation » méthodique du tueur – dont le modus operandi rappelle celui de Ted Bundy – ne laissent aucun doute sur l’identité du ravisseur de la jeune femme. De fait, le film dévoile très rapidement toutes ses cartes, ce qui lui permet d’accorder au personnage du kidnappeur toute l’attention et le portrait qu’il mérite.

Cette absence de mystère quant à l’identité du tueur tend à faire basculer le récit non pas dans la direction attendue – celle du thriller pur et dur – mais plutôt vers celle du thriller psychologique, nous proposant une réflexion sur la notion de destin autant que sur celle de « point de rupture », ce moment clé durant lequel un esprit apparemment « sain » finit par basculer et à changer complètement d’identité. Une des grandes forces de L’Homme qui voulait savoir est précisément de mettre en évidence les motivations / conditions qui conduisent à ce basculement dans la folie meurtrière, et toute la deuxième partie du film utilise la disparition de Saskia comme un déclencheur pour se pencher sur la transformation des deux personnages principaux, Rex et Raymond.

Dans le cas de Rex, la détermination dont il fait preuve – et qui force l’admiration de Raymond – s’est lentement changée en une obsession malsaine qui a des répercussions dramatiques sur sa vie personnelle (elle a raison de sa relation avec Lieneke, interprétée par Gwen Eckhaus) mais aussi sur sa façon de communiquer avec les gens qui l’entourent. Les choses sont un peu différentes pour le personnage de Raymond, dont les fusibles ont sauté depuis longtemps, mais l’une des finesses de L’Homme qui voulait savoir est de mettre en évidence le fait que la manière dont leur esprit réagit – de façon obsessionnelle – est finalement très similaire.

Au fur et à mesure que l’intrigue progresse, L’Homme qui voulait savoir prendra de plus en plus les atours d’une terrifiante plongée dans l’esprit d’un tueur en série, avec en point d’orgue l’une des scènes finales les plus effrayantes de tous les temps. Le film bénéficie également d’un fantastique montage, assuré à quatre mains par Lin Friedman et George Sluizer lui-même et, surtout, de l’apport de deux acteurs principaux époustouflants, qui contribuent en partie à la réussite flamboyante du film de George Sluizer. On attribuera d’ailleurs une mention spéciale à Bernard-Pierre Donnadieu, qui trouvait dans ce portrait de tueur le rôle le plus marquant de sa carrière, et ce même si le grand public se rappellera sans doute davantage de lui pour avoir tiré une balle dans le dos de Belmondo à la fin du Professionnel. En résulte une œuvre captivante, atmosphérique, dérangeante, sur laquelle le temps ne semble avoir aucune emprise.

Le Coffret Blu-ray + DVD + Livret

[5/5]

L’Homme qui voulait savoir était sorti au format DVD en 2008, sous les couleurs de Carlotta Films. Si le DVD s’échangeait jusqu’ici à prix d’or sur le marché de l’occasion, le Combo Blu-ray + DVD + Livret aujourd’hui édité par Sidonis Calysta devrait fort logiquement reléguer aux oubliettes la précédente édition du film, tant elle la surpasse à tous les niveaux – master, bonus, packaging. Le film de George Sluizer débarque en effet dans une édition au packaging soigné – un beau Mediabook limité à 1000 exemplaires qui comprend non seulement le film au format Blu-ray et DVD, mais également un livret de 48 pages conçu par Olivier Père et intitulé « La Science des rêves » (une référence explicite au rêve de la jeune disparue, qui a une certaine importance dans l’intrigue du film).

Côté master, Sidonis Calysta annonce par un panneau précédant le film que L’Homme qui voulait savoir a bénéficié d’une restauration 2K par le EYE Film Institute et effectuée au laboratoire du EYE Filmmuseum à partir du négatif original 35MM. D’une façon assez surprenante, et pour avoir comparé les deux, le rendu visuel de cette édition 2K nous apparait comme assez supérieur à celle sortie en 2014 chez Criterion, et qui avait pourtant bénéficié d’une restauration 4K. Cette différence est essentiellement due à l’étalonnage du film, plus chaleureux, et probablement plus fidèle à la vision du directeur photo Toni Kuhn. On oubliera donc ici les peaux « rose cochon » de l’édition Criterion, et on se régalera des couleurs nettement plus saturées, même si cet étalonnage tend probablement à assombrir les plans nocturnes ou en basse lumière. Par ailleurs, le master est globalement stable et semble avoir été débarrassé de la plupart de ses défauts, même si quelques taches et/ou poussières subsistent. Par ailleurs, le niveau de détail est excellent, le grain d’une finesse absolue, et l’ensemble respecte à la lettre la granulation argentique du film de George Sluizer. Du côté des pistes son, on ne trouvera que le mixage original du film, mélange de flamand et de français, et ce dernier nous est proposé en DTS-HD Master Audio 2.0. L’ensemble est propre et net, avec une nette dominance de la musique lorsque celle-ci apparait. Les dialogues sont clairs, et aucun grésillements / parasites / distorsions ne sont à signaler. Du beau travail.

Du côté des suppléments, on commencera donc avec le livret de 48 pages dédié au film. On pourra s’étonner de la concision de l’analyse de L’Homme qui voulait savoir par Olivier Père, dans le sens où elle n’occupe que trois pages. Le reste sera consacré à l’équipe du film, et à deux hommages rendus aux disparus, avec Anne Sluizer-Lordon évoquant la carrière de son mari, et Ingrid Donnadieu évoquant celle de son père. Sur le Blu-ray à proprement parler, on retrouvera dans un premier temps deux suppléments hérités de l’édition Criterion de 2014. On commencera par un entretien avec Johanna ter Steege (14 minutes). La comédienne, qui s’exprime ici en anglais, se souviendra de la façon dont elle avait été approchée pour jouer Saskia et de sa rencontre avec George Sluizer. Elle évoquera également sa préparation et les frictions sur le plateau avec Bernard-Pierre Donnadieu, et la façon dont le réalisateur était parvenu à apaiser les tensions. On continuera ensuite par un entretien avec George Sluizer (19 minutes). Il reviendra sur son acquisition des droits du roman de Tim Krabbé, et des désaccords avec l’auteur lors de l’écriture du scénario, évoquera sa première rencontre avec Johanna ter Steege et son travail avec les acteurs Gene Bervoets et Bernard-Pierre Donnadieu ; il révélera d’ailleurs que ce dernier n’était pas son « premier choix » pour incarner le tueur : il avait d’abord pensé à Jean-Louis Trintignant, qui n’était pas disponible au moment du tournage. Il se remémorera le tournage du film et reviendra sur certaines thématiques du film, puis évoquera la postérité du film et les félicitations qu’il a reçues d’un certain Stanley Kubrick, qui trouvait L’Homme qui voulait savoir plus effrayant que Shining.

En plus de ces deux interviews, Sidonis Calysta nous propose une présentation du film par Samuel Blumenfeld (37 minutes). Et pour le coup, il ne s’agit pas là du meilleur investissement opéré par l’éditeur, tant les propos du journaliste nous ont semblé peu convaincants, et dénotent clairement d’un manque de travail et d’implication de sa part. La plupart des éléments mis en avant lors de son intervention semblent soit être tirés de l’entretien avec le réalisateur, soit révéler de l’enculage de mouches, hum, pardon, de la surinterprétation pure et simple. Et que penser du fait qu’il révèle n’avoir vu aucun autre film de George Sluizer ? A défaut d’une analyse irréprochable, une connaissance approfondie de l’œuvre du cinéaste aurait sans doute permis à Samuel Blumenfeld d’étayer un peu son propos ; au lieu de cela, il nous donne ici la fâcheuse impression de se reposer totalement sur ses acquis et sur sa réputation. On terminera enfin le tour des suppléments de cette édition remarquable de L’Homme qui voulait savoir avec la traditionnelle bande-annonce.

1 COMMENTAIRE

  1. Bien vu de votre part à propos de l’étalonnage qui est celui voulu par G Sluizer et le DP.
    La dominante jaune est un rappel au livre L’œuf d’or dont est tiré le scénario.
    Criterion avait refait un étalonnage en 2K à partir du 4K original et on ne sait pas trop pourquoi; le mystère des implications abusives. MR

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici