Test Blu-ray : L’héritage des 500.000

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L’héritage des 500.000

 
Japon : 1963
Titre original : Gojuman-nin no isan
Réalisation : Toshirô Mifune
Scénario : Ryûzô Kikushima
Acteurs : Toshirô Mifune, Tatsuya Mihashi, Tsutomu Yamazaki
Éditeur : Carlotta Films
Durée : 1h37
Genre : Aventures
Date de sortie cinéma : 3 avril 2019
Date de sortie DVD/BR : 28 août 2019

 

Durant la Seconde Guerre Mondiale, le commandant Matsuo a participé à l’ensevelissement de plusieurs milliers de pièces d’or dans la jungle philippine. Alors qu’il pensait ce trésor enfoui à tout jamais, emportant avec lui le souvenir des cinq cent mille soldats japonais morts sur cette île, voilà qu’un riche homme d’affaires, Mitsura Gunji, lui propose de partir à la recherche du butin. Contraint d’accepter, Matsuo retourne aux Philippines accompagné de quatre hommes recrutés par Gunji…

 


 

Le film

[4,5/5]

La carrière de Toshiro Mifune semble avoir été complètement « vampirisée » par ses multiples collaborations avec Akira Kurosawa. Quand on pense à Mifune aujourd’hui, on pense quasi-automatiquement à ce personnage badass, toujours vénère, qui illuminait de sa présence sauvage, presque animale, des films tels que Les sept samouraïs, Yojimbo, La forteresse cachée ou encore Rashomon. De fait, on tendrait un peu à oublier que Toshiro Mifune a énormément tourné, avec beaucoup d’autres grands noms du cinéma japonais (Kenji Mizoguchi, Mikio Naruse, Kon Ichikawa…) mais aussi du cinéma international (John Boorman, Steven Spielberg, John Frankenheimer…). On en oublierait aussi qu’il a également réalisé un film en 1963 : L’héritage des 500.000.

Film d’aventures méconnu, voire purement et simplement oublié (le dossier de presse de chez Carlotta Films nous apprend que, malgré le succès qu’il a rencontré à sa sortie, le film est même inédit en DVD au Japon), L’héritage des 500.000 est pourtant un film de guerre et d’aventures d’une pêche et d’une modernité étonnantes. Suivant un petit groupe de cinq personnages à la recherche d’un trésor de guerre, le film de Mifune annonce avec quelques années d’avance d’autres histoires cyniques mettant en scène des mercenaires motivés par l’appât du gain, tels que De l’or pour les braves (1970) ou bien-sûr Les rois du désert (1999). Le scénario est signé Ryuzu Kikushima, scénariste attitré d’Akira Kurosawa à l’époque ; on sent d’ailleurs fortement la patte de l’auteur de La forteresse cachée dans la description des personnages et le déroulement du récit, qui s’avère une vraie grande histoire d’aventures, une « chasse au trésor » aux relents épiques et amoraux, enchaînant les péripéties et ne laissant jamais le temps au spectateur de s’ennuyer.

Derrière la caméra, Toshiro Mifune met son savoir-faire (acquis aux côté du maestro Kurosawa) au service d’un divertissement populaire ambitieux, probablement bien moins « prestigieux » que la plupart des films de Kurosawa, parfois audacieux, toujours étonnant, et même franchement enthousiasmant dans son genre. La réalisation et le montage sont nerveux, dynamiques, parfaitement efficaces – Mifune ne perd pas de temps, ne tergiverse jamais, et emmène avec lui le récit de Kikushima en allant constamment de l’avant, enchaînant les rebondissements le plus rapidement possible, tout en restant le plus souvent tout à fait crédible et convaincant. Et comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, il s’octroie de plus le rôle principal du film, celui du vétéran, représentant de la mémoire de 500.000 japonais morts au combat, et le seul personnage du film à ne pas être mû par la cupidité et l’amour de l’or.

Au final, quand débarque le générique de fin de L’héritage des 500.000, on se prend à regretter que Toshiro Mifune n’ait pas réitéré l’expérience de la réalisation ; son film est en effet une intense et belle réussite, un peu plus frontale / moins intellectuelle que les œuvres de son mentor Akira Kurosawa, mais tout aussi digne d’intérêt.

Pour terminer, voici une anecdote sur Toshiro Mifune que vous ignoriez peut-être, et que vous pourrez sans peine replacer lors de votre prochain barbecue : l’acteur / réalisateur est né en 1920 dans la ville de Tsingtao, située sur les rives de la mer Jaune, au Nord-Est de la Chine. Les amateurs de restaurants chinois connaissent forcément cette ville, puisqu’on y brasse la bière du même nom, et que cette dernière représente à elle seule plus de 50 % des exportations de bière par la Chine. Ne cherchez pas, il n’y a aucune contrepèterie : on avait juste envie de compléter notre critique d’un classique oublié du cinéma japonais avec une information sur Toshiro Mifune que vous ne trouverez jamais dans les Cahiers du Cinéma !

 

 

Le Blu-ray

[5/5]

C’est donc grâce à Carlotta Films que l’on a aujourd’hui la chance de découvrir L’héritage des 500.000 sur support Blu-ray. L’image restaurée est de toute beauté, affichant un grain préservé et un noir et blanc superbe : les contrastes sont fins et affirmés, préservant la sublime photo de Takao Saitô, et le master semble avoir été débarrassé de tous les dégâts infligés par le temps (jaunissement, taches ou autres griffes…). Bref, la restauration est – comme d’habitude avec l’éditeur – de grande qualité, et le résultat est assez inespéré vu l’âge du film. Côté son, la bande-son est proposée en DTS-HD Master Audio 1.0, en japonais et mono d’origine. Les dialogues sont clairs et bien découpés, la musique mélancolique de Masaru Satô est bien mise en avant : de la belle ouvrage.

Du côté des suppléments, on trouvera, outre la bande-annonce de rigueur, une présentation du film courte et synthétique par Pascal-Alex Vincent, spécialiste du cinéma japonais (7 minutes). Il y reviendra sur la genèse du film et sur sa place au sein de la carrière de Toshiro Mifune. Last but not least, on pourra également se plonger dans le documentaire intitulé Mifune, le dernier des samouraïs (2015, 1h20), réalisé par Steven Okazaki et proposé en Haute-Définition et VOST. Documenté, assez complet et relativement didactique, il s’agit d’un bon petit documentaire, et de l’introduction idéale à la carrière de Mifune si vous ne connaissez ni sa vie, ni son œuvre et que vous désirez vous lancer dans la grande aventure du cinéma japonais.

On notera de plus que Carlotta nous propose également un fac-similé du dossier de presse d’époque en japonais (20 pages).

 

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