Test Blu-ray : Le cheval de Turin

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Le cheval de Turin

Hongrie : 2011
Titre original : A Torinói Ló
Réalisateur : Bela Tarr
Scénario : Bela Tarr, Laszlo Krasznahorkai
Acteurs : Janos Derzsi, Erika Bok, Mihály Kormos, Ricsi
Éditeur : Blaq Out
Durée : 2 h 35
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 30 novembre 2011
Date de sortie Blu-ray : 7 avril 2015

 

 

A Turin, en 1889, Nietzsche enlaça un cheval d’attelage épuisé puis perdit la raison. Quelque part, dans la campagne : un fermier, sa fille, une charrette et le vieux cheval. Dehors, le vent se lève…

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Le film

[4/5]

Bien qu’ils soient amis depuis leur plus tendre enfance, Michael et Luc ont des goûts très différents en matière de cinéma : Luc n’arrive pas à comprendre que Michael puisse prendre du plaisir à la vision de films que lui trouve désespéramment lents et ennuyeux alors que Michael ne s’explique pas l’intérêt que Luc trouve à tous ces blockbusters regorgeant de bastons et d’effets spéciaux qu’il dévore en salles ou en DVD. Mettons les face à Le Cheval de Turin, Ours d’argent du Festival de Berlin 2011, et écoutons ensuite leur dialogue :

– Quel calvaire : je crois ne m’être jamais autant ennuyé pendant près de 2 heures et demie.

– Comment peux tu dire cela ? Le cheval de Turin est un film magnifique, une véritable merveille cinématographique.

– Une merveille, ce film en noir et blanc dans lequel il ne se passe pratiquement rien, avec, en plus, jour après jour, les mêmes scènes qui se répètent, presque sans dialogue, presque sans action ?

– Pour dire cela, il faut que tu n’aies pas regardé le film avec suffisamment d’attention : certes, tous les jours, le vieil homme passe le plus clair de son temps à la fenêtre de sa masure et boit de temps en temps son verre de pálinka, alors que sa fille s’agite beaucoup plus : elle aide son père à se lever et à s’habiller, va chercher de l’eau au puits, s’occupe de la vieille jument, s’occupe du feu, prépare les pommes de terre pour le repas, aide son père à se déshabiller et à se coucher. Toutefois, chaque fois, ce sont des gestes différents, la répétition étant là pour montrer la pauvreté et l‘ennui abyssal qui règnent dans ce lieu où le vent n’arrête pas de souffler. A l’instar de ce que l’on ressent à l’écoute de la musique dite répétitive de Terry Riley ou de Phil Glass, ce procédé contribue au caractère hypnotique et contemplatif qui caractérise le film. Par ailleurs, tu oublies de signaler la venue du voisin qui vient soliloquer pendant près de 10 minutes sur la situation économique ainsi que l’intrusion de la poignée de tziganes recherchant de l’eau et mis en fuite par le vieil homme. Et puis, pour finir sur ce sujet, dans les films que tu vas voir, n’as tu pas l’impression de voir toujours les mêmes scènes qui se répètent : carambolages de voitures, explosions d’engins volants, foires aux biscoteaux, galeries de monstres ?

– Toi qui es si fort, peux-tu m’expliquer pourquoi, au début du film, on commence par nous raconter l’histoire du comportement de Nietzsche face au cheval fouetté violemment par son propriétaire pour ensuite ne plus jamais en reparler ?

– En fait l’anecdote de Nietzsche et du cheval de Turin fait dorénavant partie de l’histoire et quiconque s’est intéressé au philosophe sait que ce fait divers marque son entrée dans la folie qui occupera les 11 dernières années de sa vie. Tarr a préféré suivre le cheval, cette jument qui va aller vers la mort, la sienne, celle de son propriétaire, celle d’un mode de vie et aussi la mort cinématographique de Bela Tarr qui fait ici œuvre testamentaire : la terre est dorénavant aux mains de ceux qui l’accaparent et qui la souillent, il sait que le cinéma qu’il pratique est condamné et il a annoncé que ce film serait son dernier. Pour décrire ce renoncement désespéré, Bela Tarr a découpé son film en 30 plans-séquences d’une grande beauté esthétique, avec des références à l’art pictural, comme cette façon de montrer le vieil homme couché dans son lit dans la même position que le Christ dans le tableau « les Lamentations sur le Christ mort » d’Andrea Mantegna. Il est d’ailleurs curieux de constater le caractère mystique du film, alors que Bela Tarr se définit comme étant athée. Bien entendu, la musique accompagnant le film ne pouvait qu’être répétitive. Elle est l’œuvre de Mihály Víg, collaborateur régulier de Bela Tarr, et elle se marie parfaitement avec le souffle entêtant du vent incessant qui accompagne l’histoire.

– Tes explications ne me font pas vraiment changer d’avis mais, finalement, il y a un point sur lequel nous sommes d’accord : nous venons de vivre une expérience cinématographique exceptionnelle !

 

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Le Blu-ray

[4,5/5]

Dès juin 2012, 6 mois après la sortie du film en salles, Blaq Out avait sorti Le cheval de Turin en DVD. Au même moment, Blaq Out proposait également un coffret de 2 DVD réunissant Le cheval de Turin et Les harmonies Werckmeister, autre chef d’œuvre de Bela Tarr, coffret toujours disponible dans le commerce. On peut penser que la sortie en Blu-ray a plus à voir avec l’image qu’avec le son. En effet, le noir et blanc est peut-être ce qui est le plus difficile à transposer sur un écran de télévision. Ce que est obtenu ici est superbe, avec, en particulier, une ribambelle de nuances de gris. L’image d’origine, au format 1.66, trouve tout naturellement sa place sur les écrans 16/9, avec seulement une bande verticale imperceptible de chaque côté de l’écran. Curieusement, le film est donné partout, y compris chez Blaq Out, comme durant 2 h 26 minutes, alors que mon lecteur le gratifie de 2 heures 34 minutes et 52 secondes. Le film ne peut être vu qu’en version originale sous-titrée et concernant le son, il n’y a aucune possibilité de choix. Le supplément proposé est d’un grand intérêt : filmé le 3 décembre 2011, lors d’une rétrospective de l’œuvre de Bela Tarr donnée au Centre Pompidou, il consiste en une leçon de cinéma d’une durée de 44 minutes, menée par le journaliste Antoine Guillot et donnée par Bela Tarr. Cette interview aborde bien sûr la genèse de Le cheval de Turin et permet, plus généralement, de mieux connaître le parcours du réalisateur ainsi que ses thèmes de prédilection. On y apprend aussi que Bela Tarr a ouvert une école internationale de cinéma à Split, en Croatie, alors même qu’il affirme qu’il est impossible d’enseigner le cinéma. Tout juste, dit il, peut on essayer d’aider les jeunes cinéastes à se développer et à être eux-mêmes.

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