Test Blu-ray : I Love Peru

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I Love Peru

France : 2025
Titre original : I ♥ Peru
Réalisation : Raphaël Quenard, Hugo David
Scénario : Raphaël Quenard, Hugo David
Acteurs : Raphaël Quenard, Hugo David, Anaïde Rozam
Éditeur : Le Pacte
Durée : 1h08
Genre : Comédie
Date de sortie cinéma : 9 juillet 2025
Date de sortie DVD/BR : 9 novembre 2025

Lancé dans une course effrénée vers le succès, un comédien biscornu abandonne ses plus fidèles alliés. Seul face à lui-même, une vision troublante le percute. Direction le Pérou pour une aventure spirituelle…

Le film

[3,5/5]

Découvert dans Chien de la casse, Raphaël Quenard est depuis devenu le petit chouchou de la critique et du public français : on n’avait pas vu une telle unanimité depuis Pierre Niney. Tout le monde semble adorer Raphaël Quenard. Il attire tout autant les cinéphiles sérieux, qui admirent son talent et sa diction naturellement soutenue, les amateurs de gaudriole, qui apprécient son humour et sa répartie, les mamies, qui le considèrent comme le gendre idéal, et les jeunes filles, qui le trouvent merveilleusement beau. Autant de raisons de se plonger dans I Love Peru, docufiction burlesque dans lequel l’acteur joue son propre rôle avec une sacrée dose d’auto-dérision. Co-réalisé avec Hugo David, le film s’impose comme un curieux objet filmique, à mi-chemin entre l’autoportrait déglingué, le trip mystique et le journal intime d’un acteur en pleine crise d’ego (et qui aurait avalé un dictionnaire de synonymes).

Constamment sur le fil entre le témoignage sincère et les scènes volontairement outrancières, I Love Peru joue avec les frontières du réel. On est loin du biopic classique ou du documentaire linéaire : ici, la narration se tord, se plie, se contorsionne comme une danseuse en latex dans un clip de Björk. Le Pérou, plus qu’un décor, devient un miroir déformant, un terrain de jeu pour les hallucinations existentielles. Le film évoque la solitude du personnage principal, la célébrité, la quête de sens, mais le fait avec une liberté formelle qui rappelle les expérimentations d’un film tel que Synecdoche, New York. Le film aborde aussi naturellement la notion de « regard ». Celui que l’on porte sur soi, celui que les autres nous renvoient, et celui que le cinéma permet de distordre. La caméra, souvent mobile, parfois intrusive, capte les moments de doute, les éclats de rire, les silences gênés. Et du côté du spectateur, on rit beaucoup.

S’inscrivant dans la continuité du court-métrage L’Acteur ou vers la surprenante vertu de l’incompréhension, déjà co-réalisé par Raphaël Quenard et Hugo David sur le tournage de Chien de la casse, le film joue sur les ruptures de ton, les digressions absurdes, les flashbacks qui ressemblent à des rêves de fièvre. On pense parfois à des films en mode « autofiction » à la Tarnation, à ces films qui ne cherchent pas à raconter une histoire mais à faire ressentir un état. Et dans I Love Peru, cet état oscille entre la lucidité et la folie douce, comme un acteur qui aurait oublié s’il joue ou s’il vit. Et mine de rien, ce travail d’équilibriste est plus difficile qu’il n’y parait, et a demandé ici un travail sur le son : les dialogues, souvent improvisés, sont en effet ponctués de bruitages incongrus, de musiques qui surgissent sans prévenir, et de silences qui pèsent plus lourd qu’un discours de remise de César.

I Love Peru est donc un film hybride, à la croisée des genres et des intentions, mais il ne sombre jamais dans le maniérisme, et garde une forme de fraîcheur, d’humour, de dérision. De plus, sans en avoir l’air et en raison de son dispositif narratif, le film aborde pêle-mêle des sujets tels que l’amitié, la trahison, la mémoire, le deuil, la spiritualité, le narcissisme — tout y passe, comme dans une psychanalyse menée par Coco, le fameux perroquet cocaïnomane. Mais derrière le chaos apparent, il y a une vraie cohérence : celle d’un artiste qui cherche à se comprendre en se mettant à nu, parfois littéralement. Et si certains y verront probablement de la pure branlette intellectuelle, d’autres y décèleront une tentative sincère de renouer avec l’essence du jeu, du cinéma, de la vie. C’est un film qui ressemble à son auteur, avec ses fulgurances, ses excès, ses contradictions, et nous livre un joyeux bordel, salutaire, et franchement réjouissant.

Le Blu-ray

[4/5]

Après une carrière dans les salles ayant attiré un peu plus de 135.000 curieux, I Love Peru débarque au format Blu-ray, sous les couleurs de Le Pacte, qui nous propose une édition soignée, en exclusivité Fnac, avec un packaging sobre mais élégant, à l’image du film – soit un peu foutraque mais toujours classe. L’image, encodée en 1080p, restitue avec fidélité les variations de lumière et les textures du Pérou, entre jungle moite et ruelles poussiéreuses. Les contrastes sont bien gérés, même si quelques scènes nocturnes manquent de profondeur — rien de dramatique, mais les amateurs de noir velouté devront patienter pour une hypothétique version 4K. Côté son, les deux mixages DTS-HD Master Audio 5.1 et DTS-HD Master Audio 2.0 font le job avec brio. Le 5.1 offre une belle spatialisation, notamment dans les séquences musicales et les ambiances de rue, tandis que le 2.0 conserve une clarté appréciable pour les dialogues, parfois improvisés, souvent savoureux.

Côté suppléments, le Blu-ray de I Love Peru nous propose un ensemble relativement pertinent. On commencera avec le court-métrage L’Acteur, ou la surprenante vertu de l’incompréhension (26 minutes, HD), sorte de préambule au film, où Hugo David et Raphaël Quenard explorent les coulisses de leur collaboration avec une liberté formelle déjà bien affirmée. On poursuivra avec un entretien avec Hugo David et Raphaël Quenard (16 minutes), durant lequel les deux compères prolongeront cette immersion, avec des anecdotes de tournage, des réflexions sur le jeu, et quelques digressions qui sentent bon le café froid et les nuits sans sommeil. Enfin, une courte série de scènes coupées (4 minutes) ravira les amoureux du film, même si on ne peut s’empêcher de se dire que quatre minutes sur plusieurs dizaines d’heures de rushes, c’est un peu maigre, et qu’avec la matière dont ils disposaient avant le montage final, les deux co-réalisateurs auraient probablement pu nous livrer un I Love Peru 2.0.

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