Halloween
États-Unis : 2007
Titre original : –
Réalisation : Rob Zombie
Scénario : Rob Zombie
Acteurs : Scout Taylor-Compton, Malcolm McDowell…
Éditeur : ESC Éditions
Durée : 2h02
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 10 octobre 2007
Date de sortie DVD/BR : 8 octobre 2025
Un 31 octobre, à Haddonfield, Illinois, le soir de la fête des masques de Halloween… La vie du jeune Michael Myers, 10 ans, bascule. Troublé par des pulsions morbides, moqué par ses camarades d’école parce que sa mère est strip-teaseuse, harcelé par son beau-père, tourmenté par les premiers émois sexuels de sa sœur aînée, il revêt un masque en latex et, dans un accès de folie, assassine la moitié de sa famille au couteau de cuisine… Un 31 octobre, 17 ans plus tard. Toujours dissimulé derrière un masque et enfermé dans son mutisme, Michael s’échappe de la prison psychiatrique où il a grandi et recommence à semer des cadavres sur sa route…
Le film
[5/5]
Depuis sa sortie sur les écrans il y a un peu moins de vingt ans, le Halloween de Rob Zombie a toujours été un film dont on savait qu’il diviserait à tout jamais son public. Mais en prenant les rennes du remake le plus casse-gueule de l’Histoire, Zombie avait bien conscience qu’il n’était pas là pour plaire, mais pour marquer. Et le fait est que le film a marqué son public. Halloween, c’est une empreinte sanglante sur le visage du cinéma de genre. Une empreinte qui, même vingt ans après, ne s’efface toujours pas ! Délaissant l’abstraction du film fondateur de Big John Carpenter, qui avait créé, en 1978, une icône de croque-mitaine surnaturelle et aux motivations troubles, Rob Zombie choisissait au contraire d’ancrer son récit dans un contexte social d’un réalisme époustouflant, faisant de Michael Myers non plus une « forme » (Carpenter appelait d’ailleurs le personnage « The Shape » sur le tournage du premier film) mais un personnage clairement identifié de psychopathe pur et dur, d’une violence inconcevable et réellement dérangeante.
Halloween, version Zombie, c’est un peu comme si Leatherface avait eu un enfant avec Charles Manson, élevé par une strip-teaseuse fan de Black Sabbath dans une caravane infestée de rats. Et pourtant, derrière cette crasse assumée, cette esthétique de la déchéance, se cache une vraie réflexion sur la genèse du mal. Le film ne cherche pas à excuser Michael Myers, mais à le comprendre, à le disséquer comme un cadavre encore chaud sur une table d’autopsie. Zombie injecte dans Halloween une dose massive de sociologie trash, où l’Amérique white trash des 70’s devient le terreau fertile d’une monstruosité bien réelle. Exit le mystère, bonjour le trauma. Et ça fonctionne, parce que le malaise est palpable, viscéral, presque sexuellement dérangeant.
Halloween est en effet d’une violence assez inouïe, et le personnage de Myers surprend à refaire peur, 30 ans après ses premiers pas dans les allées d’Haddonfield. Dès les premières minutes du film, Zombie impose « son » personnage, et l’apparition de la flippante musique créée par John Carpenter foutra à coup sûr la chair de poule aux spectateurs. Par la suite, la violence développée par le personnage sera telle qu’à aucun moment le spectateur ne pourra développer de sentiment de sympathie envers lui (et c’est quasiment une révolution dans le monde du slasher) : le dégoût et la peur panique dominent tout au long du film.
Halloween, dans sa version 2007, ne fait pas dans la dentelle. C’est du brut, du sale, du rugueux. Le film ne cherche pas à séduire, il veut cogner. Et il cogne fort. Le son des os qui craquent, des cris étouffés, des portes qui claquent, tout est pensé pour créer une ambiance claustrophobe, poisseuse, presque fécale. Oui, fécale. Parce que le Halloween de Zombie, c’est aussi ça : une plongée dans les égouts de l’âme humaine. Et si certains grincheux regrettent la disparition du mystère, ils oublient que le mystère, c’est bien joli, mais ça ne fait pas toujours peur. Ici, la peur est frontale, sans filtre, comme une sextape de Donald Trump diffusée en IMAX et Dolby Atmos.
Halloween, dans sa première heure, c’est du grand Art, mis en scène avec panache et inventivité, maniant avec brio les éclairs d’extrême violence et les moments d’émotion sourde. Zombie filme les couloirs de l’hôpital comme Kubrick filmait ceux de l’Overlook Hotel : avec une précision chirurgicale et une angoisse rampante. Le cadre est souvent fixe, presque documentaire, et c’est dans cette immobilité que naît la tension. Le suicide de Sherri Moon Zombie, filmé sans pathos, sans musique larmoyante, est un moment de pure sidération – un vrai grand moment de cinéma, d’une intensité rare. De plus, le tout est écrit avec justesse et interprété par une pléiade de gueules connues des amateurs de ciné de genre. Et même si la dernière partie d’Halloween s’essouffle un peu, comme un marathonien asthmatique, elle reste suffisamment intense pour maintenir l’attention. On aurait juste aimé que Zombie pousse encore plus loin son délire, quitte à perdre les spectateurs en route.
Halloween, c’est aussi un film qui interroge le spectateur sur sa propre fascination pour le mal. Pourquoi regarde-t-on ces films ? Pour frissonner ? Pour se rassurer sur sa propre normalité ? Ou pour se vautrer dans la violence comme dans un bain de boue tiède ? Zombie ne répond pas, il pose la question. Et c’est déjà pas mal. Halloween devient alors une sorte de miroir déformant, où chacun peut voir ce qu’il veut : un slasher bourrin, une tragédie familiale, une critique sociale, ou juste un bon gros trip de cinéphile en manque de sensations fortes. Et dans tous les cas, ça fait du bien, et si les petites longueurs dont souffre sa dernière partie l’empêcheront d’accéder au statut d’œuvre maîtresse d’un film tel que The Devil’s Rejects, Halloween reste tout de même une putain de grosse claque dans la gueule.
Le Coffret Blu-ray
[5/5]
On l’attendait depuis plus de quinze ans, on n’osait plus espérer le voir débarquer un jour en Blu-ray, mais ça y est : le Halloween de Rob Zombie débarque en Blu-ray chez ESC Éditions dans une édition spéciale et limitée, qui arrive dans un boîtier Digipack trois volets nanti d’un étui rigide numéroté. Cet élégant coffret contient le Blu-ray du film en version non censurée (2h02), le Blu-ray du film en version cinéma (1h50), une affiche et un Blu-ray de bonus contenant un making of fleuve d’une durée de plus de quatre heures ! Autant dire donc que cette édition sent bon la sueur rance, le latex moisi et les hurlements étouffés – tout ce qu’on aime !
Côté Blu-ray, l’image du Blu-ray d’Halloween nous propose un rendu solide, avec un grain bien présent qui respecte l’esthétique crasse voulue par Zombie. Les contrastes sont bien gérés, les noirs profonds, et les couleurs volontairement ternes renforcent l’ambiance glauque du film. Quelques plans nocturnes souffrent d’un léger manque de définition, mais rien de rédhibitoire. Côté son, c’est du lourd : la VO en DTS-HD Master Audio 5.1 claque comme une porte de cellule, avec une spatialisation efficace et des basses qui font trembler les murs. La VF, également en DTS-HD Master Audio 5.1, s’en sort honorablement, même si le doublage manque assurément de la rage et de la « viscéralité » nécessaires pour accompagner les accès de violence du film. Le film est également proposé avec le commentaire audio de Rob Zombie (VO). Les anglophones pourront donc écouter la voix hypnotique du cinéaste, et l’écouter revenir sur le processus de création du film. Son enthousiasme est communicatif, et il sera bien difficile de décrocher une fois lancé, le cinéaste enchaînant les anecdotes sur un rythme soutenu. Il abordera, entre autres, le casting, les lieux de tournage, l’utilisation de gros mots, etc. Très intéressant !
En plus du commentaire audio que l’on vient d’évoquer, le reste des suppléments du Blu-ray d’Halloween édité par ESC Éditions est aussi bien garni qu’un buffet de tripes dans une morgue. On y trouvera donc tout d’abord Michael Lives : The making of Halloween, un documentaire de 4h20 qui taille dans le vif, sans anesthésie ni vaseline, mais avec une tendresse inattendue pour les coulisses du massacre. Alors on vous prévient tout de suite : Michael Lives n’est pas le petit bonus DVD qu’on écoute sans vraiment le regarder entre deux rediffusions de Koh-Lanta. Oh que non : c’est au contraire une une plongée en apnée dans les entrailles du tournage du film de Rob Zombie. Un making of qui ne fait pas semblant, qui ne coupe rien, et qui laisse tout le monde transpirer à l’écran, même les figurants. On y voit le cinéaste en train de modeler son remake comme un taxidermiste sous acide, avec une précision chirurgicale et une passion qui ferait passer Elon Musk pour un dilettante. Dans Michael Lives, les amoureux du film seront aux anges, car chaque scène y est disséquée, chaque décor y est ausculté, et chaque acteur passé au scanner émotionnel. Plus qu’un documentaire, c’est une expérience, une sorte de rituel païen. Quatre heures qui font du bien, comme une coloscopie réussie.
Dans Michael Lives : The making of Halloween, le spectateur découvrira Rob Zombie en chef d’orchestre punk, dirigeant ses troupes avec une énergie de hamster sous stéroïdes. Le documentaire ne cherche pas à glorifier le bonhomme, mais à montrer son implication totale, son œil de lynx et sa capacité à improviser sans sombrer dans le chaos. On le voit changer les costumes à la dernière minute, redéfinir les intentions de jeu, et même réécrire des scènes sur le plateau. Ce n’est pas du perfectionnisme, c’est de la possession artistique. Et dans ce contexte, ce docu-fleuve devient une véritable leçon de cinéma, une masterclass déguisée, où l’on apprendra que le diable est dans les détails, et que parfois, il porte un masque de William Shatner repeint en blanc. Ce qui frappe le plus à ma découverte du film, c’est la manière dont il capte les dynamiques humaines sur le plateau. Malcolm McDowell, en vieux briscard cabotin, amuse la galerie comme un oncle bourré à un mariage, tandis que Scout Taylor-Compton, jeune actrice en devenir, navigue entre admiration et stress existentiel. Le film montre que derrière les cris, les meurtres simulés et les litres de faux sang, il y a une vraie camaraderie, une alchimie de groupe qui rappelle les colonies de vacances, mais avec plus de couteaux et moins de chamallows. Et cette ambiance est restituée avec une sincérité rare, sans voix off pompeuse ni musique larmoyante.
Michael Lives : The making of Halloween nous propose donc une approche brute, en mode reportage de guerre. Pas de transitions flashy, pas de montage clippé façon YouTube Shorts, mais une captation directe, presque clinique, des journées de tournage. Les caméras se faufilent dans les recoins, captent les hésitations, les engueulades, les moments de doute. Et c’est là que le film touche à quelque chose de plus profond : la création artistique y est décrite comme un combat, une lutte contre le temps, la fatigue, et parfois, contre soi-même. On est loin des making of promo où tout le monde se congratule en buvant des smoothies vegan. Ici, ça sue, ça râle, ça bosse. Et ce documentaire en tire une beauté profonde, rugueuse, presque virile, qui ferait passer les pubs Axe pour des pamphlets féministes.
Entre les lignes, on comprend également que l’équipe du film réunie autour de Rob Zombie filme la violence comme une catharsis, comme le miroir de nos peurs collectives, comme un exutoire dans un monde où les mots-clés comme « anxiété », « burn-out » et « crise existentielle » explosent sur Google. Et dans cette optique, Michael Lives : The making of Halloween dépasse largement son statut de making of : il devient une réflexion sur le besoin de fiction, sur le pouvoir du masque, et sur la manière dont le cinéma peut exorciser les démons, même ceux qui portent des bleus de travail. Alors oui, 4h20, c’est long. Très long. Mais jamais chiant, parce que ça parle de passion, de création, et de cette étrange pulsion qui pousse des gens à se réunir pour raconter, encore une fois, l’histoire d’un mec qui tue sa sœur avec un couteau de cuisine.
On vous prévient : vous ne sortirez pas indemne du visionnage de Michael Lives : The making of Halloween. Mais pourtant, il faudra y retourner, l’édition Blu-ray d’Halloween estampillée ESC Éditions nous réservant encore plusieurs heures à explorer l’envers du décor du film de Rob Zombie. On commencera donc avec un entretien avec Aurélien Zimmermann (34 minutes), qui reviendra sur la trajectoire et la carrière de Rob Zombie, le « réalisateur métalleux » : très complet et d’autant plus intéressant si d’aventure vous ne connaissez pas le travail de Zombie ni dans la musique, ni dans les comics, ni dans le cinéma. On passera à un entretien d’archive avec Rob Zombie (9 minutes), enregistré pour la promotion du film.
On pourra ensuite s’attarder sur une poignée de scènes coupées (20 minutes), accompagnées d’une fin alternative (4 minutes). Intéressantes et très symptomatiques de l’orientation que Rob Zombie voulait insuffler à son film, elles sont toutes proposées avec un commentaire audio optionnel du cinéaste (sous-titré en français). On continuera avec un très amusant bêtisier (10 minutes), qui nous permettra de découvrir la personnalité exubérante de Malcolm McDowell. On continuera ensuite avec un sujet consacré aux nombreux masques de Michael Myers dans le film (6 minutes), en partant du masque de clown du jeune Michael, acheté sur eBay, à la reproduction du masque classique porté par le tueur dans la seconde partie. Le tout est agrémenté d’interventions judicieuses de Rob Zombie, des acteurs Tyler Mane et Daeg Faerch, du monteur Glenn Garland, de la costumière Mary McLeod et du spécialiste des effets spéciaux Wayne Toth.
Mais ce n’est pas fini : on enchaînera en effet avec un making of intitulé « Réimaginer Halloween », composé de trois featurettes, qui reviendront sur différents aspects du processus de réalisation. On commencera par un sujet dédié au rapport qu’entretient le film avec le classique de John Carpenter (6 minutes). Rob Zombie nous explique la façon dont il a voulu se démarquer du film original, plusieurs acteurs et membres de l’équipe évoquent les atouts du cinéaste pour le projet, et on évoquera les influences qu’ont pu avoir des films comme 21 Grammes ou The Constant Gardener sur Halloween, ainsi que les différentes tonalités abordées par le film. On continuera avec un focus sur les décors (6 minutes), puis sur les effets spéciaux, accessoires et costumes (7 minutes). Juste après, on se plongera dans une rencontre avec les acteurs (18 minutes), ce qui permettra aux acteurs de revenir sur chacun des personnages principaux du film. De longs extraits du casting des acteurs (30 minutes) nous donneront à voir les auditions de quinze acteurs du film. Ce sujet sera d’ailleurs complété d’un test écran plus détaillé de Scout Taylor-Compton, qui incarne Laurie (8 minutes). On terminera avec la traditionnelle bande-annonce ! Bref, une tuerie d’édition qui fait honneur au film, et qui mérite sa place dans toute bonne vidéothèque de fan de slashers, de psychopathes et de rock crasseux.