Test Blu-ray : Fenêtre sur Pacifique

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Fenêtre sur Pacifique

États-Unis : 1990
Titre original : Pacific Heights
Réalisation : John Schlesinger
Scénario : Daniel Pyne
Acteurs : Melanie Griffith, Matthew Modine, Michael Keaton
Éditeur : ESC Éditions
Durée : 1h42
Genre : Thriller
Date de sortie cinéma : 30 janvier 1991
Date de sortie DVD/BR : 6 mars 2024

Inspiré d’un fait réel, le film raconte l’histoire de Patty et Drake qui viennent d’acheter la maison de leurs rêves à San Francisco. Pour les aider financièrement, ils décident de louer la chambre du rez-de-chaussée et choisissent un dénommé Carter Hayes qui semble être le locataire idéal. Mais dès son emménagement, les choses tournent mal…

Le film

[3/5]

À sa sortie aux États-Unis en 1990, Fenêtre sur Pacifique a été qualifié de « thriller pour yuppies » par Roger Ebert et par le Washington Post, en raison de son intrigue qui nous donne à voir de nouveaux propriétaires aux prises avec un locataire / mauvais payeur qui refuse obstinément de quitter les lieux. Au-delà du simple bon mot, les critiques de l’époque soulignaient les difficultés d’identification que pouvaient éventuellement ressentir les spectateurs du film à la découverte de ce jeune couple se lançant dans l’immobilier, et louant à prix d’or les chambres d’une baraque qu’ils avaient acquis pour une bouchée de pain avant de la retaper.

Les héros de Fenêtre sur Pacifique, Drake et Patty, incarnés par Matthew Modine et Melanie Griffith, représentent donc une certaine idée de la réussite à l’américaine. Ils sont présentés de façon très bienveillante par le réalisateur John Schlesinger et son scénariste Daniel Pyne. Semblant couler le parfait amour, ils investissent dans une vieille maison du quartier huppé de Pacific Heights, à San Francisco, et ne rechignent pas à la tâche, repeignant et remettant en état la maison avant de mettre deux chambres en location. Leur dur labeur semble porter ses fruits, puisque dans les premières minutes du film, ils parviennent à louer les deux logements qu’ils ont aménagés dans la maison, pour plus de 1000 dollars par mois – ce qui, il y a une trentaine d’années, représentait un loyer absolument énorme.

Il ne fait certes aucun doute que pour un propriétaire, le fait de se retrouver confronté à un locataire refusant de payer son loyer tout en occupant les lieux représente un véritable cauchemar, surtout si le propriétaire compte lui-même sur ce loyer pour payer ses propres traites. Cela dit, il s’agit là d’une situation à laquelle le spectateur lambda ne sera jamais confronté, et par conséquent, il y a de fortes chances pour que le principe d’identification ne fonctionne qu’assez mal. On aurait même tendance à penser qu’en découvrant Fenêtre sur Pacifique, une partie du public puisse même s’identifier à Carter Hayes, le personnage interprété par Michael Keaton, et se réjouir du fait qu’il emmerde copieusement son proprio.

Pourtant, on ne peut pas non plus spécialement affirmer que Carter Hayes soit franchement sympathique : il aurait même tendance à s’avérer un peu psychopathe sur les bords. Mais la prestation trouble et vénéneuse de Michael Keaton lui confère un côté vraiment fascinant, alors qu’en face de lui, Matthew Modine passe un peu trop rapidement du statut de petit ami prévenant et propre sur lui à celui de proprio beuglant et écumant de rage. Son inclinaison à perdre son sang-froid et la rapidité avec laquelle son personnage s’enfonce dans une spirale qui frôle la folie sont si surprenantes que l’on pourra légitimement se demander si ce n’est pas lui le vrai psychopathe de Fenêtre sur Pacifique.

Bon, c’est vrai aussi que Michael Keaton est un peu chiant : non seulement il ne paie pas son loyer, mais en plus, il rend la vie infernale à tous les habitants de l’immeuble en détruisant son logement à coups de marteau. Tout y passera, des murs au plancher, et si vous avez déjà lu un polar dans votre vie, vous ne tarderez pas à deviner les raisons pour lesquelles Carter Hayes agit de cette manière. John Schlesinger et Daniel Pyne semblent quant à eux convaincus que le public n’a jamais ouvert un polar, et décide de ne pas le tenir au courant de ce qui se passe dans l’appartement de Carter, les forçant bon gré, mal gré à compatir avec Drake et Patty au gré d’un sentiment général de malaise, de colère et de peur. La tension et la frustration montent donc au fur et à mesure que l’intrigue de Fenêtre sur Pacifique avance, jusqu’au moment inévitable de l’explosion de violence.

Là où Fenêtre sur Pacifique s’avère étonnant en revanche, c’est dans l’habile façon dont il démontre que les lois et le système judiciaire dans son ensemble s’avèrent clairement du côté des voyous et des squatteurs. Les torts sont ainsi tous rejetés sur les propriétaires plutôt que sur les locataires, même quand ces derniers occupent les lieux de manière illégale. Durant les deux premiers tiers du métrage, le scénariste Daniel Pyne se sert de ces aberrations du système, tout en les pointant du doigt, ce qui enrichit clairement le propos du film. Cependant, Fenêtre sur Pacifique demeure un thriller, et les frissons reprendront leurs droits dans le dernier acte du film, porté par la prestation solide de Melanie Griffith, qui fait de son mieux pour garder son sang-froid au fur et à mesure que le personnage de Matthew Modine bascule dans la folie.

Le Blu-ray

[4/5]

Fenêtre sur Pacifique était sorti en DVD courant 2009, dans une édition exclusivement disponible dans les magasins Fnac, mais le film de John Schlesinger était épuisé depuis de nombreuses années, et s’échangeait à prix d’or sur le marché de l’occasion. Grâce à ESC Éditions, vous pouvez désormais revoir le film au format Blu-ray, alors merci qui ? Merci ESC (celui qui a dit « Jackie et Michel », tu sors). Le film n’ayant pas été restauré, le rendu Haute Définition est encore très perfectible, mais la définition est correcte et le grain argentique d’origine a été préservé. Les couleurs sont naturelles, mais si on pourra peut-être les trouver un peu froides. La gestion des contrastes est globalement satisfaisante, même si les noirs manquent un peu de tranchant sur certains passages. Côté son, l’éditeur nous gratifie bien sûr à la fois de la version française et de la version originale sous-titrée. La VO est mixée en DTS-HD Master Audio 5.1, et la spatialisation est pour le moins efficace, fine et spectaculaire, offrant un relief sonore remarquable au film ainsi qu’à la musique de Hans Zimmer. La VF quant à elle nous est proposée en DTS-HD Master Audio 2.0, dans un mixage clair et tout à fait satisfaisant.

Côté suppléments, on trouvera une présentation du film par Samuel Blumenfeld (22 minutes). Ce dernier replacera Fenêtre sur Pacifique dans la carrière de John Schlesinger, et abordera quelques-unes des thématiques du film. Il insistera principalement sur l’influence d’Alfred Hitchcock (scénario, présence au casting de Melanie Griffith et de sa mère Tippi Hedren, apparition du réalisateur…), ainsi que sur le rapport à l’homosexualité (attirance Drake / Carter), qui est un des thèmes centraux de l’œuvre du cinéaste.

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