Test Blu-ray : Dans les replis de la chair

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Dans les replis de la chair

Italie, Espagne : 1970
Titre original : Nelle pieghe della carne
Réalisation : Sergio Bergonzelli
Scénario : Sergio Bergonzelli, Fabio De Agostini, Mario Caiano
Acteurs : Eleonora Rossi Drago, Pier Angeli, Fernando Sancho
Éditeur : Frenezy Éditions
Durée : 1h32
Genre : Giallo, Thriller, Drame
Date de sortie cinéma : 7 octobre 1981
Date de sortie DVD/BR : 2 novembre 2022

Lucille est gouvernante et vit dans un manoir avec son neveu et la fille de son employeur, Falaise. Soudée autour d’un passé tragique qu’elle tient à dissimuler, cette étrange famille fait disparaître toute personne qui pourrait découvrir ses secrets…

Le film

[3,5/5]

Sorti sur les écrans italiens en mai 1970, soit un peu plus de deux mois après L’oiseau au plumage de cristal, le film de Sergio Bergonzelli Dans les replis de la chair s’inscrit, d’un strict point de vue chronologique, dans la vague de gialli initiée par l’énorme succès de réalisé par le film Dario Argento. Pour autant, il se trouve – et d’une façon assez claire – que le film de Sergio Bergonzelli va bien d’avantage chercher son intrigue et ses influences dans la vague de whodunits britanniques dérivés de Psychose d’Alfred Hitchcock (1960).

En effet, suite au carton du film mettant en scène Anthony Perkins dans la peau de Norman Bates, de très nombreux ersatz se sont mis à envahir les salles de cinéma dans le monde entier, remettant sur le devant de la scène de nombreux concepts psychanalytiques, notamment liés aux traumatismes refoulés remontant à l’enfance. Dans les replis de la chair fait donc partie de ces « Gialli de machination », récits contemporains extrêmement psychologiques au cœur desquels la folie et les fantômes d’un passé trouble ne sont jamais très loin. Des intrigues « à la Daphné Du Maurier » ou « à la Boileau-Narcejac », riches en thématiques se tirant la nouille sur des concepts freudiens ou mettant en scène de graves pathologies psychiatriques.

Le scénario écrit par Sergio Bergonzelli, Fabio De Agostini et Mario Caiano pour Dans les replis de la chair ne cache d’ailleurs pas du tout sa nature, dans le sens où le film s’ouvre sur une (fausse ?) citation de Sigmund Freud traitant des traumatismes et de leurs répercussions sur l’inconscient. Et le film de s’imposer comme à la croisée des chemins entre Rebecca et Psychose (avec un peu de Marnie dedans), avec des secrets de famille, des complots crapuleux, des apparitions spectrales et, surtout, des twists à tous les étages…

Car si vous pensiez que le giallo avait atteint le summum de l’intrigue alambiquée avec des films tels que de L’Adorable corps de Deborah (Romolo Guerrieri, 1968) ou Perversion Story (Lucio Fulci, 1969), attendez de voir le tortueux climax de Dans les replis de la chair : ce dernier nous donne en effet à voir retournement de situation sur retournement de situation, au point que l’intrigue s’opacifie au fur et à mesure qu’elle tire vers son dénouement. On en viendrait presque à penser que les multiples révélations finales font prendre au film les allures d’un épisode de Scooby-Doo ! Pour autant, en dépit de son intrigue tarabiscotée défiant le plus souvent la logique conventionnelle, Dans les replis de la chair n’en demeure pas moins un excellent whodunit doublé d’un implacable récit de machination.

Une grande partie du film se déroule dans une villa italienne au bord de la mer, dans laquelle vit Françoise (Pier Angeli), la fille d’un riche homme d’affaires disparu treize ans plus tôt. Elle partage les lieux avec Lucille (Eleonora Rossi Drago), sa gouvernante, et le fils de cette dernière, Colin (Emilio Gutiérrez Caba). Le sombre secret avec lequel doivent se débattre les trois protagonistes principaux de Dans les replis de la chair, et dont les tenants et aboutissants nous seront lentement révélés par une série de flashbacks, remonte à cette fameuse soirée, treize ans plus tôt, durant laquelle le maitre de maison a disparu. Cette nuit-là, qui fait partiellement l’objet de la première séquence du film, a donc été la scène d’un crime sanglant : un homme a eu la tête tranchée, et Françoise, Lucille et Colin étaient aux premières loges. Mais que s’est-il passé exactement ?

Viol, meurtre et vengeance sont au cœur de ce secret de famille, qui sera l’objet d’une narration-puzzle beaucoup plus complexe qu’elle n’y parait à première vue : ainsi, le déroulement des événements tels que pourra les deviner le spectateur dans les premiers instants du film ne sera que la face visible d’un iceberg bien tordu. Sergio Bergonzelli et ses coscénaristes au cœur de Dans les replis de la chair nous invitent à aller au-delà des apparences et des faux-semblants, pour tenter de démêler le vrai du faux… Si l’intrigue à la Cluedo ne sera peut-être pas encore tout à fait claire pour tout le monde quand le film arrivera à son terme, la construction des scènes « contemporaines » est en revanche assez simple et linéaire : dans chaque nouvel acte du récit, Lucille, Françoise et Colin accueilleront un nouveau visiteur, chacun d’entre eux débarquant soit avec de bonnes, soit avec de mauvaises intentions. Leur sort sera en revanche invariablement le même : ils seront tués et dissous dans la remise attenante à la maison, dans une solution de soude caustique. Mais chaque nouveau visiteur nous en apprendra également un peu plus sur l’intrigue de Dans les replis de la chair, à travers la révélation de bribes du passé des trois personnages vivant dans la villa. Ne cherchez pas trop cela dit à réunir les pièces au fur et à mesure : Sergio Bergonzelli fait de la rétention d’informations, laissant volontairement certains aspects du récit dans l’ombre, ce qui fait qu’il sera pratiquement impossible de comprendre ce qui s’est passé cette fameuse nuit avant la toute fin du film.

D’un point de vue formel, si les récurrences fétichistes systématisées par Dario Argento (tueur ganté de noir, vue subjective…) à partir de L’oiseau au plumage de cristal ne sont pas de la partie, on trouvera tout de même dans Dans les replis de la chair une poignée de dérives sanglantes (les têtes à moitié dissoutes brandies du bac de soude comme des trophées) ou sexuelles (les relations obscures entre Françoise et Colin), avec également en bonus une séquence de nudité totalement gratuite, qui s’exprimera par le biais d’un flashback des camps nazis qui tombe comme un cheveu dans la soupe. On notera également une certaine fascination du cinéaste pour les armes blanches, qui s’imposent de façon évidente comme autant de substituts phalliques. On pourra aussi remarquer que par l’utilisation de cette violence graphique décomplexée, le film développe tout au long de son intrigue un sens de l’humour très noir, qui prend parfois le dessus sur le suspense et/ou la tension dramatique.

On terminera avec un petit mot sur les acteurs du film : aux côtés d’Eleonora Rossi Drago (Été violent) et Pier Angeli (Banco à Bangkok pour OSS 117), on trouvera une poignée de visages connus des amateurs de Bis. On pense bien sûr à Fernando Sancho, qui joue l’évadé de prison, et qui jouait le méchant Paco Fuentes dans Le Retour de Ringo. Impossible de ne pas repérer la sale trogne de Luciano Catenacci, visage incontournable du poliziottesco, vu dans des films d’Umberto Lenzi tels que La Rançon de la peur, Un flic hors-la-loi ou Brigade spéciale, mais dont les spectateurs natifs des années 80 se rappelleront sans doute pour son rôle du « Grec » dans Pair et Impair, avec Bud Spencer et Terence Hill. Et bien sûr, dans le rôle de Colin, on notera l’un des premiers rôles d’Emilio Gutiérrez Caba, qui deviendrait un acteur incontournable du cinéma populaire espagnol, et tournerait entre autres avec Pedro Almodóvar (Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ?), Álex de la Iglesia (Mes chers voisins) ou plus récemment avec Jaume Balagueró (Braquage final).

Le Blu-ray

[5/5]

Frenezy Éditions nous gâte à nouveau aujourd’hui avec la sortie événement de Dans les replis de la chair dans une nouvelle édition exceptionnelle sortie à l’automne dernier, qui s’impose dans la droite lignée des premières sorties HD de l’éditeur, La Victime désignée et Texas Adios. La sortie du film de Sergio Bergonzelli était par ailleurs accompagnée de la sortie en Blu-ray de Femina Ridens, dont on vous parlera d’ici quelques jours.

Proposé dans une nouvelle restauration 2K tirée du négatif original, Dans les replis de la chair bénéficie d’un superbe upgrade Haute-Définition. La restauration a fait place nette de toutes les tâches et autres imperfections liées au temps, et le Blu-ray nous propose aujourd’hui un piqué précis tout en conservant le grain d’origine et une stabilité exemplaire. La sublime photo de Mario Pacheco est littéralement sublimée, même durant les passages nocturnes, la profondeur de champ ne pose pas de souci, bref, le boulot a été fait – et bien fait – pour que nous puissions (re)découvrir Dans les replis de la chair dans les meilleures conditions possibles. Du côté des enceintes, VF d’époque et VO nous sont proposées, en LPCM Audio 2.0, en mono d’origine évidemment. Les dialogues sont clairs, les ambiances plutôt bien préservées, sans souffle. On notera que la version française contient une poignée d’expressions désuètes qui dégagent un charme suranné assez irrésistible ; néanmoins, si vous visionnez le film en VF, de très courts passages coupés à l’époque de la sortie en salles seront automatiquement proposés en VOST.

En plus d’être un bel objet, le coffret édité par Frenezy Éditions – qui contient un livret collector de 40 pages sur le film et la carrière de Sergio Bergonzelli – n’est d’ailleurs pas avare en suppléments et autres contenus inédits : on trouvera donc sur la galette une longue présentation du film par Rosario Tronnolone, spécialiste du cinéma italien (34 minutes), qui reviendra sur la carrière de Sergio Bergonzelli (on apprendra qu’il avait pris de vitesse Sergio Leone en signant avant lui le premier western italien, Le Dernier pistolet), ainsi que sur le contexte de tournage du film, la coproduction Italie / Espagne, la question de la censure, les influences Hitchcockiennes (notamment dans l’utilisation de l’image du train)… Enfin, en plus de la traditionnelle bande-annonce, Frenezy nous propose également de voir ou revoir le générique italien du film (7 minutes), avec les cartons italiens d’origine. Pour vous procurer cette édition indispensable, rendez-vous sur le site de l’éditeur !

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