Test Blu-ray 4K Ultra HD : Les Guerriers de la Nuit

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Les Guerriers de la Nuit

États-Unis : 1979
Titre original : The Warriors
Réalisation : Walter Hill
Scénario : Walter Hill, David Shaber
Acteurs : Michael Beck, James Remar, Marcelino Sánchez
Éditeur : Paramount Pictures France
Durée : 1h33
Genre : Thriller, Action
Date de sortie cinéma : 27 août 1980
Date de sortie BR/4K : 3 décembre 2025

Dans un avenir proche, un leader charismatique convoque les gangs de rue de New York. Quand il est tué, les guerriers sont accusés à tort et doivent maintenant se battre pour rentrer chez eux alors que tous les autres gangs les pourchassent…

Le film

[5/5]

Parmi la profusion de cinéastes américains ayant fait leurs armes ou officiant déjà derrière la caméra durant les années 70, seulement une poignée a réussi à aborder le grand tournant des années 80 (l’après-Star Wars) sans y laisser des plumes ou carrément leur âme. Quelques maestros ont certes su confirmer tout le bien que l’on pouvait penser d’eux, mais dans de nombreux cas (De Palma, Coppola…), le meilleur n’était déjà plus « à venir » mais se situait avant la décennie 80. Certains cinéastes cependant sont parvenus à évoluer, à avancer avec leur temps, et même à bonifier leur cinéma, nous livrant avec une étonnante régularité une série de chefs d’œuvres étalés sur les deux décennies. On pense à Steven Spielberg, qui a toujours bénéficié de l’œil bienveillant de la critique et du public depuis ses débuts, à John Carpenter, dont le cinéma a été réhabilité assez tardivement par le Saint des Saints de la critique française Les Cahiers du Cinéma, et enfin à Walter Hill, toujours largement méprisé de l’intelligentsia cinéphile, mais dont le « gros œuvre » contient une série de films absolument formidables, qui obtiendront probablement un jour fort logiquement leur place au panthéon du septième Art comme autant de perles intemporelles. Le Bagarreur (1975), Les Guerriers de la nuit (1979), Sans retour (1981), Les Rues de feu (1984) et enfin Extreme prejudice (1987) – Cela fait déjà cinq chefs d’œuvres sur une période de douze ans. Plutôt pas mal pour cet élève et admirateur de Sam Peckinpah, surtout quand on considère en comparaison que le cinéma de « Savage » Sam s’est quant à lui effondré au tournant de la décennie 80.

Classé X par la Commission de contrôle en France en 1979 (pour « incitation à la violence »), Les Guerriers de la Nuit avait dû être raccourci d’une dizaine de minutes pour enfin atteindre le circuit des salles traditionnelles en 1980. Il faudrait attendre l’été 1984 pour qu’il soit enfin autorisé dans sa version intégrale dans l’hexagone, et de nombreux gamins le découvrirent ensuite par le biais de la VHS. Tout au long des années 80, dans les cours de récré de France et de Navarre, on entendrait des gamins crier « Warriors ! Warriors ! La partie commence ! » – il ne faudrait pas longtemps au film de Walter Hill pour devenir une référence, doublée d’un authentique film-culte. A l’époque, si on se risquait à demander à un jeune cinéphile pourquoi il aimait autant Les Guerriers de la Nuit, sa réponse était simple : parce que ça tabasse. C’est un film qui tabasse, point. Un peu plus de quarante ans plus tard, on peut l’affirmer haut et fort : ça tabasse toujours autant. Mais avec le recul, on se rend davantage compte des qualités formelles du film de Walter Hill – et notamment de la façon dont le cinéaste est parvenu à faire de la ville de New York un labyrinthe mythologique, où les stations de métro se transforment en portes de l’Enfer et les terrains vagues en arènes antiques. Walter Hill filme la nuit comme une matière vivante, une peau moite qui colle aux personnages et les enferme dans une course sans fin. Les Warriors, accusés à tort du meurtre de Cyrus, doivent traverser la ville pour rentrer chez eux, du Bronx jusqu’à à Coney Island. Ce trajet, qui pourrait sembler banal, devient une odyssée urbaine, une épopée moderne où chaque gang croisé incarne une nouvelle épreuve.

Les Guerriers de la Nuit s’inscrit également dans la mouvance d’un certain cinéma underground New Yorkais, né de films tels que Mean streets (Martin Scorsese, 1973), Un justicier dans la ville (Michael Winner, 1974) ou, un peu plus tard, Driller killer (Abel Ferrara, 1979), et qui se muera en une véritable vague « agressive » de longs-métrages au ton volontiers extrême au début des années 80, s’échinant à présenter la « Big Apple » sous son jour le plus glauque et le moins engageant. Avec ses personnages de voyous et autres loubards volant et agressant le jour, errant dans les bas-fonds la nuit, Les Guerriers de la Nuit évoque en effet forcément les figures blêmes hantant des films indépendants tels que Maniac (William Lustig, 1980), Exterminator – Le droit de tuer (James Glickenhaus, 1980), Basket case – Frères de sang (Frank Henenlotter, 1982), Vigilante (William Lustig, 1983), Combat shock (Buddy Giovinazzo, 1984) ou encore Exterminator 2 (Mark Buntzman, 1985). Des films qui présentaient tous New York comme une ville en déliquescence, dominée par le crime et le non-droit, peuplée d’âmes perdues enclines à la violence et au désœuvrement, et au-dessus de laquelle flottait l’ombre de la débâcle de la guerre du Vietnam. Autant dire que cette vague de long-métrages du début des années 80 ne donnait pas franchement envie d’aller faire du tourisme dans la grosse pomme pourrie…

Mais les raisons pour lesquelles les gamins des années 80 se sont probablement autant identifiés aux héros des Guerriers de la Nuit sont sans doute à chercher ailleurs. S’il nous propose certes une poignée de scènes de baston très stylisées, le film de Walter Hill n’est pas pour autant un film d’action, mais davantage un film de personnages, faisant la part belle aux différents membres des Warriors, et en leur conférant à tous une réelle personnalité. A ce titre, le film interroge la notion de communauté, de loyauté et de survie dans un monde où l’ordre social s’est effondré. Face à eux, les autres gangs, avec leurs costumes extravagants, ressemblent à des tribus sorties d’un carnaval post-apocalyptique. Les Baseball Furies, maquillés comme des clowns démoniaques, sont probablement les plus marquants d’entre eux ; mais on pense aussi aux Turnbulls, aux Riffs, aux Orphans ou aux Lizzies, qui jouent de leurs charmes pour piéger les Warriors… Tous incarnent certes des archétypes, mais Walter Hill ne cherche pas à construire des psychologies complexes : il préfère des figures claires, des silhouettes qui deviennent des icônes. Et derrière l’excentricité, le film questionne la manière dont les individus se définissent par leur appartenance à un groupe, et comment cette appartenance peut devenir à la fois une protection et une prison – voilà qui devait avoir, d’une façon inconsciente, une sacrée résonance dans les cours de récré de l’époque. Les Warriors ne sont pas des héros individuels, mais une entité collective, une meute qui avance ensemble. Cette approche rejoint une réflexion plus large sur la dissolution de l’individu dans la masse, une idée qui résonne encore aujourd’hui à l’heure des réseaux sociaux et des communautés virtuelles (telles que celle s’étant créée ces dernières années autour du jeu vidéo DayZ).

Côté mise en scène, Walter Hill en a toujours eu sous le pied, et Les Guerriers de la Nuit frappe par sa précision. Les travellings accompagnent les Warriors comme une respiration haletante, tandis que les néons du métro créent une esthétique presque pop-art. Walter Hill utilise la ville comme un décor expressionniste : les ombres s’allongent, les couleurs saturées explosent, et chaque affrontement devient une chorégraphie. On pense inévitablement un peu à New York 1997 (1981), qui partageait avec le film de Walter Hill cette vision d’un monde en ruine où la survie passe par la stylisation extrême. Mais Les Guerriers de la Nuit garde une singularité : il transforme le chaos urbain en ballet visuel, où la violence devient une danse. A ce titre, ce qui rend le film aussi fascinant presque un demi-siècle plus tard, c’est sa capacité à transformer une histoire de survie en une parabole universelle. Le trajet des Warriors devient une métaphore du passage à l’âge adulte : il faut traverser la nuit, affronter les dangers, résister aux tentations, pour enfin retrouver un lieu qui ressemble à un foyer. Coney Island, avec ses manèges éteints et son atmosphère de fête finie, incarne cette idée de retour impossible : on ne revient jamais vraiment chez soi, car le monde a changé, et soi-même aussi. En fin de compte, derrière ses atours de film qui tabasse, Les Guerriers de la Nuit refuse le réalisme pour embrasser le mythe. Walter Hill filme New York comme une cité antique, peuplée de tribus colorées, où chaque affrontement devient une épreuve initiatique – un classique intemporel.

Le Blu-ray 4K Ultra HD

[4/5]

Le Blu-ray 4K Ultra HD de Les Guerriers de la Nuit, édité par Paramount Pictures, se présente dans un boîtier avec fourreau élégant, qui reprend l’iconographie du film avec ses graffitis stylisés et ses couleurs nocturnes. Le packaging, sobre mais efficace, joue sur la nostalgie tout en affirmant la modernité de la restauration. L’image en Dolby Vision + HDR10 restitue avec éclat les contrastes de la nuit new-yorkaise : les noirs sont profonds, les néons vibrent, et les visages des Warriors apparaissent avec une netteté impressionnante. Quelques plans montrent encore un grain marqué, mais celui-ci participe à l’esthétique brute du film. On notera par ailleurs que la version 4K du film qui nous est proposée ici est la « version cinéma », que l’on n’avait pas eu la chance de voir sortir en Haute-Définition de notre côté de l’Atlantique. Côté son, le Blu-ray 4K Ultra HD nous propose une VF en Dolby Digital 2.0 mono, fidèle à l’expérience d’époque, avec des dialogues clairs mais une dynamique limitée. La VO en Dolby TrueHD 5.1 offre une immersion bien plus riche : les bruits du métro, les cris des gangs et la musique hypnotique de Barry DeVorzon enveloppent le spectateur dans une spatialisation efficace. La piste VO permet de redécouvrir la puissance sonore du film, avec une clarté qui met en valeur la tension dramatique.

Le Blu-ray 4K Ultra HD de Les Guerriers de la Nuit ne propose pas de bonus, mais le boîtier inclut en bonus le Blu-ray sorti en France en 2021, qui nous propose quant à lui de revoir le film dans sa version « Ultimate Director’s Cut » (1h34), avec nouvelles scènes, transitions style comics et voix off de Walter Hill. Ce disque reprend les suppléments déjà connus : présentation du film par Walter Hill (1 minute), making of rétrospectif en quatre parties signé Laurent Bouzereau (« Le Début » 14 minutes, « Champ de bataille » 15 minutes, « Le Chemin du retour » 18 minutes, « Le Phénomène » 15 minutes), ainsi qu’une bande-annonce cinéma (2 minutes). Ces bonus passionnants nous permettront de recontextualiser le film et de comprendre son impact culturel. Mais même sans bonus, cette édition rappelle que Les Guerriers de la Nuit reste un classique incontournable, dont la puissance visuelle et sonore mérite d’être redécouverte dans les meilleures conditions. On notera par ailleurs qu’une « Édition Collector Limitée » blindée de goodies est disponible dans les magasins Fnac.

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