Critique : La belle époque

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La belle époque

France : 2019
Titre original : –
Réalisation : Nicolas Bedos
Scénario : Nicolas Bedos
Interprètes : Daniel Auteuil, Guillaume Canet, Doria Tillier
Distribution : Pathé / Orange Studio
Genre : Comédie dramatique, romance
Date de sortie : 6 novembre 2019

4.5/5

Nicolas Bedos, 40 ans au compteur, a plusieurs cordes à son arc : humoriste, dramaturge, metteur en scène, scénariste, réalisateur, comédien, on a l’impression qu’il sait tout faire et, qu’en plus, il le fait bien. La belle époque est sa 2ème réalisation au cinéma, il est également le scénariste et le dialoguiste du film mais, cette fois ci, contrairement à Monsieur et Madame Adelman, il ne joue pas dedans. Ce film faisait partie, hors compétition, de la sélection du dernier Festival de Cannes.

Synopsis : Victor, un sexagénaire désabusé, voit sa vie bouleversée le jour où Antoine, un brillant entrepreneur, lui propose une attraction d’un genre nouveau : mélangeant artifices théâtraux et reconstitution historique, cette entreprise propose à ses clients de replonger dans l’époque de leur choix. Victor choisit alors de revivre la semaine la plus marquante de sa vie : celle où, 40 ans plus tôt, il rencontra le grand amour…

Que choisiriez vous ?

Comment réagiriez vous si on vous proposait de vous emmener vivre ou revivre un moment du passé, un moment que vous auriez aimé vivre ou un moment que vous avez déjà vécu ? Entendons nous bien : il n’est pas question d’un « authentique » voyage dans le temps, genre Retour vers le futur ou Les visiteurs. Non, il s’agit de vivre ou de revivre un moment choisi par vous sous une forme qu’on pourra qualifier de théâtrale, dans des décors et avec des partenaires fournis par la société qui a inventé le concept. Comment réagiriez vous et que choisiriez vous ?

En tout cas, pour Victor, quand on lui fait cette proposition, il n’est pas question d’hésiter. A 60 ans, cet homme est amer, dépassé par son époque, largué par le monde numérique dans lequel il est contraint de vivre, largué par le monde du travail, lui qui a perdu son job de dessinateur lorsque le journal pour lequel il travaillait est devenu numérique sur Internet. Comme si cela ne suffisait pas, rien ne va plus avec Marianne, sa femme, qui partage sa vie depuis plus de 40 ans, et qui, elle, fait le maximum pour « rester dans le coup », histoire de se persuader qu’elle est toujours jeune. Aucune hésitation pour Victor : il veut revenir en 1974, il veut revivre ce jour où il fit la rencontre de Marianne dans un café parisien. Bien sûr, ce n’est pas Marianne qu’il va rencontrer, mais Margot, l’ « actrice » qu’Antoine, l’inventeur du concept, a choisie pour incarner Marianne : elle est belle, elle est pétillante et, dans la vraie vie, elle vit une relation tumultueuse avec …  Antoine.

On rit, on est ému

Face à un tel synopsis, on se dit que tout est possible, aussi bien une grosse comédie aux gags lourdingues et éculés qu’une comédie fine ou bien, pourquoi pas, totalement débridée. La chance veut que ce synopsis a priori alléchant soit le fruit de l’imagination de Nicolas Bedos, lequel a ensuite écrit le scénario et les dialogues, puis a réalisé le film. Nicolas Bedos, on le connait comme humoriste, comme dramaturge, comme metteur en scène, comme scénariste, comme acteur, mais on le connait encore peu comme réalisateur de cinéma, La belle époque n’étant que son 2ème long métrage. A la vision de ce film, on peut parier sur une belle carrière au cinéma : le bougre est sacrément doué et ce, dans tous les domaines auxquels est confronté un réalisateur de cinéma souhaitant être maître de son film de A jusqu’à Z ! Certes, il y a un domaine où, connaissant l’animal, on ne se faisait pas de souci, le domaine des dialogues : comme prévu, ça tombe dru au niveau des répliques, que ce soit dans le vachard ou dans le sentimental ! Mais, à partir du synopsis de départ, quid de l’écriture du scénario, quid des choix de mise en scène, quid des transitions entre le vrai présent et le faux passé ?

Nicolas Bedos a choisi de ne pas se moquer de la nostalgie, le personnage de Victor étant représenté avec beaucoup de tendresse, mais il n’a pas choisi pour autant d’affirmer que c’était mieux avant ! Après tout, on a le droit de laisser son personnage principal se souvenir avec émotion de sa jeunesse tout en se trouvant bien dans ses baskets dans l’époque actuelle, à titre personnel. Avec Nicolas Bolduc, son chef opérateur, il a choisi de tourner le présent caméra à l’épaule afin, dit-il, « de traduire l’anxiété de Victor face au progrès » alors que les reconstitutions du passé font l’objet de « mouvements amples et doux, car le personnage retrouve ses repères ». Quant à la mise en scène et au montage, tout est d’une grande virtuosité combiné à un rythme qui ne se dément jamais. Le film passe du vrai présent au faux passé sans jamais perdre le spectateur, lequel peut être amené à ressentir une grande émotion quelques secondes après avoir ri aux éclats. Et vice versa !

Une distribution XXL

Scénario, dialogues, mise en scène, montage, tout est donc particulièrement réussi dans La belle époque, mais on se doit d’ajouter que la qualité de la distribution joue également pour beaucoup dans le résultat visible à l’écran : dans des rôles à la fois mineurs et importants, Pierre Arditi et Denis Podalydès prennent autant de plaisir à jouer que nous à les regarder jouer ; Fanny Ardant incarne Marianne avec une évidente délectation ; Guillaume Canet est impeccable dans le rôle d’Antoine, personnage dans lequel Nicolas Bedos a manifestement mis une part de lui-même. Mais que dire de Daniel Auteuil, interprète de Victor, et de Doria Tillier, incandescente Margot ? On n’avait pas vu Daniel Auteuil aussi parfait dans un rôle depuis longtemps, tout en justesse et en émotion. Quant à Doria Tillier, elle crève l’écran par son charme et son abattage, se hissant au niveau d’une Katherine Hepburn dans L’impossible Monsieur Bébé.

Conclusion

La belle époque, deuxième long métrage de Nicolas Bedos, est une très belle réussite. Rares sont les comédies françaises aussi inventives, aussi rythmées, mélangeant avec autant de finesse cocasserie et émotion et bénéficiant en plus d’une telle distribution XXL.

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