Critique : Hacker

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Hacker

Etats-Unis, 2015
Titre original : Blackhat
Réalisateur : Michael Mann
Scénario : Morgan Davis Foehl
Acteurs : Chris Hemsworth, Wang Lee-hom, Tang Wei, Viola Davis
Distribution : Universal Pictures International France
Durée : 2h13
Genre : Thriller
Date de sortie : 18 mars 2015

Note : 2,5/5

Lisse, froid et stylisé, l’univers fictif que Michael Mann évoque dans ses films s’apparente de plus en plus au monde réel. Quelle déception alors, que le réalisateur rate son rendez-vous avec la modernité ! Cette histoire décousue sur la cybercriminalité est ainsi tout à fait dans l’air du temps. Et pourtant, elle risque constamment de louper sa cible. Dans une société déshumanisée, le regard analytique de Michael Mann, sans autres états d’âme qu’une vague nostalgie de l’esthétique clinquante des années 1980, aurait facilement pu trouver sa place. Grâce à sa lucidité quant à la vacuité des échanges matériels et affectifs au 21ème siècle, Mann était parfaitement positionné pour créer l’œuvre filmique ultime sur notre époque et sa transition vers l’ère numérique. Hélas, Hacker est tout sauf un film visionnaire, puisqu’il a davantage tendance à ressembler à un simulacre du style de Mann qu’à une nouvelle étape décisive dans sa filmographie, jusque là pour le moins fascinante.

Synopsis : Un grave incident nucléaire a été causé par un piratage informatique dans la centrale chinoise de Chai Wan. Peu de temps après, le prix du soja s’envole sur les marchés financiers du monde, là encore en raison d’un logiciel malveillant. Les départements de la défense contre les cyberattaques de la Chine et des Etats-Unis collaborent alors à contre-cœur, afin de trouver la personne responsable de ces intrusions criminelles. Le capitaine Dawai Chen impose à l’agent du FBI Carol Barrett un choix de coéquipier pour le moins peu orthodoxe : il demande la libération du hacker redouté Nicholas Hathaway, incarcéré pour une peine de treize ans. Anciens amis à l’université, Chen et Hathaway avaient en fait écrit la base du programme d’administration à distance, à l’origine des sinistres sous une forme retravaillée. Le prisonnier accepte de se joindre à cette force d’intervention internationale, à condition que sa peine soit commuée s’il trouve le coupable.

Un nouveau monde où règne l’abstraction

L’aspect le plus inquiétant de la mise en réseau galopante de la planète, c’est qu’elle nous rend de plus en plus vulnérables à l’égard d’attaques invisibles. Rien qu’en écrivant ces quelques lignes sur notre ordinateur et en les mettant ensuite en ligne, nous nous exposons à toute une série de tentatives d’espionner nos habitudes virtuelles, dans le meilleur des cas. Alors que cette jungle des connections globalisées alimente des peurs de surveillance diffuses, voire des paranoïas viscérales, en termes cinématographiques, l’informatique pose le problème majeur qu’il n’y a pas grand-chose à voir ou à montrer. La narration tente de pallier assez maladroitement ce souci, à travers deux séquences qui traduisent en images à coups d’animations virevoltantes le cheminement des attaques initiales. Au moins, le reste du récit est exempt de ce genre de symbole peu fin pour le support physique minimal qu’il faudra toujours pour faire fonctionner la civilisation complètement dématérialisée de demain. Aujourd’hui, il paraît que nous sommes encore au stade du travail de détective à l’ancienne, puisque les héros du film sont obligés de sillonner le globe, afin de resserrer l’étau autour de leur ennemi furtif. Le protagoniste dispose certes des facultés de hacker averti lorsqu’il s’agit de voler des mots de passe ou de détourner des fonds d’argent sale. Mais dans l’ensemble, ses méthodes – et par répercussion indirecte celles du film – se démarquent par un goût presque archaïque pour la force et la violence brutes.

Crime de haut vol pour un thriller pesant

Le seul axe d’interprétation tant soit peu salutaire pour le onzième film de Michael Mann serait d’y voir une parabole sur la difficulté de viser juste dans un nouvel ordre binaire du monde qui ne tolère aucune approximation. Nul besoin en effet de s’attarder outre mesure sur le méchant, d’ailleurs particulièrement peu charismatique, quand les bons éprouvent autant de mal à adopter une stratégie efficace. Leur quête est plus ponctuée par des impasses meurtrières que par des avancées à la hauteur de la menace. Il en résulte un sentiment fâcheux d’éparpillement que la mise en scène voudrait sans doute nous vendre comme une sorte de réalisme implacable. Sauf que quelques vestiges du style typique du réalisateur persistent tout de même, rarement exécutés avec bravoure sur la durée, mais assez dominants pour regretter la cohérence formelle infiniment plus vigoureuse de ses films précédents. Ici, une petite fusillade expéditive et l’affrontement final autour d’une cérémonie traditionnelle résonnent surtout comme des rappels peu concluants des morceaux de bravoure d’antan. Et l’incursion très bancale des sentiments par le biais de la relation entre Hathaway et la sœur de Chen confirme que Michael Mann ne devra jamais s’aventurer du côté des épopées romantiques.

Conclusion

Arrivé en France deux mois après son parcours éclair aux Etats-Unis, où il fut un échec commercial cuisant, ce thriller ne mérite probablement pas autant de haine et de désapprobation. Au lieu de nous lamenter sur la perte de la virtuosité du style de son réalisateur, nous préférons cultiver l’espoir que ce film constitue une transition mineure vers de nouvelles rives cinématographiques. Ce qui ne signifie pas que nous serons forcément prêts à y suivre Michael Mann. Au moins, Hacker aura permis de voir réunis à l’écran les acteurs chinois Tang Wei et Wang Lee-hom, le couple malheureux du sublime Lust, Caution de Ang Lee.

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