Critique : Room

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Room

Canada, Irlande, 2015
Titre original : Room
Réalisateur : Lenny Abrahamson
Scénario : Emma Donoghue, d’après son roman
Acteurs : Brie Larson, Jacob Tremblay, Joan Allen, William H.Macy
Distribution : Universal Pictures International
Durée : 1h58
Genre : Drame
Date de sortie : 9 mars 2016

Note : 3,5/5

Le genre de fait divers sordide à l’origine de l’histoire de Room aurait pu donner lieu à toutes sortes de traitements choquants. Le dispositif – hélas inspiré de la réalité – de la femme séquestrée pendant des années en guise de jouet sexuel par des crapules sadiques est à lui seul si désespérant et révoltant que toute exploitation par le biais de la fiction risque d’apparaître scandaleusement opportuniste. L’exploit du film de Lenny Abrahamson consiste alors à contourner habilement les aspects les plus glauques de cette affaire, qui seraient davantage à leur place dans un film d’horreur, pour mieux se concentrer sur les relations humaines ayant persisté tant bien que mal au cours du calvaire d’abord physique, puis psychologique des personnages. Car le récit n’est point conçu à la manière d’un thriller conventionnel, où la libération de la captivité serait vécue comme le point d’orgue final d’un suspense insoutenable. La répartition en deux parties distinctes du film permet au contraire à la narration de se pencher sur ce qui compte réellement dans ce contexte périlleux : la rage de survivre coûte que coûte, malgré une existence brisée par la plus perverse des cruautés humaines.

Synopsis : Une jeune femme a été enlevée par un homme, qui la tient prisonnière dans une cabane dans son jardin depuis sept ans. Elle n’a plus aucun lien avec le monde extérieur, ni la moindre possibilité de s’enfuir de ce cachot d’une surface d’à peine quelques mètres carrés. Son seul compagnon est son fils Jack, qu’elle a eu au bout de deux ans de captivité et qui ignore tout d’une vie normale. En effet, pour éviter à son fils le désespoir inhérent à leur situation contraignante, sa mère lui fait croire que le monde se résume à leur chambre étouffante. Quelques jours après son cinquième anniversaire, elle lui annonce pourtant la vérité funeste, afin de tenter une ultime fois de s’enfuir grâce à sa précieuse collaboration.

Dedans / dehors

Il serait aisé de considérer Room comme un film en deux mouvements, soigneusement séparés l’un de l’autre. D’une certaine façon, et le quotidien déprimant dans la pièce exiguë, et le lent retour à une vie ordinaire pourraient fonctionner tels les épisodes autonomes d’une série sur les heureux survivants d’une expérience aussi traumatisante. Or, l’ambition du film se trouve clairement ailleurs, du côté de la relation très, voire trop proche entre une mère et son enfant, confrontée à des circonstances exceptionnelles. Avec une remarquable finesse, la mise en scène explore leurs rapports ambigus. Ceux-ci sont marqués à la fois par la pureté de l’affection maternelle dans un cadre fortement corrompu d’un point de vue moral et par la difficulté d’adapter ce lien privilégié à une normalité dépourvue de contraintes et d’adversaires. Le mal incarné, tout comme ses sévices répétitifs, sont ainsi filmés avec un certain recul, tandis que la dépendance réciproque entre Jack et sa mère occupe le devant de la scène émotionnellement très prégnante.

De beaux surlendemains

A l’immense soulagement que nous avons ressenti lors de l’évasion tendue succède une confrontation d’un autre ordre, peut-être encore plus sournoise que l’antagonisme entre le décor oppressant et l’envie irrépressible de maintenir tant soit peu sa santé physique et mentale. Une fois rentrée au bercail, la mère perd progressivement tous ses repères, au point d’afficher des signes préoccupants de faiblesse qui auraient pu lui être fatals auparavant. En même temps, l’innocence toute relative de son fils permet à Jack de découvrir sans préjugés, ni amertume une enfance aussi tardive que choyée. Là encore, le ton de la mise en scène fait preuve d’une étonnante adresse, qui ne s’adonne justement pas à l’abattement moral et pas non plus à un optimisme démesuré. Il se peut que ça aille mieux un jour pour les deux rescapés. L’enjeu de ce film très touchant serait par conséquent de célébrer presque pudiquement le plus durable des espoirs : celui qui n’abandonne jamais, même si la délivrance des souffrances se fait cruellement attendre.

Conclusion

Room n’est sans doute pas un film facile à vendre. Quel spectateur se soumettra en effet volontairement à l’épreuve d’une prémisse déprimante, qui ne promet de surcroît aucun dénouement rassurant, assaisonné au sirop hollywoodien ? C’est pourtant un film qui vaut tout à fait le détour, aussi grâce aux interprétations d’une qualité incontestable de la part de Brie Larson, fraîchement oscarisée pour ce rôle, et du jeune Jacob Tremblay.

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