Mère et fils

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1998

mère et fils afficheMère et Fils

Roumanie : 2013
Titre original : Pozitia Copilului
Réalisateur : Călin Peter Netzer
Scénario : Răzvan Rădulescu, Călin Peter Netzer
Acteurs : Luminita Gheorghiu, Bogdan Dumitrache, Ilinca Goia
Distribution : Sophie Dulac Distribution
Durée : 1 h 52
Genre : Drame
Date de sortie : 15 janvier 2014

Globale : [rating:2.5][five-star-rating]

Depuis une dizaine d’années, le cinéma roumain est devenu un pourvoyeur important en matière de films de festivals. Nombre d’entre eux en reviennent primés, parfois de façon très prestigieuses, comme la Caméra d’Or 2006 pour 12h 08 à l’est de Bucarest et la Palme d’Or 2007 pour 4 Mois, 3 semaines, 2 jours. Mère et fils, de Călin Peter Netzer, a décroché l’Ours d’Or au Festival de Berlin 2013. En fait, comme c’est souvent le cas, c’est la difficulté qu’ont leurs films à trouver un public dans leur propre pays face aux mastodontes américains qui pousse les réalisateurs roumains à viser le public international via les festivals afin de rentabiliser leurs œuvres.

Synopsis : Cornelia, 60 ans, mène une vie privilégiée à Bucarest, entourée de ses amis riches et puissants. Pourtant, les relations tendues qu’elle entretient avec son fils la tourmentent. Celui-ci repousse autant qu’il peut la présence d’une mère possessive. Quand Cornelia apprend qu’il est impliqué dans un accident de voiture qui a coûté la vie à un enfant, elle va utiliser toute son influence pour le sortir de cette situation où il risque une sévère peine de prison. Mais l’enfer du fils est pavé des bonnes intentions de sa mère. La frontière entre amour maternel et manipulation est mince…

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L’amour déçu d’une mère

Difficile de commencer un film de façon aussi irritante que Mère et fils : des personnages très mal cernés, une caméra à l’épaule qui, non seulement, s’agite de façon outrancière mais en plus n’arrive pas à cadrer rapidement ce que le réalisateur a demandé au cameraman : un coup c’est trop haut, un coup c’est trop bas, trop à droite, trop à gauche. Ouf, enfin, la scène est cadrée mais, pas de chance, elle se termine, on passe à la suivante et le tâtonnement reprend de plus belle. A se demander si ceux qui tiennent la caméra font le job pour la première fois de leur vie ! Heureusement, petit à petit, on a la sensation que les cadreurs arrivent petit à petit à maîtriser plus ou moins leur outil et on peut commencer à s’intéresser à ce qu’on voit et entend. On est à Bucarest, à l’époque actuelle. Il apparaît très vite que le personnage principal, quasiment de tous les plans, est une femme : elle s’appelle Cornelia, elle a une soixantaine d’années, elle vit à Bucarest dans un milieu très bourgeois, entourée d’amis aux bras longs, la relation qu’elle a avec Barbu, son fils, et Carmen, sa belle-fille, n’est pas au beau fixe. Quant à celle qu’elle entretient avec son mari, peut-être était ce de l’amour dans le passé mais aujourd’hui, c’est tout juste une coexistence, même pas franchement pacifique. De toute façon, elle considère que c’est un homme qui ne prend jamais ses responsabilités. Un jour, sa vie mondaine amène Cornelia à assister à une master-classe donnée par la soprano Leontina Vaduva autour de L’élixir d’Amour de Donizetti et quelqu’un vient lui annoncer que son fils a causé la mort d’un enfant au cours d’un accident de voiture. Dès lors, elle n’a plus qu’une idée en tête : utiliser son entregent et ses relations pour éviter la prison à son fils.

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Lola rencontre The Major

Tout le propos du film se retrouve dans son titre : Mère et fils. Une mère très possessive, très protectrice, et qui entretient des rapports difficiles avec son fils et sa belle fille : elle a l’impression que son fils ne l’aime pas et elle pense que c’est à cause de sa belle-fille, à qui son fils donne toujours raison. Pourtant, lorsque ce fils qu’elle aime de façon outrancière et maladroite se retrouve aux portes de la prison pour avoir causé la mort d’un enfant au volant de sa voiture, en doublant à trop grande vitesse un autre véhicule, cette mère va tout mettre en œuvre pour lui éviter une lourde sentence. Elle a des relations, elle va les faire jouer ; la corruption ne lui fait pas peur ; le conducteur du véhicule doublé est un témoin important et, lors de sa déposition, il a dit rouler à 110 km/h, la vitesse limite, lorsque Barbu l’a doublé : elle le rencontre pour qu’il revienne sur sa déposition, moyennant finance, bien évidemment. Dans la deuxième moitié du film, arrivent les scènes les plus intéressantes, les plus émouvantes et donc, les plus réussies : celle où sa belle fille avoue à Cornelia qu’elle est sur le point de quitter son fils ; celle, surtout, où elle rend visite, avec son fils, à la famille de l’enfant percuté par la voiture. Par miracle, les cameramen prouvent qu’ils connaissent (enfin!) leur métier en arrivant à cadrer parfaitement et du premier coup la plus belle scène du film, scène vue dans le rétroviseur d’une voiture !

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Un sujet très personnel

Une mère qui fait tout pour éviter la prison à son fils : cela rappelle une des deux grand-mères de Lola, du philippin Brillante Mendoza ; un automobiliste responsable d’un accident ayant causé la mort d’un enfant et qu’on essaye d’innocenter dans un pays où règne la corruption : cela rappelle The Majordu russe Yury Bykov, sorti en novembre dernier. Si on retrouve une similitude dans les thèmes avec ces 2 films, il n’en est rien en ce qui concerne les choix en matière de réalisation. En fait, le spectateur subit ici, de plein fouet, les excès du cinéma estampillé « Roumanie », un cinéma qui cherche avant tout à se vendre à l’exportation au travers des festivals : la caméra à l’épaule des frères Dardenne leur a valu les récompenses les plus prestigieuses, on se l’approprie en en exagérant les mouvements, trop souvent au delà du supportable. Pas de raison de se priver, puisque ça marche : Ours d’Or pour ce film à Berlin 2013 ! Par contre, le spectateur est en droit de regretter ce parti pris qui lui gâche une grande partie d’un film non dénué de qualités par ailleurs, surtout dans sa partie finale. Les deux scènes évoquées plus haut mises à part, le film doit beaucoup à la prestation de Luminita Gheorghiu, l’interprète de Cornelia : elle, à qui Michael Haneke a fait appel dans deux de ces films, est devenue en quelques films l’actrice quasiment incontournable du cinéma roumain et elle crève l’écran dans Mère et Fils. Ressemble-t-elle physiquement aux mères des deux scénaristes, Răzvan Rădulescu et Călin Peter Netzer, impossible de le savoir. Par contre, c’est le comportement de leurs propres mères, des mères très possessives, qui leur a servi de modèle pour créer le personnage de Cornelia. Dans ce film qui montre une femme qui s’attache à contrôler en permanence tout son entourage, on apprend avec surprise que Călin Peter Netzer, lui-même attaché à avoir la mainmise sur tout le processus dans ses 2 longs métrages précédents, a choisi cette fois ci de donner une liberté totale à ses deux cadreurs et à abandonner le choix des coupes à son monteur, face à une quantité énorme de rushes. Le choix pour lui de favoriser des regards externes sur un sujet très personnel qui allait souvent jusqu’à le perturber au moment du tournage.

Résumé

Face à ce film au scénario intéressant même s’il n’est pas franchement neuf, face à l’interprétation remarquable de Luminita Gheorghiu, on enrage très souvent de certains partis pris en matière de réalisation. On en vient à regretter que le réalisateur ait donné trop de liberté aux cadreurs et à leurs caméras pleines d’hésitations et de mouvements brusques, trop de liberté à un monteur qui a choisi une absence quasi totale de fluidité entre les scènes. Dommage !

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